La dermatologue bruxelloise Christa De Cuyper* met en garde contre les dangers du body art. Explications.

Pourquoi tirer la sonnette d’alarme ?

Je n’ai absolument rien contre le fait de se faire tatouer, mais j’observe, et mes collègues le confirment, qu’environ 20 % des personnes tatouées finissent par regretter leur geste. Parce que le motif choisi est passé de mode, parce que le nom ou le dessin a perdu toute signification pour elles, soit encore pour des raisons sociales et professionnelles. Un jour, on décroche un emploi et on préfère ne pas s’afficher avec des tatouages trop visibles. Il me semble judicieux de rappeler qu’il faut bien réfléchir avant d’aller se faire tatouer.

Les allergies sont-elles fréquentes ?

Environ deux tiers des personnes tatouées sont sujettes à des effets secondaires plus ou moins graves. Il y a les effets à court terme, les infections qui apparaissent très vite après le tatouage et qui sont liées aux conditions d’hygiène lors de l’acte. Même si les studios de tatouage sont réglementés, on pratique encore énormément de tatouage « en cuisine ». Une crème locale suffit parfois pour soigner, mais on voit aussi des infections graves qui nécessitent un traitement aux antibiotiques ou une hospitalisation. Ensuite, il y a les effets secondaires, liés aux encres utilisées, soit parce qu’elles n’ont pas été fabriquées dans des conditions stériles, soit parce qu’elles provoquent des allergies ou comportent des produits toxiques.

N’y a-t-il aucune réglementation ?

Il y a une quinzaine d’années, on a interdit l’utilisation de certaines substances qui contiennent des métaux lourds très toxiques, comme le mercure qui était utilisé pour obtenir la couleur rouge. Depuis, on les a remplacées par d’autres substances, parfois toxiques elles aussi .

Quels sont les risques ?

La réaction ne va pas forcément se produire directement après l’acte, mais parfois bien plus tard, des années après. Les encres de tons rouges sont les plus concernées. Actuellement, on ne comprend pas encore très bien ce qui se passe dans le corps, ni pourquoi il rejette soudain une substance qu’il a éventuellement tolérée jusqu’alors. Une hypothèse est que cette réaction viendrait de l’exposition au soleil qui provoque une sorte de désintégration du colorant sous la peau et une allergie. Des gonflements, des rougeurs ou des démangeaisons persistantes apparaissent alors. Ce genre de symptômes cutanés n’est pas mortel, mais peut être persistant.

Comment éviter ces problèmes ?

Une réglementation devrait obliger les fabricants à produire des encres comme des médicaments, avec des produits identifiables et sains. Aujourd’hui, on trouve plus d’une vingtaine de substances dans les encres, dont des produits solvants, des additifs, des conservateurs. Autant de produits dont on ne connaît pas les effets à long terme sur le corps.

Se faire détatouer, c’est possible, mais… 

La méthode idéale est le laser. Cela implique un traitement coûteux, douloureux et long. Pour un petit tatouage noir, il faut en moyenne de 5 à 10 sessions de laser, chacune coûtant de 50 à 100 euros. Et pour la couleur, on peut parfois avoir besoin du double du temps, sans que cela fonctionne à 100 %.

 

* Elle a publié un livre, « Dermatologic Complications with Body Art : Tattoos, Piercings and Permanent Make-Up », Editions Springer (disponible uniquement en anglais).

La mémoire dans la peau

Lorsque Jean‑Michel Snoeck commence à travailler, c’est l’époque des tatoueurs voyous, de l’encre au parfum de canaille, de la transgression des interdits. Aujourd’hui, le tatoueur opère au milieu des fashion victims et de Monsieur
et Madame Toulemonde. Son récit plaira aux  tattoo addicts.

2

Louise Culot