Salope, chienne, putain… le champ lexical du rap n’aime décidément pas la gente féminine. Mais les rappeurs sont-ils tous misogynes ? Réponse avec les étoiles montantes du rap belge.
Force est de constater que le langage des rappeurs est souvent discriminatoire envers les femmes. La scène hip-hop est encore largement dominée par les hommes et un vent de machisme souffle sur leurs flows. Certes, tous ne sont pas sexistes et certains sont même de véritables gentlemen !
Le Roméo du rap
Entre ses nombreuses prestations (on a perdu le compte des soirées dont il a fait l’affiche), l’echte brusseleir traîne au Moka, l’espresso bar du quartier Saint-Gery : QG de l’artiste d’où il gère sa vie de star avec son collectif – la promo, les concerts, les photos, sa collection de fringue… Mais ne vous fiez pas à la carte de ce haut lieu du café, lorsque sa voix rauque s’élève, c’est pour commander une bière.
Pour la petit histoire, le rappeur linkebeekois est né Roméo Van Laeken (Elvis est son 3ème prénom, Johny le second et Kiki son surnom), d’une mère comédienne et humoriste Laurence Bibot et d’un père chanteur Serge Van Laeken, alias Marka. Tels parents, tels enfants. Sa soeur Angèle, avec qui Roméo partage le titre “J’ai vu”, est pianiste, compositrice et chanteuse, mais aussi humoriste Instagram à ses temps perdus.
Excise hybridation
Il y a la génétique, bien sûr, mais pas seulement. Roméo a une voix unique, à des tonalités de celle de Papa, qui s’est rapidement imposée dans le rap game ; sans une once de piston : “c’est un petit pays, un petit milieu, je voulais éviter qu’on dise que j’étais le ‘fils de’. Je ne voulais pas être privilégié.” C’est à Saint-Luc, dans le Hainaut, où ses darons l’ont inscrit pour enrayer une trop grande désinvolture scolaire – leur délinquant de fils ayant été écarté de l’enseignement classique (et donc obligé de passer en filière technique) – que Roméo fait ses débuts dans le rap. À l’internat, le Bruxellois redécouvre la vie ; les potes, la fête, les pétards… Mais son désamour pour les cours est toujours aussi vivace (il frise le renvoi à six reprises) et sa thuglist s’allonge. Le bad boy consacre la majorité de son temps à rapper avec son clan et apprend, au cours des années, au fil des rimes, à dompter sa voix grave et profonde jusqu’à ériger son flow atypique en marque de fabrique. Fulgurant prestige. Certes, ce qui nous mène aujourd’hui au rappeur, ce n’est pas (que) son succès mais bien ce qui le rend tout particulier à nos yeux : Roméo sert du rap oui, mais, ultramélodique.
Drôle de Question
Guitare à la main, habillé comme un Jean-Jacques, le regard charmeur et nonchalant, Roméo dévoile un morceau résolument séraphique. Le prodige n’a pas que le nom de romantique. Le beau parleur embrasse sa chérie comme une sorte de dauphin sophistiqué (on a pas vraiment compris mais c’est joli). S’il dévoile bien des facettes de sa personnalité sur scène, son coeur semble être sujet au tabou. De fait, lorsqu’on l’interroge sur sa vie amoureuse, Roméo cultive le secret. Certes, vu son charisme et sa prose, on doute que le grand gaillard soit célibataire. D’ailleurs, s’il l’est, sa sérénité et son détachement défieraient notre féminité. Heureusement (du coup), selon les rumeurs qui courent, l’homme serait déjà conquis.
Damso atteint le point G (ou pas)
Le petit protégé de Booba – face à son mètre 92 on a vite réalisé lors du festival Fire is Gold toute l’inconvenance de l’appellation – a imposé son rap anxieux dans les chartes et conquis le coeur des hommes mais, pas le nôtre ! Les mains rustres de Damso, bardées de bijoux clinquants, ont dû en caresser des femmes pour les chanter comme il le fait. La nouvelle sensation du rap francophone, William Kalubi de son vrai nom, n’a pas que les poings à donner des coups ; son écriture est trash, violente et outrancière, tant que l’invoquer en ferait rougir plus d’une – mélange de pudeur et d’animosité. “Je ne m’impose aucune limite” confirme Damso lors d’une interview pour le journal Libération. Son style a de quoi donner la grippe – la saison est passée, néanmoins, si vous craignez une rechute évitez de lire ces paroles : “D’amour et de sperme, j’ai repeint ses lèvres. À son haleine, j’savais qu’elle était moche. J’lui dis, prends dans ta gueule ton facial tsunami à Miami. L’érection reprend, par derrière je la prends. Y’a trop d’espace dedans.”
Palme d’or du sexisme
Propulsé en tête des classements grâce à son album Ipséité, la figure de proue du rap belge jouit, oh oui, oh oui d’avoir séduit les médias spécialisés avec ses récits de baise hardcore et ses flows névrotiques. Mozart solitaire, Dem’s se dévoile dans ce second album exhumant ses craintes, ses errances et sa popularité controversée. L’homme vit mais, sans passion : “je pense que l’on passe plus de temps à souffrir qu’à être heureux et ça se reflète dans mes sons” révèle l’écorché aux Inrocks. On le prendrait presque par pitié… Cette solitude, cependant, il en est lui-même le coupable ou plutôt, son rap sans censure qu’il refuse de délayer pour plaire au plus grand nombre et aux femmes notamment. Un jour, peut-être, une demoiselle fera chavirer son coeur et bousculera ses propos, mais en attendant, silence radio. Déso Damso.
Audrey Depuydt