Fête exceptionnelle ou simple soirée ciné, allure ultra pointue ou jogging un peu fatigué,  parce que toute occasion est bonne à prendre lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention de la personne qui nous fait craquer, on dégaine tout notre potentiel de coolitude en story Insta. Une pratique qui a enfin un nom, le Gatsbying.

Imaginez : il est 18h, vous prenez un verre en terrasse avec votre BFF, les rayons du soleil caressent votre visage, la robe rouge portefeuille repérée sur Pinterest vous sied parfaitement. Jusqu’ici rien d’incroyable. Oui mais voilà, la tentation d’interrompre votre amie entre deux gossips, pour lui demander bien gentiment de vous prendre en Boomerang, est trop forte. Un drink à la main, l’air de rien, direct en story. #Effortless #Tgif #Summermood.

Quelques minutes plus tard, deuxième tournée. Vous ne faîtes même plus semblant de vous intéresser aux problèmes de boulot de votre pote. Trop occupée à scroller frénétiquement la liste de vues qu’a suscité votre post. Malheureusement, la seule personne qui en vaille vraiment la peine n’a pas daigné cliquer sur votre profil. Loupé. #Toobad #Disappointed #Sadness.

« On retrinque. J’ai loupé mon Boomerang »

Parce qu’au-delà de simplement donner à voir au monde entier chaque instant de notre vie si cool et tellement passionnante, c’est avant tout à notre crush du moment que se destinent ces nombreux posts, soigneusement étudiés, qui parsèment notre story en pointillés. Cette façon de capturer le moindre (non) évènement de notre journée et de le rendre le plus cool possible, dans l’espoir d’attirer l’attention d’un amoureux potentiel et d’exister à ses yeux, se nomme le Gatsbying. Ou l’art de la séduction à l’heure d’Instagram.

« Théorisé » par la mannequin Matilda Dods, après qu’elle ait constaté que ses soirées entre copines finissaient généralement en questionnements existentiels du type « Cheveux lâchés ou attachés ? », « Attend, on retrinque, j’ai loupé mon Boomerang », le Gatsbying emprunte ses codes en matière de drague au dandy imaginé par Francis Scott Fitzgerald. Dans le roman éponyme, le héros torturé au passé mystérieux habite une villa où se pressent tous les week-ends, inconnus et happy-few pour assister aux fêtes aussi fabuleuses qu’extravagantes qu’il y organise. Le but ? Se faire remarquer par l’objet de tous ses fantasmes : Daisy Buchanan, aussi coincée dans son manoir ridiculement grand que dans son mariage, passablement ennuyant.

Poster une vidéo, plutôt que d’envoyer un message à notre prétendant fantasmé, une technique efficace ?

Adaptée à l’ère des réseaux sociaux, la stratégie de Jay Gatsby version 2018 a de quoi laisser perplexe. Particulièrement, lorsqu’elle reste sans réponse. « Pourquoi au lieu de simplement lui envoyer un message, je balance l’équivalent d’une champagne shower sur ma story ? Tout ça pour attirer l’attention de ce mec qui, soyons honnête, n’est probablement pas assez bien pour moi de toute façon. » écrit la model australienne dans un long article publié sur le site Tomboy Beauty.

Bien plus qu’une jolie photo de nous, cette story, finalement assez inutile, bouscule la façon dont nous communiquons. Certes, se prendre un râteau IRL n’est jamais très agréable. Pour autant, pratiquer l’excès inverse, à savoir préférer poster 10 secondes d’une réalité hyper arrangée, plutôt que d’oser adresser la parole à notre coup de cœur du moment, est-il réellement plus efficace ?« Une fois, en voyage au Japon, subissant un jet-lag carabiné, j’attendais les nouvelles d’un mec qui, évidemment, n’en donnait pas », Alice, 22 ans, s’est déjà essayée au Gatsbying, de manière plus ou moins concluante. « Vers 3h du matin, j’ai profité des night shop ouverts 24/24h pour aller acheter un kimono super cheap. Je suis remontée dans ma chambre d’hôtel, j’ai passé 20 minutes à me pimper : maquillage, brushing, manucure. Puis, 20 autres à trouver le spot parfait pour faire LA photo qui susciterait la réaction si attendue ».

Deux jolis hashtag #KimonoParty #JetLagQuelJetLag et une demi-heure d’attente interminable plus tard, toujours rien. « J’ai fini par aller me démaquiller et dormir, la défaite ». Une tentative peut-être infructueuse, néanmoins bien moins risquée pour notre égo, que le message un peu désespéré envoyé en pleine nuit dont la réponse se fera éternellement attendre.

Le bon look, le bon hashtag, la bonne pose

Version intello du Thirst Trap, autre technique digitale consistant à « abreuver » ses followers déshydratés de photos de nous plus ou moins suggestives dans le but assumé de susciter le like pour mieux séduire, le Gatsbying s’adresse plus spécifiquement à cette personne si difficile à atteindre. Au choix : Un ex à reconquérir, un crush peu coopératif ou une relation sans lendemain, restée surtout sans réponse. « Il m’est déjà arrivée d’embrasser un garçon en soirée, simplement pour que mon copain, qui venait de me larguer, voit ma story. Il a rappliqué dans la minute. » témoigne Chloé, community manager de 24 ans, un brin honteuse. Suffisamment extravagant pour être remarqué, mais quand même assez nonchalant pour exprimer la coolitude et le calme qui nous caractérisent si bien, toute la réussite du Gatsbying réside dans la quête de cet équilibre quasi-schizophrénique.

La bonne position de nos jambes, le bon look, le bon hashtag, et autant de photos loupées, de verres déplacés, de mises en scène retouchées pour une vision de notre vie upgradée, potentiellement garante de notre vie sentimentale. Et si, on laissait finalement de côté notre Smartphone et qu’on s’armait plutôt de courage ?

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