Le streetwear a pris le pouvoir dans l’univers de la mode et compte bien le garder. La nomination de Virgil Abloh, ex-DJ de l’Illinois, à la tête de Louis Vuitton marque le couronnement symbolique de cette tendance. Va pour le streetwear donc, mais qui, quoi et comment ? Nous avons sélectionné pour vous dix acteurs de premier plan.
Commençons par définir le streetwear. Qui dit mode de la rue, ne dit pas forcément bon marché ou de mauvaise qualité. Mieux encore : les héros du streetwear d’aujourd’hui s’inspirent librement de cultures underground, font passer leur message à coups de silhouettes progressistes et expressives, et utilisent des éléments jugés bizarres voire vulgaires il y a à peine dix ans. La chemise d’un coursier DHL, une ceinture de sécurité d’avion ou un déchet plastique : on prend une idée dans la rue et on la transforme avec brio en high fashion. Oubliez les hoodies imprimés bon marché et le faux design, ces créateurs connaissent toutes les ficelles : ils emploient des technologies de pointe, sont passés maîtres dans l’art de la confection et sélectionnent les meilleures matières. En général, ils préfèrent aussi le terme “luxe urbain” à celui trop réducteur de “streetwear”.
Envie d’en savoir plus ? Voici les 10 labels et créateurs qui dominent le paysage actuel de la mode.
A-COLD-WALL
Baptisé en référence au béton froid de Wellingborough, un ancien bastion industriel de l’Angleterre “oubliée”, A-Cold-Wall s’inspire de la jeunesse maussade du designer Samuel Ross au sein de la classe ouvrière. Après des premiers pas dans le monde de la mode comme petit délinquant amateur de contrefaçons Nike et Adidas, son génie créatif l’a vite remis sur le droit chemin menant tout droit aux ateliers de Hood By Air, d’Off-White et de l’agence de création Donda de Kanye West, et ce, sans renier ses sneakers. En 2015, il a fondé son label A-Cold-Wall qu’il présente comme la toute première étape de son odyssée au pays de la mode. Les créations de Samuel Ross sont dystopiques et confectionnées dans des matières industrielles comme le PVC, le nylon et le canevas recyclé. Avec cette collection audacieuse qui offre un vaste choix de sacs, il signe l’une des plus grandes réussites de ces dernières années dans la mode britannique. Samuel Ross travaillerait sur une deuxième ligne plus abordable baptisée POLYTHENE, mais elle reste pour l’instant un work in progress.
OFF-WHITE
Les émeutes à l’entrée de son défilé début mars à Paris à l’occasion de la Fashion Week témoignent de la hype attitude de Virgil Abloh. Même Vetements n’a pas réussi à rivaliser avec l’ex-bras droit de Kanye West. Si nous avons détesté être bousculées dans un froid glacial par une horde déchaînée d’aficionados de la mode, l’indiscipliné Virgil Abloh a dû trouver ça génial. Pour lui, la mode tient plus de la conversation culturelle que d’une simple façon de s’habiller… avec tous les points d’exclamation qui s’imposent. Sans compter sa tendance marquée à mettre tout et tout le monde entre guillemets. “Citer quelque chose revient à le remettre en question et du coup à lui faire perdre un peu de sa crédibilité”, lance le designer qui raffole d’ironie, de satire et d’humour. Son amour des “citations” n’a d’égal que sa passion pour les bretelles qui semblent tout droit sorties d’une scène de crime. Virgil Abloh a lancé récemment une collab devenue légendaire avec Nike dans laquelle il a revisité dix sneakers iconiques. Celle-ci s’est notamment traduite par un colson encombrant sur chaque lacet, ce qui a bien fait rire Virgil…
SUPREME
Chez Supreme aussi, on se bat pour décrocher la veste, le skateboard ou les sneakers en édition très limitée. Du haut de ses 20 printemps, la marque new-yorkaise de skates est l’aînée des labels de la liste, mais pas pour autant la moins pertinente. Mieux encore : son logo blanc sur fond rouge emblématique se retrouve dans l’équipement de base de tout amateur de streetwear qui se respecte. Né au début des années 90, le label s’est d’emblée démarqué de ses concurrents par ses capsules en édition ultralimitée épuisées en seulement quelques jours, mais aussi par ses collaborations prestigieuses – une technique inscrite aujourd’hui dans l’ADN de chaque marque de streetwear. Au fil des ans, des maisons comme Nike, Vans, Comme des Garçons et The North Face ont uni leurs forces à celles de Supreme. Le label s’improvise aussi mécène pour jeunes talents en leur ouvrant régulièrement les portes de son studio de dessin et de skating. Une bonne raison de placer Supreme en tête de liste.
UNDERCOVER
Autre vieux label bouillonnant de vie, Undercover est l’œuvre du Japonais Jun Takahashi depuis plus d’un quart de siècle sous le slogan “we make noise not clothes”. Bien avant que streetwear et mode de luxe ne s’unissent pour le meilleur, le designer combinait déjà ces deux mondes. Imaginez notre enthousiasme débridé en découvrant ses créations mais aussi le mannequin sur le catwalk – Sadie Sink alias Max dans Stranger Things – lors de la Fashion Week. Jun Takahashi transforme votre dressing d’ado en un véritable feu d’artifice. Il décrit en général son style comme du “punk rock élégant” et cite les Sex Pistols comme principale source d’inspiration.
YEEZY
Notre liste ne serait pas complète sans Kanye West et son projet Yeezy qui n’a laissé personne indifférent. Ce qui a débuté comme une collab temporaire avec Adidas a débouché sur un label à part entière, qui signe aujourd’hui sa sixième saison. Shorts cyclistes, tons nudes et élasthanne : qu’on déteste ou qu’on adore, la marque continuera à alimenter Instagram (et donc la rue). Les connaisseurs situent le “Yeezy effect” dans le contexte plus large de la montée du luxe urbain : l’influence de Kanye West est incontestable non seulement dans toutes ses créations, mais aussi dans le soutien et le tremplin qu’il apporte à d’autres jeunes créateurs. Samuel Ross, Virgil Abloh, Heron Preston, Matthew Williams… Autant d’étoiles montantes de la mode qui ont fait leurs premiers pas dans l’agence de création Donda de Kanye West.
SHAYNE OLIVER
Shayne Oliver est le fondateur de Hood By Air, ce label novateur qui a façonné la mode à New York en 2007 et a su séduire dès son premier défilé. Ses créations ont été repérées sur des stars comme Rihanna, Ciara, Kendrick Lamar et A$AP Rocky. Hood By Air a joué avec les codes du genre et dénoncé les normes sociales dominantes à travers des silhouettes progressistes avec un clin d’œil permanent à notre culture de la célébrité. Il y a deux ans, le créateur a retiré la prise de son label pour se consacrer à d’autres projets créatifs. Depuis lors, il a travaillé pour Helmut Lang – un vrai succès – et participé plus tôt cette année à une collab denim pour le Red Tag Project de Diesel. Même sans label, l’homme reste dans nos radars car on ne sait jamais d’où il va ressurgir.
GOSHA RUBCHINSKIY
Autre esprit libre, Gosha Rubchinskiy, fondateur du label éponyme, a séduit une masse impressionnante de fans entre 2008 et 2012 avec ses looks inspirés du paysage skate post-soviet. Après avoir débuté sa carrière comme photographe, Gosha Rubchinskiy s’est lancé dans la customisation de t-shirts et hoodies (les groupies se battent encore pour ses pièces) et s’est vite retrouvé à la tête d’une ligne complète de prêt-à-porter. Accessoires, denim, vêtements d’extérieur et même costumes, la totale ! Côté production, le label collabore étroitement avec Comme des Garçons. C’est dire la stupéfaction planétaire quand Gosha Rubchinskiy a annoncé au début de cette année sur Instagram la fin de son label sous sa forme actuelle. Si le flou demeure sur la suite, une chose est sûre : il gardera un pied dans le monde de la mode. “Something new is coming”, annonce le post énigmatique.
VETEMENTS
Peu de labels peuvent se vanter d’avoir marqué ces dernières années l’image de la mode d’une empreinte aussi convaincante que Vetements, le célèbre collectif de mode dirigé par Demna Gvasalia, le directeur artistique de Balenciaga. Demna Gvasalia apparaît comme l’homme qui a porté le concept de “mode moche” au firmament et ouvert ainsi la porte à d’autres marques streetwear de luxe. On pourrait écrire un livre sur les mérites de Vetements, mais nous nous contenterons pour l’instant de quelques mots clés : moche, magnifique, génial, chemise DHL et bottines-chaussettes.
Y/PROJECT
Dans la lignée de Vetements, Y/Project, le label du Brugeois Glenn Martens, mérite une mention spéciale pour ses créations bluffantes qui célèbrent le meilleur de la culture underground et de l’héritage historique belge. Des cuissardes kilométriques avec une petite culotte en fourrure et une écharpe de supporter arborant le portrait de Marie de Bourgogne ? Typiquement Y/Project ! La fashion-sphère internationale en est folle et nous sommes très fières de notre compatriote. Le nom de Glenn Martens a été cité dans le cadre du Red Tag Project de Diesel, une collab qui nous fait déjà trépigner d’impatience !
ALYX STUDIO
Matthew Williams est une autre poule aux œufs d’or sortie de l’écurie de Kanye West. Après quelques années d’anonymat au sein de l’agence de création artistique Yé de Donda comme touche-à-tout – de la production musicale à la scénographie et au merchandising en passant par les couvertures d’albums -, il a créé son propre label en 2014. Il l’a baptisé du nom de sa fille Alyx mais la référence s’arrête là. Bondage, fétichisme, culture skating et bikers sont des sources d’inspiration prisées dans ses collections dominées par les chaînes en or, le PVC, les pièces oversized et les pantalons en cuir. Le best-seller de la marque est la ceinture noire à l’allure de ceinture de sécurité dans les avions ou les parcs d’attractions. Malgré le look osé, Alyx Studio reste facile à porter. Pas question de pantalons bizarrement déchirés au point d’être importables ni de vestes en sac de couchage ou de chemises en plastique transparent.