Au lieu de partir en vacances au soleil, Françoise a consacré ses congés à réinventer son mode de vie version écolo à gogo.
“Quand le père de mes deux fils m’a demandé s’il pouvait les emmener durant les deux mois d’été en voyage aux États-Unis,  je n’ai pas sauté de joie. Deux mois sans les gamins, ça allait faire un grand vide… Mais en même temps, ils allaient vivre une aventure incroyable et moi, j’allais enfin pouvoir profiter à fond  de mes trois semaines annuelles de congé. J’ai donc dressé la liste de mes projets. R éserver un all inclusive au Mexique ? Faire une cure sport et santé dans un spa select ? Rester à Bruxelles et organiser de grandes fêtes chaque soir avec mes potes ? J’étais super excitée. Puis le bon sens a pris le pas sur mes envies : j’étais fauchée.
L’année avait été émotionnellement compliquée et j’avais dépensé tout ce que j’avais en séances de shopping compulsives et consolatrices. Sur mon compte bancaire, juste de quoi assurer un mois ordinaire. J’étais à deux doigts de plonger dans une bouderie de longue durée quand un de mes collègues m’a parlé de son projet de simplifier sa vie. Le côté bobo-bio ne m’a jamais vraiment attirée, même si j’ai toujours été attentive aux gestes écolo de base. Mais ce qu’il m’a expliqué m’a vraiment touchée. C’est là qu’a germé l’idée de consacrer mes congés à épurer, réorganiser et réinventer mon environnement, ma façon d’être et de consommer. Au début, j’ai juste envisagé quelques allers-retours à la déchetterie. Mais très vite, le projet a pris des proportions bien plus conséquentes. J’étais impatiente et je ne cessais de dresser des listes de tout ce que j’avais envie de mettre en place. Nettoyage par le vide, recyclage de la déco, préparation de conserves…Par où commencer ? « Par le commencement », m’a expliqué la fille du magasin bio où je suis allée faire mes courses pour la première fois.
Pendant que j’étais en train de m’étrangler en recevant mon ticket de caisse (j’étais censée faire des économies et je venais de claquer l’équivalent du PIB d’un petit pays en un caddy), elle m’a dit : « Commencez par trier. Ne jetez pas. Donnez, vendez, recyclez. Quand vous y verrez plus clair, ça sera déjà gagné. »
O.K. J’allais commencer par les garde-robes. En une après-midi, j’étais noyée sous les vêtements trop petits, jamais portés ou carrément démodés. J’ai donné la moitié et organisé un vide-dressing à prix bradés. À coup de « tout à 5 euros », en quelques heures, j’en avais récupéré près de 400 . Je les ai immédiatement convertis en matériel pour installer quatre potagers en carré.
Le hic, c’est que je n’avais jamais touché à une pelle de ma vie et que j’ai une peur panique des petites bestioles. J’ai demandé à des amis de m’aider et on a passé toute une journée à installer ce qui allait devenir mon petit garde-manger.  Sauf qu’une graine, ça met quelque temps à pousser… Tout le monde s’est moqué de moi quand, déçue, j’ai compris qu’il allait falloir patienter avant de consommer ma première salade du jardin…
Je voulais aussi des poules, pour leurs oeufs frais. Mais j’ai peur des volailles et je n’avais , en plus, pas tenu compte des renards qui pullulent dans mon quartier. Après la disparition, dès le lendemain, de trois de mes cinq pensionnaires, j’ai admis que j’allais devoir me calmer et faire les choses dans les règles.
J’étais consternante de naïveté. Par exemple, je croyais que les « vins nature » (ces vins auxquels on n’ajoute pas d’additifs, comme le souffre) étaient moins alcoolisés que les vins ordinaires et qu’on pouvait en boire de plus grandes quantités sans s’écrouler… J’ai testé et ce n’est pas la vérité… Moi qui pensais qu’il me suffisait d’adopter une attitude de fille saine et branchée pour tout comprendre, j’étais grillée. J’allais devoir me documenter pour de vrai, réfléchir au côté pratique plutôt qu’à la seule esthétique.
On était à J+5 et il ne me restait que deux grosses semaines pour vraiment rectifier le tir. J’ai appelé le collègue qui m’avait inspirée. Il m’a envoyé par mail une liste de choses basiques à envisager : étudier ma consommation d’eau et d’électricité et mettre en place des moyens simples pour économiser, remplacer les produits ménagers polluants par des ingrédients simples et efficaces comme le vinaigre, le bicarbonate de soude, le savon de Marseille. Acheter de la nourriture locale en gros et la stocker. Penser les déplacements plus intelligemment… C’était un peu chiant, j’avoue, mais aussi très éclairant.
Je me suis calmée. J’ai appliqué. J’ai commencé à observer autour de moi des comportements qui finiraient, quelques mois plus tard, par me hérisser. Le vrai choc, ça a été quand j’ai mesuré le volume et l’impact  de mes déchets. J’étais du genre à jeter mon mégot dans la haie, jusqu’à ce que j’apprenne que ça met un à deux ans à se dégrader. Une bouteille en plastique non recyclée met 400 ans à disparaître. Une pile, c’est 8 000 ans. Flippant. Jusque là, je croyais que tout ce qui partait hors de mon champ de vision avec les poubelles hebdo n’existait plus. Erreur de base… Alors j’ai recyclé. Et j’ai commencé à faire attention aux emballages (j’ai honte de le dire mais avant, quand j’achetais un melon au supermarché, je le mettais dans un sachet plastique par réflexe…). Les trois semaines se sont terminées et j’ai continué. J’ai appris à lire les étiquettes des produits conditionnés, à me passer de t-shirts à 10 euros dont la fabrication pollue, en plus d’asservir ceux qui les confectionnent. Quand les garçons sont rentrés, ils ont trouvé la maison transformée. Plus clean, plus saine, moins encombrée.
J’ai fait attention à ne rien leur imposer. Mais ils sont préados, un âge où on sait encore reconnaître les bonnes idées des parents. Alors c’est tout naturellement qu’ils se sont habitués à verser les déchets organiques dans le bac à compost, qu’ils ont préféré qu’on prenne les vélos plutôt que la voiture pour les petits trajets…
Ma vie a changé. Je ne prétends pas que je suis moins angoissée, ni que les soucis du quotidien ne m’atteignent pas. Mais je relativise un peu plus. Je prends  le temps d’apprécier ce que j’ai. Je suis moins dépensière, plus réfléchie. Du coup, avec les garçons, l’été prochain, on va pouvoir s’offrir un beau voyage…”