Pourquoi la sexualité n’a rien à voir avec la transidentité? On peut vraiment “changer de sexe”? Depuis quand la mode courtise-t-elle les personnes transgenres? Lentement mais sûrement, la situation bouge en Belgique… Retour sur les dix dernières années en dix dates clés.
1. MAI 2007 – UNE RÉVOLUTION HAS BEEN
La loi relative à la transsexualité
En 2007, le changement officiel de sexe sur la carte d’identité devient une procédure administrative. Pour modifier la petite lettre M en F ou inversement, on oublie le passage devant le juge et on se rend directement à la commune. Cette nouvelle loi peut sembler révolutionnaire, mais en réalité les conditions d’obtention sont carrément inhumaines et contraires aux droits de l’Homme. Les personnes transgenres ne passent plus devant le tribunal mais sont obligées de se rendre chez un psychiatre, de subir des traitements hormonaux, des chirurgies très lourdes et même une stérilisation. « Ça peut sembler dingue mais à l’époque, la Belgique était pionnière en la matière », explique Barbara Ortiz, experte dans les questions relatives à la transidentité à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. « On a été critiqués au niveau international et on s’est vite rendu compte que la loi excluait beaucoup de monde. Toutes les personnes transgenres n’ont pas envie de se faire opérer et certaines ne peuvent simplement pas se le permettre. »
2. JANVIER 2013 – ON DYNAMITE LES CLICHÉS
Les plans d’action interfédéraux
En janvier et en juin 2013, deux plans d’action interfédéraux de lutte contre les violences et les discriminations transphobes sont lancés. Concrètement, on y retrouve plein d’initiatives cool pour casser les stéréotypes sur les personnes transgenres et encourager la société à les accepter. « Les policiers ont reçu une formation, on leur a appris comment traiter les personnes trans de façon respectueuse. On lance aussi des campagnes de sensibilisation, on encourage les ateliers sur le thème de la transidentité dans les écoles… », indique Barbara Ortiz. « Il y a encore du boulot pour faire évoluer les mentalités mais on avance. Un nouveau plan d’action est en préparation. »
3. AVRIL 2014 – TRANS MAIS PAS TRANSPARENTS
L’adaptation de la loi anti-discrimination
C’est technique mais important (et pas que symboliquement) : en 2014, les termes « identité et expression de genre » sont intégrés dans la législation belge anti-discrimination. En résumé, toutes les personnes transgenres sont aujourd’hui protégées par la loi, et pas seulement celles qui ont subi une opération. « À l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, une plainte sur sept vient d’une personne trans et chaque année, on en reçoit davantage. Ça ne veut pas dire que les discriminations sont en hausse mais plutôt que les gens connaissent mieux leurs droits et osent porter plainte. C’est une évolution positive, ils savent où chercher de l’aide », explique l’experte de l’IEFH.
4. MAI 2014 – LA COVER GIRL TRANSCENDANTE
Laverne Cox en Une du “Time”
C’est une jolie première pour le magazine : Laverne Cox, en talons hauts et robe moulante, squatte la couverture du « Time ». Un hommage fort à la communauté LGBT, un shoot de tolérance qui fait du bien. Forcément, placer une personne transgenre en cover c’est un choix marketing, mais c’est aussi l’opportunité d’informer et de sensibiliser. En 2015, Caitlyn Jenner fait quant à elle la Une du « Vanity Fair » et en mars dernier, c’est le top trans Valentina Sampaio qui était choisie pour le spécial mode du « Vogue » France. Le ELLE n’est pas resté à la traîne, loin de là. En 2011 déjà, l’édition brésilienne faisait de Lea T sa cover girl. Andreja Pejić, Hari Nef etValentina Sampaio ont suivi, respectivement en cover de ELLE Russie, ELLE UK et ELLE Brésil.
5. AOUT 2015 – LA FASHION REVOLUTION
Un cast 100% transgenre chez &Other Stories
En 2015, la petite sœur de H&M décide de faire appel à une équipe entièrement transgenre pour sa campagne automne-hiver. Bim ! On y retrouve des mannequins, dont Hari Nef, le premier top trans à signer avec l’agence IMG, mais aussi des make-up artists, des coiffeurs, des stylistes et un photographe. Résultat? Des images léchées sur papier glacé mais aussi un petit making of en vidéo sur les questions d’identité et de genre dans la mode. & Other Stories n’est évidemment pas la seule marque à courtiser les mannequins trans. On pense aussi à Diesel, Nike, L’Oréal, Make Up For Ever, United Colors of Benetton ou Givenchy… Des grands noms qui peuvent booster les changements de mentalité et pousser les petites marques à se lancer.
6. DECEMBRE 2015 – MÉTRO,BOULOT,DODO
Le Selor s’ouvre aux personnes trans
Le signe d’ouverture s’applaudit : le bureau de recrutement de l’administration fédérale prend dorénavant en compte les personnes transgenres, intersexuées et queer. Concrètement, le Selor remplace donc la mention M/F par M/F/X dans ses offres d’emploi. Une initiative qui donne le smile quand on sait qu’en Belgique, un peu plus d’une personne trans sur deux* ressent une discrimination à l’embauche. « Beaucoup de gens se font encore licencier lorsqu’ils annoncent leur changement d’expression de genre. Environ 15 % des personnes transgenres sont au chômage chez nous malgré leur niveau d’éducation généralement élevé. C’est le double de la moyenne belge ! Beaucoup d’entre eux cachent leur véritable identité par peur des réactions, ce qui est évidemment très difficile à vivre. Lors d’une étude de l’IEFH en 2007, 50 % des répondants trans affirmaient avoir des pensées suicidaires et 22 % avaient déjà réalisé une tentative », explique Barbara Ortiz. « Heureusement, de plus en plus d’entreprises nous contactent en demandant ce qu’elles peuvent faire pour accueillir un employé transgenre de manière respectueuse. Il y a dix ans, elles n’y pensaient même pas. »
* D’après une étude européenne comparative réalisée par la Fundamental Rights Agency.
7. AVRIL 2016 – LE BIG UP SUÉDOIS
La Suède promet d’indemniser les personnes trans stérilisées
Grand pas en avant pour le pays scandinave : le gouvernement veut dédommager les personnes transgenres qui ont été stérilisées à une époque dans le pays. En Suède, cet acte barbare a été supprimé depuis 2013 et de nombreux pays européens ont emboîté le pas à cette décision. Pendant ce temps, la Belgique fait toujours office de village gaulois qui résiste, et ce n’est pas positif. « Dans les travaux préparatoires de la loi de 2007 relative à la ‘transsexualité’, des juristes affirment que la stérilisation n’est ‘manifestement pas contraire aux droits de l’Homme’. Quand j’ai lu ça, j’ai failli tomber dans les pommes ! Il a fallu attendre 2017 pour que cette mutilation disparaisse chez nous. Je pense que c’est surtout dû à un manque de connaissance et à une indifférence par rapport au sujet », indique Brice Bernaerts, un avocat ayant participé aux discussions sur la nouvelle loi de 2017.
8. JUILLET 2016 – A VOS ORDRES MON COLONEL
L’armée belge intègre les personnes transgenres
Petit signe d’ouverture de la société belge, les militaires transgenres ne devront plus se camoufler pour s’engager dans l’armée. Un peu plus tôt, en avril 2016, c’est la Stib qui faisait un pas vers les voyageurs trans en leur permettant de changer de préom sur leur carte Mobib. Et en novembre dernier, Tinder suivait la cadence. Pour trouver un date, plus besoin de se définir comme un mec ou une fille, 37 choix sont dorénavant possibles… « L’initiative de la Stib est géniale. Une grosse société comme celle-là donne l’exemple et ça prouve que les mentalités évoluent. Pour l’armée en revanche, je suis un peu plus réservé. Les militaires transgenres sont obligés d’être suivis par un médecin, ça entretient la fausse idée que les personnes trans sont des malades mentaux », explique Louis, membre de l’association trans Genres Pluriels.
9. OCTOBRE 2016 – LA SANCTION EXEMPLAIRE
Une compagnie d’assurance condamnée pour discrimination
En 2016, une compagnie d’assurance belge est condamnée pour avoir discriminé une personne transgenre. Le problème ? Elle voulait ajouter une clause dans un contrat d’assurance hospitalisation, indiquant que les frais liés au ‘changement de sexe’ de sa cliente ne seraient pas pris en charge. « C’est une décision très importante. On espère qu’elle fera office de jurisprudence parce qu’on reçoit énormément de plaintes contre les compagnies d’assurance. Elles essaient sou- vent d’ajouter des conditions spéciales pour les personnes trans, de ne pas rembourser certains frais, etc. Les opérations de changement d’identité de genre sont hors de prix et il y a très peu de médecins spécialisés en Belgique », raconte l’experte de l’IEFH.
10. MAI 2017 – UN PETIT PAS… DE GÉANT
La Chambre approuve la nouvelle loi sur les personnes transgenres
Finally ! En mai dernier, la loi qui facilite la procédure administrative pour « changer de sexe » a été approuvée par la Chambre. Elle devrait entrer en application début 2018 ! Quoi de neuf ? Les personnes transgenres ne sont désormais plus forcées de subir une stérilisation et un examen psychiatrique. À partir de 16 ans, les mineurs peuvent aussi changer de prénom et de marqueur de genre, mais l’intervention d’un pédo- psychiatre est toujours requise. « La loi de 2017 présente des avancées majeures mais il reste des progrès à faire. On regrette le fait que l’avis d’un psychiatre soit toujours nécessaire pour les mineurs. La transidentité est toujours classée comme maladie mentale par l’OMS et il est temps que ça change. On aurait également préféré que l’enregistrement de genre ne soit pas considéré comme “ en principe irrévocable ”. C’est un souci pour les personnes de genre fluide », explique Brice Bernaerts. Autre problème: la nouvelle loi laisse encore place à des discriminations quant à l’accès à la santé ou le respect de la vie privée. En mai 2017, l’IEFH a lancé une grande enquête auprès des personnes trans pour connaître leur vécu en Belgique. Rendez-vous dans un an pour connaître les résultats… Espérons qu’il n’en faudra pas dix de plus pour que la situation bouge !
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