C’est le genre de film marquant qui te fait ouvrir les yeux en grand. Prépare-toi à être surpris, à découvrir un coin de Bruxelles que tu ne connaissais pas et, surtout, à voir ses habitants différemment. Un shoot de tolérance à prendre d’urgence.  

L’origine du projet, c’est une rencontre. D’un côté, Julian Bordeau, cinéaste et photographe, de l’autre, Nasser, un jeune de 19 ans. Le premier vit à Ixelles, le deuxième à Neder-Over-Heembeek. A huit kilomètres du Manneken-Pis pour être précis, dans une cité que même certains echte Brusseleirs ne connaissent pas : Versailles. Un nom de king qu’on associe aux châteaux et aux bourgeois alors qu’à Bruxelles, le lieu est plutôt connoté dealers, radicalisation et dégradation…« C’est justement pour montrer un autre aspect de sa cité et faire bouger les mentalités que Nasser m’a contacté », explique Julian Bordeau.

« Il était ultra motivé et j’ai trouvé sa démarche très touchante. On a vite décidé de se rencontrer, il m’a présenté son quartier, ses potes. J’ai passé beaucoup de temps avec eux et j’ai essayé de retranscrire dans mon scénario leurs points de vue sur la vie, leurs coups de cœur, leurs coups de gueule… ». Le projet est lancé. Son nom ? Les Bourbons, en référence à la dernière dynastie des rois de France. Le court-métrage devrait durer une quinzaine de minutes et sortir en octobre. Il sera centré sur la vie d’Abou, un jeune qui doit concilier love stories, vie familiale et amicale dans une cité où règne la loi du plus fort et de la virilité.

Les deux acteurs principaux, Clara et Nasser.

Très vite, la nouvelle se répand à Versailles. Un film va se tourner dans le quartier et beaucoup veulent y participer. Les jeunes affluent, ils deviennent acteurs, chefs de file, techniciens… La cité bouge, et eux aussi. Tous sont bénévoles, ils apprennent à démarcher des sponsors et à réaliser un court-métrage de A à Z. Résultat ? Une confiance en soi boostée et des nouvelles compétences en poche. « Ca me motive énormément de voir à quel point ils s’investissent. Au début, certains étaient réticents, ils ne me connaissaient pas. Mais à force de traîner avec eux et de leur expliquer le projet, ils ont fini par prendre leur rôle très à cœur », raconte Julian.

« Mon but, c’est de leur donner les clés pour qu’ils puissent continuer à s’exprimer à travers le septième art, ou un autre d’ailleurs. Le projet est un révélateur de talents. Beaucoup me disent qu’ils ont envie de se lancer dans le cinéma et des jeunes issus d’autres cités veulent, eux aussi, réaliser des films ». Et les femmes dans tout ça ? On ne va pas idéaliser, leur venue dans Les Bourbons est compliquée. « On voulait avoir des filles de la cité mais c’est systématiquement la sœur de l’un ou la cousine de l’autre. Et là-bas, ‘on n’y touche pas’. On essaie quand même de sensibiliser les jeunes en discutant, en leur montrant d’autres courts-métrages. Et il y a beaucoup de femmes dans l’équipe. L’ingé son est une fille, ma première assistante aussi… C’est une façon de les confronter à la diversité », explique Julian. 

Versailles, une cité dans le Nord-Ouest de Bruxelles.

Le réalisateur a donc fait appel à une actrice extérieure pour le personnage féminin principal. La queen de Versailles s’appelle Clara, elle a 19 ans et vient de terminer sa première année d’université en socio. La pétillante blonde vient de Liège mais c’est en flamand qu’elle jouera son rôle. Et elle est déjà comme un poisson dans l’eau. « Je viens d’un milieu social privilégié, mes deux parents sont médecins et j’ai reçu une éducation différente. Forcément, je me suis demandée si ça allait matcher avec les acteurs de la cité. J’avais un peu peur de ne pas avoir grand-chose en commun avec eux ou de ne pas me faire accepter. Mais c’est tout le contraire qui s’est passé. Il y a un bon feeling, on s’entend super bien et je me suis vite intégrée. Je ne me suis jamais sentie mal à l’aise dans ce monde de mecs, ça démonte tous les préjugés qu’on peut avoir », raconte Clara.

« C’était important d’ailleurs pour Julian d’avoir une équipe qui partage ses valeurs. Lorsque j’ai passé le casting, il m’a demandé ‘C’est quoi le racisme pour toi ?’. Le cinéma est le meilleur moyen de faire passer des messages, si je peux avoir des rôles engagés, c’est l’idéal ». Mais le projet a besoin de vous pour s’épanouir. Une campagne de crowdfunding a été lancée sur Kiss Kiss Bank Bank. Objectif ? 2000 euros dans un premier temps, et 5000 pour faire la fête en grand. L’argent récolté servira à la location d’une caméra pro, d’un drone, d’un appart, d’une camionnette… C’est le moment de soutenir un projet inspirant. Go !

Julian Bordeau, le réalisateur, et Clara.