Parce que la violence domestique, ce n’est jamais romantique.
“Le vieux type, oncle éloigné du marié, interrompt la fille qui tente d’exposer une réalité : celle du nombre de décès dus aux violences faites aux femmes. Il a une septantaine d’années et entre deux grognements et rires gras, explique à la tablée médusée que de son temps, les gonzesses ne filaient pas pleurnicher au commissariat pour une claque au cours d’une dispute.
Qu’avant, quand on s’aimait, on le montrait par des actes passionnés. Un jaloux en collait une à celle qu’il aimait et on n’en faisait pas un drame. « C’était sain », qu’il ajoute. Au moins, il n’y avait pas de non-dits et personne n’avait besoin d’aller voir de psy. « Une torniole, quand c’est bien fait, ça te remet les idées en place. » Le même vieux gars, un temps plus loin, s’offusquera cependant à l’idée qu’on puisse lever la main sur un gamin. On a les indignations qu’on veut bien.
Cette scène se déroule à un dîner de mariage et le vieux type de bonne famille éméché finit par s’opposer verbalement à toutes les personnes qui tentent de lui faire entendre raison.
Mais qu’est-ce que c’est que cette génération de gonzesses qui ne supportent plus une petite correction ? Sans parler de celles qui aiment pousser à bout leur mari, qu’il dit. Une femme insupportable, ça peut faire sortir de leurs gonds des types malins/sensibles/bosseurs/marrants/timides/gentils.
« Quand les femmes cherchent les emmerdes, il y a des tartes qui se perdent », ajoute le vieux type que plus personne n’écoute et qui ne mesure pas que sous les coups, des vies se perdent…
Comme celle de Rabiya, 36 ans, tuée en janvier dernier, ainsi que ses trois enfants de 6, 8 et 10 ans par son ex-compagnon qui s’est ensuite suicidé.
Patricia, 55 ans, étranglée par son mari, à Andenne, fin février. Laura, 21 ans, en mai, tuée d’une cinquantaine de coups de couteau et achevée à coups de marteau par un client mécontent. Ou Maria, Claudine, Marianne.
Ou Caroline, 46 ans, tuée par son compagnon (accessoirement clown dans les hôpitaux). Son corps a été retrouvé dans le garage alors que ses trois enfants âgés de 12, 13 et 16 ans étaient ligotés dans la maison.
« Des gonzesses toujours prêtes à se plaindre dès qu’on les bouscule… »
Des femmes de tous âges et de tous milieux.
Combien, depuis le début de l’année 2018 ? 30 si on se réfère au dernier recensement des articles de presse comptabilisés par Stop Féminicide. Non, en effet, les articles de presse, ce n’est pas un moyen de comptage exhaustif et précis. Mais la Belgique ne quantifie pas le féminicide qu’elle range dans les homicides de toute nature. Alors on fera avec ce nombre-là.
Et on transformera l’effroi qu’il provoque en occasion de rappeler qu’il est possible de s’échapper.
À toutes celles qui n’osent pas partir, qui n’osent pas parler : fuyez. Prenez vos gamins sous le bras et faites-vous protéger. Aucun coup n’est permis ! ”
Juliette Debruxelles
> Si vous êtes victime, appelez écoute violences conjugales au 0800/30.030 du lundi au samedi de 9 h à 20 h. C’est confidentiel et gratuit.
Vous êtes l’auteur de comportements violents et vous voulez vous en sortir, contactez l’ASBL Praxis au 02/217.98.70.
Pour plus d’informations sur les maisons d’accueil d’urgence et associations, consultez violenceconjugale.be.