La ville ocre est, depuis toujours, la muse de nombreux artistes et créateurs. Yves Saint Laurent en tête. Le point sur ses adresses confidentielles.
Lorsque Yves Saint Laurent découvre Marrakech, en 1966, le choc est tel qu’il décide d’y acheter une maison et d’y revenir régulièrement… “Il est donc parfaitement naturel, cinquante ans après, d’y construire un musée consacré à son œuvre qui doit tant à ce pays.” (Pierre Bergé)
LE MUSÉE YVES SAINT LAURENT MARRAKECH: UN HOMMAGE VIBRANT
« Il m’est agréable de penser qu’à Marrakech, dans l’oasis marocain, à l’abri du Jardin Majorelle, existe un centre culturel qui porte le nom d’Yves Saint Laurent et qui regroupe un musée, un auditorium et une bibliothèque, qui n’oublie pas ses racines ancestrales mais qui regarde fièrement vers le futur », déclarait Pierre Bergé peu avant sa disparition. Après trois ans de travaux, cet anti-mausolée dédié au grand couturier français a ouvert ses portes le 19 octobre dernier. On y va siglé de la tête aux pieds.
L’esprit Rive Gauche au cœur de la Ville Rouge
À deux pas du Jardin Majorelle (sauvé par le créateur français et son compagnon au début des années 1980), cet écrin à taille humaine se compose d’un espace d’exposition permanente où sont théâtralisées les créations mythiques d’Yves Saint Laurent (le caban, la robe Mondrian, la saharienne, le smoking…), une salle d’expo temporaire dédiée à un artiste local (ou pas), une bibliothèque de plus de 5 000 ouvrages, un auditorium, un bookshop ultra- désirable (on ne repart pas de là sans le livre « Lettres à Yves » de Pierre Bergé) et un café avec terrasse. En résumé, une bulle de sérénité au cœur de Marrakech l’agitée qui célèbre la haute couture tout en rendant hommage au Maroc, le pays que Saint Laurent aimait tant.
Musée Yves Saint Laurent, rue Yves Saint Laurent, Marrakech. www.museeyslmarrakech.com
LA VILLA OASIS: LE CHEF D’ŒUVRE
Versant public, le Jardin Majorelle, plus luxuriant que jamais, et un atelier transformé en musée berbère, tous deux bondés de touristes tout au long de l’année. Versant privé, la Villa Oasis, le monde de Bergé et de Saint Laurent, le refuge de leurs années heureuses, désormais inhabité. Chaque hiver, Yves Saint Laurent aimait s’y retrouver pour plonger dans son atmosphère « magique, rose et paisible ». Une maison construite par Jacques Majorelle et transformée au fil des années en véritable trésor orientaliste. Il faut quelques minutes, une fois passée la petite porte de bois de la villa, pour que la rétine saturée de soleil s’accoutume à l’obscurité. Avant d’être à nouveau éblouie.
À droite, le petit salon-bibliothèque en zouaké, aux murs couverts de tableaux rares. À gauche, le salon vert et le salon Matisse avec son mobilier formidablement hétéroclite. À l’étage, on découvre un pavillon de bois assez sobre comme suspendu au dessus d’une jungle exotique et ordonnée. Pour entrer ici, il faut montrer patte blanche. Chaque demande de visite étant scrupuleusement étudiée par Madison Cox lui-même, architecte paysagiste star, veuf de Pierre Bergé et Président de la Fondation Pierre Bergé- Yves Saint Laurent. (www.museeyslparis.com/fondation)
LE FIEF DU SHABBY CHIC
Avec son vert reconnaissable, la poterie de Tamegroute, c’est l’objet à ramener chez soi. On en trouve dans les souks mais aussi à la Maison de la poterie rurale qui propose également des plats à couscous et des bouteilles à huile anciennes, colorés avec des pigments naturels. Plus chic, la boutique de Vanessa Dimino réinterprète avec beaucoup de goût et de modernité les ustensiles de cuisine traditionnels.
www.chabi-chic.com et Maison de la poterie rurale, 27 souk La Bradiaa, Médina, Marrakech.
ADRESSES D’INITIÉS
L’empreinte de Saint Laurent infuse au-delà de sa propriété… Toute la ville regorge en effet d’adresses où le couturier et ses amis aimaient se retrouver. Parmi les incontournables, La Trattoria, décorée en partie par le designer Bill Willis, un ami de la bande. Un peu plus loin, le Grand Café de la Poste, restauré par KO, semble encore bruire de leurs fêtes passées. www.latrattoriamarrakech.com. et www.grandcafedelaposte.restaurant
LE DÉCORATEUR MUSTAPHA BLAOUI
Pour goûter à la magie du lifestyle marrakchi, il faut connaître Mustapha Blaoui. Caché au cœur de la Médina, derrière une discrète porte en métal, ce décorateur marocain sait tout de la jet-set locale et de la décoration de ses palais. Il paraît que Naomi Campbell vient ici farfouiller entre les tapis, meubles, objets et vaisselle. Nous aussi. www.mustaphablaoui.com
LE JARDIN SECRET
Marrakech, quartier animé au cœur de la Médina. Dans cette zone- test en évolution, où les habitants s’essayent au tri sélectif et s’initient doucement à l’écologie, il nous faudra serpenter entre les ruelles épicées pour dénicher la porte de ce jardin confidentiel. Laissé à l’abandon pendant plusieurs décennies, il a été complètement réaménagé par le paysagiste Tom Stuart-Smith en deux espaces distincts. Le premier respecte les caractéristiques du jardin islamique, le deuxième a été conçu comme un « jardin exotique », avec des plantes provenant des cinq continents. Silence, ici on médite ! www.lejardinsecretmarrakech.com
LA VILLA DES ORANGERS
Refuge intimiste, son portail d’une étonnante discrétion s’enorgueillit de la plaque Relais & Châteaux. Ce riad, construit autour d’une piscine, abrite un restaurant justement coté. On y déguste une cuisine fusion inventive et délicate, dans le salon feutré en hiver, sous la pergola en été. Idéal pour vivre le Marrakech chic loin de tout bling-bling.
6 rue Sidi Mimoun, Marrakech. www.villadesorangers.com
LE CONCEPT STORE MAX & JAN
De nombreux expats étrangers s’installent à Marrakech pour bénéficier de ses bonnes vibes… Parmi ceux-ci, le designer belge Jan Pauwels et le suisse Maximilien Scharl qui, en plus d’avoir construit un concept store de dingue au cœur de la Médina, ont créé une ligne de mode vibrante mariant tenues traditionnelles marocaines et standards du street wear. Résultat, un endroit hors du commun où shopper djellabas twistées, objets de décoration ethniques et senteurs envoûtantes. Le tout produit localement et de manière semi-artisanale. Histoire de ramener des souvenirs éthiques et responsables dans ses valises. www.facebook.com/maxandjan
LA MECQUE MODE
Passionnée par les tissus anciens ou ethniques, chinés aux puces de Marrakech ou d’ailleurs, la créatrice Isabelle Topolina mêle motifs et couleurs à l’envi pour ses robes, manteaux et accessoires réalisés à partir de modèles vintage. On craque pour ses vestes en astrakan rebrodées à la main ou ses chaussures recouvertes de tissu d’ameublement. Pour lui comme pour elle.
LE LABEL LRNCE
C’est dans la banlieue de Marrakech que Laurence Leenaert a établi son showroom-atelier. La jeune créatrice belge stocke ici ses tissus, son cuir, ses outils, elle dessine, fait des collages, combine les matériaux, imagine les motifs, pense aux couleurs et file ensuite chez les différents artisans avec qui elle collabore pour façonner tout ça.
Coup de cœur pour ses sandales en cuir (souvent copiées, jamais égalées), ses kimonos et céramiques aux imprimés graphiques, ses tapis, couvertures et coussins uniques et handmade. Rejointe par un associé, Laurence ira loin. Vous verrez. www.lrnce.com
LA MAMOUNIA PALACE MYTHIQUE
Les grands de ce monde ont foulé les épaisses moquettes de son lobby, dormi dans le lit à baldaquin d’une de ses suites d’exception, bu un Negroni entre chien et loup dans son Bar Churchill, arpenté ses jardins luxuriants les soirs de pleine lune… Célébrissime rendez-vous du gotha, reconnu comme l’un des meilleurs hôtels du monde, ce palace, cœur battant de Marrakech, est aussi l’un des plus célèbres. Un mythe. Qui aujourd’hui (re)vit, plus glamour que jamais.
Entièrement rénové en 2009, ce palace – qui n’affiche pas ses étoiles – est en effet devenu la plus belle vitrine du travail des artisans locaux avec au programme des zelliges qu’on jurerait centenaires, des grosses lanternes à verre rouge et opale, du plâtre blanc finement sculpté, des fauteuils recouverts de velours, des plafonds qui donnent le torticolis, des miroirs vieillis, sans oublier les vitraux à la Mondrian. Si Marrakech n’était pas Marrakech, on ne sortirait pas d’ici… Pour profiter de chaque cm2. www.mamounia.com
TÊTE-À-TÊTE AVEC PIERRE JOCHEM DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA MAMOUNIA
C’est dans la Suite où Yves Saint Laurent et Pierre Bergé sont tombés amoureux de Marrakech, en 1966, que nous avons rencontré le directeur qui a dirigé les palaces les plus emblématiques du monde, entre The Pierre à New-York et le Raffles à Singapour, avant d’établir ses quartiers à La Mamounia, il y a cinq ans.
Qu’est-ce qui fait de la Mamounia un lieu hors du commun ? P.J.: « Son histoire. C’est un hôtel qui a une âme,une élégance naturelle. Ses murs ont connu et connaissent les plus grands de ce monde. Il y a toujours “quelqu’un” à La Mamounia. Et puis, c’est le seul palace au monde qui porte un prénom féminin. »
Un Palace doit pouvoir répondre à toutes les exigences… Quelle a été la demande la plus extravagante que vous ayez reçue ? P.J.« Nous gardons toujours confidentielles l’ identité de nos clients et leurs habitudes. Mais j’ai beaucoup d’anecdotes marrantes comme celle d’un prince Qatari qui voulait louer une suite pour ses six faucons de chasse. »
Racontez-nous le séjour de Yves Saint Laurent et Pierre Bergé à La Mamounia en 1966… P.J.«C’était leur première fois à Marrakech. Il pleuvait des cordes. Il ne sont pas sortis de leur chambre pendant quatre jours. Quand le soleil est enfin revenu, ils ont ouvert les rideaux et sont immédiatement tombés amoureux de la vue, du jardin de cactus, de l’Atlas enneigé… Ils n’ont plus jamais quitté Marrakech. Jusqu’à sa mort, Pierre Bergé venait à La Mamounia pour boire un verre ou pour dîner au bar italien. »
Réserver une chambre ici quand on n’a pas un budget infini, c’est possible aussi? P.J.«Si vous réservez tôt et évitez les vacances scolaires et les longs week-ends, vous avez sûrement une chance de trouver une chambre à un prix intéressant. »
L’ÉVÈNEMENT OÙ VOIR ET ÊTRE VU
Après Londres et New-York et initiée par Touria El Glaoui (la fille du célèbre peintre marocain), la foire d’art africain contemporain “1:54” sera organisée cette année à La Mamounia, les 24 et 25 février. Encore une bonne excuse pour y aller. 1-54.com/marrakech