On nous dit d’un côté « halte à la surconsommation », et de l’autre « craquez pour les 10 incontournables de l’été ». Pour alimenter nos paradoxes ? Mieux : pour stimuler notre liberté, et nous inspirer en matière de mode durable.

Les chiffres

Chaque année, on produit 5 millions de tonnes de vêtements, dont 80% seront jetés. Pour une bonne partie, sans avoir été portés. 2700 litres d’eau sont nécessaires pour fabriquer un T-shirt en coton : c’est ce qu’un humain boit en 2 ans et demi. En France, moins de 10% des textiles sont recyclés, et parmi ceux-ci, le chalenge reste de tracer leur production, pour en réutiliser les fibres efficacement. Le coût financier de nos craquages shopping est conséquent, mais c’est leur prix environnemental qui est préoccupant dans l’immédiat.

L’industrie s’adapte aux nouveaux défis écologiques

La coopérative américaine Supima, partenaire du festival de jeune création d’Hyères, rassemble cinq cents fermes familiales aux États-Unis. 90 % de ce coton « responsable » est cultivé en Californie selon de hauts standards de qualité, biologiques ou pas. Un coton destiné principalement à l’export, cultivé avec moins de pesticides, et moins d’eau. Supima collabore avec Kering sous le label « Responsible Fashion », pour son coton traçable de la graine à la vitrine du magasin. Pour Buxton Midyette, responsable marketing chez Supima, « on ne peut pas se prétendre durable, sans transparence. Dans notre production, le coton est biodégradable entre 30 et 60 jours (selon un processus industrialisé, pas dans votre placard, NDLR). La culture est renouvelable, et non toxique. » American Vintage, Louis Vuitton, Lacoste ou Guy Laroche utilisent déjà ce coton. Comme le souligne Andrew Jordan, consultant en matière de culture de coton durable aux États-Unis (un sixième du coton mondial) : « le plus important, ce n’est pas ce qu’on fait au jour le jour, c’est ce que met en place pour demain. »

Réflexions à propos d'une mode durable

Supima

Ne jetez pas forcément votre jean avec l’eau du bain

Le jean est a priori l’un des plus grands pollueurs dans l’industrie, mais certaines marques innovent. En partenariat avec I: CO (I: Collect), fournisseur mondial de solutions spécialisées dans le recyclage, Guess lance le programme Resourced, en faveur de la mode circulaire. La marque américaine adhère à la Better Cotton Initiative (BCI), qui vise à améliorer la durabilité dans l’industrie mondiale du coton, et lance sa ligne Eco Denim, qui s’engage à réduire l’empreinte carbone, et à utiliser moins d’eau et d’énergie. La doublure des pièces de cette collection est en prime fabriquée à partir de bouteilles recyclées.

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Supima

Depuis le lancement de Guess Eco en 2016, plus de 2,5 millions de litres d’eau ont été économisés, soit un jour d’eau potable pour un million de personnes. Levi’s, qui vient d’entrer en bourse, produit la ligne Levi’s® Engineered JeansTM, qui utilise la technologie de tissage 3D, réduisant considérablement les chutes de tissu, le temps de fabrication et le nombre de coutures (pour gagner en confort, en passant). La technologie vient au secours de l’industrie, et un changement dans les processus de production du jean est en cours.

Selon Marina Coutelan, en charge du département éco-responsabilité de Première Vision, « il faut faire attention aux idées fausses : l’indigo, ça n’a rien de naturel. Pour le fixer, il faut utiliser énormément de produits chimiques. Sans parler de l’utilisation de l’eau et du traitement du denim à effet délavé, terriblement délétère. Il est souvent réalisé au permanganate, ultra toxiques pour la nature et les gens ». Le sablage, les tambours de machine qui tournent pendant des jours avec des milliers de litres d’eau, ça n’est pas beaucoup mieux. Mais il existe des technologies qui permettent de créer un délavage avec une tasse d’eau (chez Pepe Jeans par exemple) au laser, ou à l’ozone. « Il existe aussi de nouveaux procédés à la mousse qui pénètre le tissu, économisant ainsi 60 % d’eau ». La bonne nouvelle : les prix de ces vêtements plus responsables commencent à s’aligner sur les tarifs des pièces habituelles. Pour Marina Coutelan, « les vêtements vivent la même situation que l’agroalimentaire il y a dix ans avec le bio, dont les prix sont aujourd’hui quasi les mêmes que ceux de l’offre traditionnelle ».

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Levi’s

Dix ans sans acheter de vêtements neufs

Joëlle Smeets, responsable communication Environnement du SPF Santé publique, a fait du seconde main sa philosophie. Si chaque Européen achète en moyenne 30kg de vêtements par an, selon Statbel, l’Office belge des statistiques, la mode représente environ 5% du budget des Belges.

Mais Joëlle, passionnée de vintage, ne cède plus aux sirènes de la nouvelle capsule des marques qui surfent sur la vague de la nouveauté hebdomadaire : elle fait du shopping très régulièrement, mais depuis dix ans, plus jamais en « neuf » : même ses chaussures et sa lingerie en soie, elle les chine en seconde main. « C’est une démarche personnelle, mais mon mari et mes enfants, aujourd’hui âgés de 21 et 25 ans, ont pris le pli. » Cette passion pour la mode d’occasion, Joëlle la cultive depuis ses 18 ans, alors que punkette new wave, elle écumait les boutiques branchées du centre-ville de Bruxelles.

« Aujourd’hui, je ne peux plus acheter du neuf, au regard de tout ce que j’apprends dans l’exercice de mon métier à la DG environnement, le prix et la dimension écologique d’un tel choix ne me paraît plus envisageable. L’impact du secteur textile, je l’ai sous les yeux toute la journée, je ne vais pas en rajouter. » D’avril à octobre, passe ses week-ends à visiter les brocantes, « surtout que mon mari est un grand collectionneur de vinyle ».

Son budget vestimentaire annuel ? Environ 1000 €. Joëlle est coquette, elle démontre aux nouvelles générations qu’on peut changer souvent de look et suivre la mode, sans déshabiller complètement la planète.

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L’alpaca de La Cambre Mode(s)

Les 7 gestes qui changent la donne

La Direction générale Environnement du Service Public Fédéral belge Santé Publique, propose sur son site bebiodiversity.be plusieurs pistes de réflexions concrètes :

  1. Ne craquer que pour les vêtements dont on a vraiment besoin – ce qui implique de solliciter un peu son imagination en se demandant ce qu’on peut mixer avec quoi pour réinventer son dressing – mais aussi acheter en seconde-main, louer ou emprunter une tenue pour une occasion spéciale, troquer avec ses amies ou sur des groupes Facebook…
  2. Privilégier les vêtements écologiques, durables, bios, labellisés
  3. Acheter local
  4. Penser « lin ou chanvre » comme alternative au coton. Pour se réchauffer le cœur et la conscience, on peut aussi se détourner des matières synthétiques pour revenir à l’alpaca, laine péruvienne ultra isolante, dont le label est souvent utilisé à tort pour qualifier des mélanges de fibres.
    Pour valoriser cette laine en Belgique, Ocex Bruselas le Bureau Commercial du Pérou de Belgique a lancé les Alpaca Awards, récompense attribuée à un( e) élève de La Cambre Mode(s) pour sa création en alpaca. La lauréate 2019, Maria Siqueira, étudiante en 2ème année, partira au Pérou pour explorer l’artisanat traditionnel lié à cette laine.
  5. On sait que la moitié de la pollution générée par nos vêtements est due à leur lavage. Par conséquent, on ne les lave que lorsqu’il est temps, et on évite les matières synthétiques avec des paillettes ou motifs collés, qui finissent dans l’eau.
  6. Choisir des lessives écologiques.
  7. Faire un peu de prosélytisme : selon Anja Rubik, top model écologiste activiste, « des études démontrent que si 10% d’une population commence à changer son comportement, tous les autres vont suivre ». Donc, on donne l’exemple.

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Les alternatives au shopping traditionnel

Si on aime les marques de luxe mais qu’on ne veut/on qu’on ne peut pas s’offrir leurs nouveautés dès la sortie en boutique, les sites de vente de seconde main, comme Vestiaire Collective, recèlent des trésors à peine portés, revendus pour la moitié de leur prix. C’est l’occasion de retrouver une pièce qu’on a loupé mais à laquelle on a longtemps pensé.

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Bernard Gavilan et Tatiana Silva

En pratique : les bons plans mode durable de Joëlle Smeets

  • Les Petits riens (Uccle) : Rue Xavier Debue 38 – 1180 Bruxelles, pour les grandes marques, en parfait état.
  • Les Petits Riens (Forest) : Chaussée de Neerstalle 27-33. Il chercher et farfouiller, mais on y trouve les belles chaussures, des bottines de créateur, des combinaisons et nuisettes en soie, …
  • Le marché aux puces de la Place du Jeu de Balle : les échoppes de vêtements vers le milieu du marché, du côté de l’église. Manteaux de qualité (laine, lambswool, …), accessoires (sacs et pochettes) C’est aussi de côté-là que l’on trouve les vêtements de sport en vrac. Il faut fouiller mais on peut tomber sur des tee-shirts, vestes de survêtement ou jogging Adidas, Puma, Nike, …
  • Bernard Gavilan, rue Blaes 162, pour les bottes surtout les santiags. De très jolis accessoires aussi dont des nœuds papillon vraiment sympas !
  • Patricia Shop, rue Blaes 158, des sous-vêtements à très petits prix, fins de série de grandes marques, soutiens-gorges, culottes, maillots de bain, nuisettes, petits ensembles, et de super conseils !
  • Les brocantes d’Uccle et de Linkebeek sont des musts : Linkebeek 2 fois par an (19 mai et une 2eme en octobre). Uccle : Brocante du Vivier d’Oie (28 Avril) , Brocante Vanderkinderen (2 juin), Grande Brocante d’Uccle centre (9 juin), Brocante de la Bascule (23 juin), Brocante de la place Saint-Job (21 juillet), Brocante de Fort Jaco (à ne pas manquer – 25 août), Brocante du Bourdon (1er septembre), Brocante de Forest (tout autour de l’Altitude 100 – fin juin), Brocante de Drogenbos (23 juin), Brocante de la petite espinette de Rhode-Saint-Genèse (fin septembre), sans oublier la Brocante du Châtelain (septembre).