Le show 2019 du département mode de la célèbre Ecole anversoise (dans les deux sens du terme) a révélé un culte pour l’extravagance, développé par une nouvelle génération de designers très cosmopolites.
Un esprit créatif exprime différentes inspirations selon l’environnement culturel qui l’a construit. A l’Académie d’Anvers, plus de 80% des élèves viennent des Etats-Unis et du Canada, d’Asie et des quatre coins de l’Europe.
Leur imaginaire a été façonné par des paysages exo-anversois, des contextes socio-culturels parfois à 180° d’une éducation « à la belge », des réalités politiques – donc sociologiques – variées. Le fruit de ces aspirations artistiques et commerciales mixées avec l’enseignement de cette école de design de mode ultra influente, comme La Cambre bruxelloise, sur le marché international, déploie un éventail symptomatique de styles à la saisissante exubérance.
En mai dernier, le Met Ball introduisant l’exposition « Camp, notes on Fashion » au MoMa, a entériné l’excentricité comme langage mode intégré à l’époque. Bien sûr, les étudiants, en recherche d’extraversion et d’innovation par définition, n’avaient pas attendu les excès autorisés par la tendance de saison, pour exhiber tous leurs univers chamarrés et outre-volumés.
Mais les collections présentées par chacun de ces apprentis designers – certains ont déjà été primés lors de compétitions internationales (voir plus bas*) ou lancent déjà leur collection, les silhouettes du show à peine rangées – ont confirmé ce que même les profanes ont constaté sur le catwalk : à Anvers désormais, less is mort. L’excentricité fait des émules, et une époque qui rebâche que la mode est en crise y a sans doute contribué : rien n’excite autant la jeunesse que de relever des défis et de repousser les lignes, avec du cuir et des volants, ou tout ornement vivifiant qui lui tombera entre les mains.
Sur le podium installé dans le centre d’événements du Waagnatie ces jeunes créateurs aux ambitions naturellement oversized, avaient le public à leurs pieds, séduit et surpris, prêts à aborder la mode d’avant-garde.
Suivez leur évolution, à Anvers comme à Bruxelles : avec des identités différentes mais un ADN commun, tous liés à “l’Ecole belge » comme frères et sœurs de révolutions créatives, ces designers engagés dans leur époque sont fermement déterminés à changer le futur. Et notre acception d’une mode plus en plus diversement expressive, comme une forme d’art expliqué.
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*Shuting Qiu, 4ème année, nominée au B.O.F (Business Of Fashion) China Prize
Etudiante chinoise, elle n’avait encore jamais eu l’opportunité de présenter son travail en Chine, et pas tout à fait de projet d’entreprise défini, « mais cette expérience me sera utile, au tout début de ma carrière ». Elle a bénéficié de conseils du jury du prix BoF China, en plus de ses études « qui m’ont vraiment aidée à construire et à renforcer ma personnalité et mon identité créatives. »
Sensen Lii, 3ème année, lauréate du VFiles Runway 10
Originaire de Chine également, Sensen Lii n’a pas encore fini son cursus à l’Académie d’Anvers, mais vient de remporter le concours de la plateforme new-yorkaise VFiles, tremplin de jeunes créateurs pendant la fashion week : « la NYFW est une expérience inoubliable, et grâce à mon prix, je vais pouvoir présenter mon propre show à New York. J’ai beaucoup appris lors de cette compétition, notamment à collaborer avec les stylistes, les coiffeurs, les mannequins… Et après le défilé, j’ai eu la chance de travailler avec la styliste de Lady Gaga, Nicola Formichetti, et pour son concert à Las Vegas ».
Brandon Wen, 4ème année : lauréat du premier Challenge The Fabric award lors de la London Fashion Week
Sa prestation lors du show de l’Académie d’Anvers – à laquelle il a activement participé, dansant en robe magistrale parmi ses mannequins – a été acclamée debout.
Organisé par le Conseil suédois de la mode, le concours d’innovation textile – à visées écologiques – est destiné aux talents émergent. Brandon l’a remporté grâce à sa collection de bachelier, en plus de deux nouvelles silhouettes fabriquées à partir de matériaux durables. « L’objectif était de présenter de nouvelles idées pour la durabilité, d’une manière qui inclue notre travail original. J’ai pu revisiter ma collection de fin d’année sous un nouvel angle. À un niveau très élémentaire, j’ai bénéficié de beaucoup de visibilité et d’un important financement (30.000€), mais cela m’a aussi permis de rencontrer des professionnels, et de gagner en légitimité. » Brandon débutera à la rentrée un stage chez Rick Owens.
Photos : Etienne Tordoir / Catwalk Pictures