1

 

Plongée dans les parfums du matin au soir, Françoise Donche, l’olfactologue de la maison Givenchy nous entraîne dans son sillage, à Paris.

08.00 

J’achète mes croissants chez Gouin, rue des Moines, dans le XVIIe. Cette boulangerie-pâtisserie les prépare avec du beurre frais AOC. Rien que l’odeur des viennoiseries qui embaume la boutique me fait saliver. Le samedi, je poursuis ma balade au marché des Batignolles. Fleurs, fruits, légumes, savons à l’huile d’olive rivalisent de parfums sur les étals : un vrai feu d’artifice de senteurs.

09.30 

Je fais un détour par le jardin des serres d’Auteuil, entièrement dédié aux plantes tropicales. Les fleurs exotiques apportent un peu de folie aux notes classiques et, pour le moment, je suis à la recherche d’un twist intéressant, à l’image de l’univers de Givenchy qui oppose la rigueur et le strict à l’exubérance et l’insolite.

11.00 

Je m’offre une petite balade dans le triangle d’or de la couture et des parfums. Formé par l’avenue Montaigne, les Champs-Élysées et l’avenue George-V, ce quartier est un réservoir permanent pour créer et se réinventer. Rien de tel quand je suis en panne d’inspiration. Quand je suis arrivée chez Givenchy à la fin des années 70, j’y ai croisé tous les grands créateurs, d’Yves Saint Laurent à Coco Chanel.

13.00 

Je déjeune sur le pouce avant d’arriver à mon bureau, à Levallois. Je travaille sur un parfum masculin. Je sens quatre à six propositions soumises par des équipes de parfumeurs que j’ai briefées. Il faut  parfois deux ans avant qu’une nouvelle création n’arrive en parfumerie. On doit aussi développer le design du flacon et la communication.

17.30

Petite pause bienvenue chez Artcurial. Très fréquentée par les photographes, les réalisateurs de films et les designers, cette librairie artistique internationale rentre constamment de nouveaux ouvrages. Je pourrais y passer la nuit  à consulter les éditions rares et les livres qu’on ne trouve nulle part ailleurs à Paris. C’est une mine d’or pour l’inspiration.

19.00 

Je profite de la nocturne du jeudi pour me rendre au Palais Galliera, le musée de la mode de la Ville de Paris. Le visiter régulièrement stimule l’imagination. Nos parfums sont associés à l’univers de la mode. Il faut les considérer sous un angle culturel. Le parfum existe depuis trois ou quatre siècles en France. On a des références académiques, on ne part jamais de rien. Et chez Givenchy, on a le respect du savoir-faire.

22.00 

En overdose de toutes ces sollicitations olfactives et spirituelles, c’est le moment de rentrer chez moi pour un repos bien mérité.

  • Son nez à la diète

Au bout de trente-cinq ans de métier, je suis un peu déformée. Quel que soit le lieu où je me trouve, je suis toujours exposée à des effluves odorantes. J’ai le réflexe immédiat de me dire comment je pourrais les retranscrire pour une vision de la féminité ou de la masculinité. C’est tellement enraciné dans ma mémoire olfactive que c’en est devenu inconscient. Du coup, je m’oblige à une journée de diète olfactive hebdomadaire, le samedi ou le dimanche, pour retrouver une certaine virginité. J’évite de m’exposer aux odeurs, y compris celles de tous les produits ménagers.

Belen Ucros