Albert Moukheiber, docteur en neurosciences cognitives et psychologue clinicien, détisse la façon dont se fondent nos opinions, peurs irrationnelles et a priori, « pour en finir avec la vulgarisation scientifique, et mener le cerveau vers une dédramatisation sociologique ».
Ce jeune scientifique très philosophe – il a 37 ans, a donc connu le monde « avant Internet » – analyse l’élaboration de nos raisonnements, en réaction à la mode du « tout neuro », qui mène à sur-simplifier le fonctionnement de l’humain, avec par exemple les théories binaires du cerveau gauche et du cerveau droit, qui mènent à niveler la complexité de l’esprit.
« J’ai voulu relever le défi de rendre les neurosciences accessibles, tout en conservant la nécessaire complexité du cerveau. « Simple », ça ne veut pas dire simpliste, et « complexe » ne signifie pas compliqué. » Cet ouvrage à la logique urgente et illustrée de questionnements quotidiens s’adresse aux tourmentés, aux curieux, voire aux angoissés, et redéfinit les critères de l’échelle personnelle des connaissances, étape essentielle pour se situer dans un contexte historique et sociologique, au niveau individuel et collectif. Autrement dit, savoir comment on fonctionne avant de laisser libre cours à nos opinions, sur rue ou pas.
Sommes-nous tous égaux face à la compréhension du monde ?
« Nous ne le sommes plus dès lors que l’on rentre dans les spécificités. Comprendre le monde n’a rien à voir avec l’intelligence ou le contexte. Notre cerveau possède ses propres algorithmes. Si l’on est sensible aux théories du complot, on utilisera nos 180 de QI pour les alimenter. L’un des malentendus du moment, c’est qu’Internet et les réseaux sociaux donnent l’impression qu’on est compétent à propos de n’importe quel sujet, et qu’on a le droit d’avoir une opinion sur tout. C’est pourquoi il est fondamental de muscler son discernement. »
Le livre donne des pistes, mais il faut travailler ensuite : de même que lire un programme d’entraînement sportif ne vous rend pas plus baraqué, il va falloir faire suer vos neurones face au torrent de données qui s’accélère. L’auteur insiste : « ce n’est pas un ouvrage de «self help », et chacun doit apprendre à suivre des raisonnements plutôt que des théories. L’histoire du monde est faite d’adaptations à des défis. Aujourd’hui, le challenge de notre civilisation et de gérer le flux d’informations. L’humanité actuelle n’est ni plus ni moins apte à s’adapter à une nouvelle donne que les générations précédentes ».
Le défi de l’époque : un vrai raisonnement face aux fake news
« Les gens qui tombent le plus dans le panneau de la désinformation sont les individus de plus de 60 ans, car ils ne sont pas habitués à ce qu’on leur mente dans les journaux. Il est prouvé que les hoax sont beaucoup plus partagés par les seniors. Pour la nouvelle génération, il est fondamental d’instaurer des cours de raisonnement critique à l’école, pour apprendre à gérer et digérer l’info brute. Le fact checking devrait être enseigné au même titre que l’histoire ou les maths. »
Et les neurosciences, accessoirement…
“Votre cerveau vous joue des tours”, Allary éditions