Il était l’un des photographes majeurs de sa génération. Adepte du noir et blanc, il a sublimé plusieurs générations de femmes fortes, préférant le temps à l’écran, la puissance au buzz.
Mannequins, actrices, icônes politiques – il a révélé Claudia Schiffer, Naomi Campbell, Cindy Crawford et Kate Moss, immortalisé Greta Thunberg – il les magnifiait en mettant leur magnétisme en perspective dans des décors brutalistes.
Peter Lindbergh, de son vrai nom Peter Brodbeck,
Il avait collaboré avec The New Yorker, Vogue, Harper’s Bazaar, Vanity Fair, shooté d’innombrables campagnes de grandes maisons, et plusieurs calendriers Pirelli.
Dans le communiqué annonçant son décès à l’âge de 74 ans, sa famille rappelle qu’il était « considéré comme un pionnier dans son art, qui a su redéfinir la photographie de mode contemporaine et ses standards de beauté en sublimant les femmes de tout âge ». De ce qui l’a emporté, on ne saura rien dans cette brève communication.
Fasciné par l’oeuvre de Van Gogh
Ce visionnaire allemand au grain réaliste avait étudié à l’Académie des beaux-arts de Berlin, avant de travailler pour le magazine Stern, qui comptait déjà ses contributeurs Guy Bourdin ou Helmut Newton.
Il avait emménagé à Paris à la fin des années 70, et naviguait depuis entre le Sud de la France et New York.
Artiste radical, il n’hésitait pas à juger l’industrie de la photo de mode qui se pliait aux exigences de la publicité : « c’est une vache : elle mange un truc, avale, régurgite et puis remâche la même chose et recommence. C’est un grand recyclage en boucle. »
Contrairement à ce que ses égéries pouvaient laisser penser, il défendait l’acception naturelle de toutes les beautés, photographiait sans phares et avec des coiffures spontanées – du moins dans l’intention – et avait déclaré en 2016 : “l’image que l’on renvoie aux femmes aujourd’hui est épouvantable. Avec Photoshop, on en fait des robots, comme si c’était un avantage de faire 1,80 m et 45 kg. Pour moi, cette norme signe la fin de la civilisation.”
Sa dernière contribution à la presse aura été l’édition britannique de Vogue, ce mois de septembre, dans laquelle il avait publié des portraits de Salma Hayek, de Greta Thunberg et de Jacinda Ardern, Première ministre néo-zélandaise.
Sa cover de légende ?
Linda Evangelista, Naomi Campbell, Cindy Crawford, Christy Turlington et Tatjana Patitz sur la couverture du Vogue UK de janvier 1990, avant qu’elles ne deviennent des superstars.
Sa patte mélancolique est restée imprégnée d’impressionnisme, ses oeuvres sont exposées dans les plus grands musées du monde.
Peter Lindbergh a modifié notre regard sur l’esthétique brute dans sa douceur envoûtante, et son travail nous rappellera, au fil de l’histoire de la photographie, de prendre notre temps.
LIRE AUSSI: