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«Toutes les femmes devraient pouvoir connaître l’organe dont dépend leur plaisir au lit.» Déborah Linz est sexologue. Le clito, c’est son core business. Elle lui consacre des conférences et des spectacles.

C’est vrai qu’avant de se ruer sur du Viagra féminin, on gagnerait à connaître l’anatomie de notre plaisir. Reprenons depuis le début. Le mot « clitoris » vient du grec « kleitoris », « petite colline ». Sa découverte par le docteur Colombo, un savant italien, remonte au XVIe siècle. Au XVIIIe, Sade le décrit comme « un véritable siège du plaisir dans les femmes ». À partir de là, plus rien, plus personne, plus aucune étude anatomique ne s’intéresse à ce petit bout de chair. Il tombe dans l’oubli, ou plutôt dans le déni.

Dans nos sociétés patriarcales, la vie sexuelle des femmes, c’est souvent la reproduction et basta. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, il est toujours plus facile de trouver des informations sur l’astronomie et la cosmologie que sur la sexualité féminine, écrit la journaliste et écrivain belge Elisa Brune, auteure de « La Révolution du plaisir féminin ». Une chose est sûre, c’est que le clitoris est bien l’organe du plaisir, indépendamment de la procréation. Le clitoris est même le levier principal de l’orgasme féminin. Enfin, il donne à la femme la possibilité de jouir sans partenaire, en se masturbant toute seule, comme une grande. C’est peut-être cela qui a dérangé la science (des hommes) pendant si longtemps.

Sigmund Freud, l’inventeur de la psychanalyse, n’hésite pas à brandir la petitesse et l’isolement du clitoris (éloigné du vagin) comme preuves de son insignifiance. La masturbation clitoridienne ne serait qu’une affaire de fillette en attendant qu’advienne la rencontre avec le phallus, ultime vecteur de jouissance. Pour Freud (et pour bien d’autres), nous serions donc toutes vaginales. Dans certaines cultures où le doute persiste, la pratique de l’excision, soit l’ablation du clitoris, vient à bout de toute ambiguïté. Aussi barbare que soit cette coutume, tous les moyens sont bons pour éviter que la femme ne jouisse « gratuitement », en dehors de sa fonction reproductive. « Et pourtant, Pierre Foldès, un chirurgien qui a reconstruit le clitoris de milliers de victimes de l’excision, a un jour découvert que même les femmes excisées pouvaient ressentir du plaisir, un plaisir qui leur venait de l’intérieur », raconte Déborah Linz. Pour éluder ce mystère, Pierre Foldès s’associe avec Odile Buisson avec qui il réalise la première échographie complète du clitoris. Nous sommes en 2010 ! Vous lisez bien : la première écho de cet organe qui rend quand même des services date d’il y a cinq ans ! Et ce n’est pas tout : contrairement à ce que l’on pense, le clitoris est bien plus qu’un petit bouton gonflable qu’on excite par des chatouilles bien placées. ça, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

« Le clitoris est composé de plusieurs parties, à l’extérieur et à l’intérieur du corps. C’est un peu comme si ce que l’on voyait, ce que l’on touchait à l’extérieur, était en quelque sorte la tête du clitoris, et qu’à l’intérieur du corps se trouvaient ses petits bras. À cet ensemble appartient également le point G, qu’on associe à tort avec un point précis dissocié du clitoris alors qu’il faut imaginer les deux, clitoris et point G, comme une seule unité, une seule zone en 3D », explique Déborah. Le clitoris est donc une sorte de micropénis interne, capable d’entrer en érection. Ou plutôt, le pénis est une sorte de clitoris géant sorti de ses gonds ! « En tous les cas, les deux descendent du même ancêtre », écrit Elisa Brune. Cependant, précise l’écrivain belge à propos du clitoris, « il est peut-être petit ou très petit, peu visible ou très peu visible, c’est de toute façon le roi de la sensibilité ».

Et c’est peu dire : la tête du clitoris est la zone cutanée la plus sensible de tout le corps humain, l’expérience sensorielle la plus intense. Le connaître, c’est aussi l’aimer !

Quelques chiffres 

30,5 cm = la taille du plus grand clitoris répertorié (la moyenne étant de 10 cm).

32 ans – en moyenne, l’âge auquel notre clitoris arrête de grandir.

8 000 – le nombre de terminaisons nerveuses présentes dans un clitoris (le pénis, lui, n’en n’a que 4 000).

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Louise Culot