Katie Bouman, c’est la chercheuse qui a été élevée au rang de star après la publication de la première photo d’un trou noir. Et qui a été harcelée dans la foulée. Un cas malheureusement révélateur d’un sexisme encore bien ancré dans les milieux scientifiques… Retour sur le phénomène, explications et pistes de solutions. 

Son nom doit forcément vous évoquer quelque chose. On l’a vu partout. La frimousse de Katie Bouman s’est affichée en Une de nombreux magazines et pour cause, la scientifique a contribué à prendre la photo d’un trou noir il y a deux semaines. Une première mondiale. Mais un autre cliché est devenu célèbre au même moment. Publiée sur la page Facebook de la chercheuse, on peut la voir extatique face à sa découverte scientifique. Et là voilà propulsée sur le devant de la scène… Malgré elle, l’ingénieure de 29 ans est devenue un symbole. L’icône d’une avancée féministe dans un monde encore résolument sexiste. C’est elle que le MIT a décidé de mettre en avant sur Twitter par exemple lors de l’annonce historique. Et ça n’a pas plu à tout le monde.

Pourquoi? Parce que derrière cette photo du trou noir, il y a toute une équipe de scientifiques, et qu’ils ont été un peu zappés dans l’effervescence du moment. Mais surtout parce que Katie Bouman est une femme. Ça peut sembler totalement con et pourtant, c’est encore une réalité en 2019. La chercheuse a subi rapidement une vague de cyber-harcèlement. On lui reproche de ne pas être assez légitime ou de s’accaparer tout le crédit de la découverte. Et pourtant, l’ingénieure du MIT a directement souligné le travail collectif sur les réseaux sociaux… « Ce n’est pas un algorithme ou une personne qui a créé cette image, elle a nécessité le talent incroyable d’une équipe de scientifiques du monde entier et des années de travail acharné pour développer l’instrument, le traitement des données, les méthodes d’imagerie et les techniques d’analyse nécessaires pour réaliser cet exploit apparemment impossible », a-t-elle expliqué sur son profil Facebook. Sa page Wikipédia a par ailleurs été signalée à plusieurs reprises et a failli être supprimée. 

Aurait-elle subi les mêmes reproches si elle avait été un homme ? Se serait-on indigné du manque de considération pour toutes les femmes de l’ombre si le visage de cette découverte avait été un mec ? L’histoire a montré que non. Et le cas de Katie Bouman nous prouve qu’il y a encore un long chemin à parcourir. Que ce soit dans les milieux scientifiques ou dans n’importe quel autre domaine où les filles sont minoritaires. L’Unesco estime que les femmes représentent un tiers des chercheurs dans le monde. On évoque d’ailleurs souvent l’effet Matilda pour parler de la minimisation de la contribution des femmes scientifiques à la recherche. Le concept a été théorisé au début des années 80 par l’historienne des sciences Margaret Rossiter. Et il est malheureusement toujours d’actualité (même si une tentative d’inversion de l’effet Matilda avait été amorcée)… 

Comment faire bouger les lignes ? Si on sait que l’éducation joue un rôle primordial, on oublie souvent de conscientiser aussi les garçons dès l’enfance. On pense notamment au programme de L’Oréal, Men for Women in Science, qui implique les chercheurs hommes. Parce que ce sont eux qui occupent encore les postes de pouvoir et qui contribueront à faire évoluer la situation… Les role models sont évidemment essentiels, encore faut-il les connaître. Pour éviter de citer systématiquement Marie Curie, Wikipédia est là. Mais ici aussi, il y a encore du boulot. Seules 17% des biographies sont consacrées à des femmes. Pour y remédier, le Wiki Club a été lancé en Belgique pour créer des profils féminins et mieux représenter leurs accomplissements… On (se) bouge.