Pour la Saint Nicolas à Hambourg, en marge des calendriers traditionnels du prêt-à-porter et de la haute couture, Karl Lagerfeld a présenté dans sa ville natale le défilé hommage aux “Métiers d’Art” de Chanel, qui participent à l’aura de la Maison française.
Chaque année depuis 2003 Chanel met en avant l’artisanat d’orfèvre de Lesage, Desrues, Lemarié, Michel, Massaro, Goossens, Guillet, Causse, Montex, Barrie Knitwear, Lognon… Onze ateliers au savoir-faire exceptionnel, oeuvrant historiquement dans la broderie, le cachemire, la dentelle, la maroquinerie,
la sculpture de boutons, ayant rejoint l’empire Chanel depuis 1985. Karl Lagerfeld défend et préserve ainsi un travail de la main haut de gamme fondamental dans la création, emblème du luxe à la française, et menacé de disparition, sans le soutien, entre autres, de la puissante maison au double C.
Cette année, Karl Lagerfeld a donc choisi sa ville d’origine Hambourg et l’Elbphilharmonie pour présenter la nouvelle collection des Métiers d’art. Extraordinaire bâtiment imaginé par les architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron, cette salle de concert trône au milieu des eaux du fleuve, liaison futuriste avec le port industriel de la ville. La scénographie et la mode, la musique et la Couture. Des arts d’excellence, des constructions d’émotions appliquées, mariés pour un spectacle plurisensoriels.
Passé, présent et futur. Trois unités de temps qui inspirent Karl Lagerfeld pour cette collection Paris-Hamburg. Autour de ces trois axes, le créateur infuse des images du port de Hambourg, glisse des silhouettes des équipages de la marine marchande qu’il chahute du modernisme de Chanel.
Il revisite leur vestiaire, détourne leurs cabans, leurs pantalons à pont, marinières et casquettes immuables. Si l’ombre de Gabrielle Chanel – elle qui vola aux hommes la marinière et le caban – n’est pas loin, Karl Lagerfeld élargit encore ce vocabulaire du masculin/féminin en multipliant les détails et réinventant les codes de la Maison pour créer une attitude unique, audacieuse, assumée et ultra féminine. C’est une ligne pure et élancée, une allure ponctuée de cols marins, vestes plus ou moins appuyées, longues redingotes, minijupes ou pantalons extra larges qui se dessine dès lors pour féminiser cet équipage de 76 « marins qui n’ont pas pris l’eau », s’amuse Karl Lagerfeld.
Une casquette vissée sur le crâne et parfois voilée d’un foulard de tulle, les mains couvertes de mitaines, elles passent les jambes gainées de grandes chaussettes tricotées et de souliers Richelieu à talon bobine et noeud en perles. Les plumes, broderies, strass, nacre et perles appellent à une soirée chic à l’Elbphilharmonie. Noir, beige, gris ou marine, brique, éclats d’or ou de rouge, rayures tennis ou marinières composent une palette tendue et minimaliste.
Certaines vestes et certains pantalons sont pailletés, en tweed tissé orange brillant et rappellent les quartiers chauds de Hambourg, ceux où vont se réfugier les marins à terre et écouter un air d’accordéon, instrument d’ailleurs transformé par Karl Lagerfeld en petit sac à bandoulière. Les mains qui le tiennent sont voilées de longues mitaines brodées. S’y glissent aussi d’impeccables smokings en crêpe noir. Du côté des accessoires toujours, le sac de marin fétiche est calé fermement sur l’épaule, prêt pour un long voyage en mer, les minaudières prennent la forme de containers, de boulons ou de bouées de sauvetage. Karl Lagerfeld pare le sac Gabriel d’un élégant tweed à carreaux reprenant les couleurs des briques de la ville de Hambourg. Les ancres marines se posent sur les boucles d’oreille et les broches tandis que leurs chaînes deviennent des sautoirs et que les bracelets s’improvisent cordage de bateaux.
Avec cette collection, Karl Lagerfeld parle d’un masculin plus féminin que jamais quand ce dernier se virilise de casquette et de ligne sobres et rigoureuses. « Mettez une femme en noir ou en blanc dans une soirée et on ne voit qu’elle » affirmait Gabrielle Chanel.
A Hambourg, Chanel a invoqué son Paris. Glamour, aller et retour.
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