Dans une trendosphère pro-vegan, une petite caste carnassière fait mieux que tirer son épingle du jeu. De New York à Paris en passant par Londres et surtout Bruxelles, petit tour de ces néo-bouchers qui nous font sortir les crocs.
Après les chefs qui sortent de la cuisine, c’est au tour des bouchers d’entrer en résistance contre l’empire de la bidoche industrielle. Leur objectif: révolutionner notre façon de consommer, redonner ses lettres de noblesse à la viande, savoir d’où vient ce qu’on mange, apprendre à respecter et l’animal et l’homme. Loin de l’image d’Epinal du boucher au couteau pointu et au tablier taché de sang, ces “neo-butchers” prouvent qu’on aime peut-être moins la viande, mais qu’on l’aime sans doute mieux.
A l’origine, New York, épicentre de la boucherie rock’n roll
Ils s’appellent Pat La Frieda, Marlow & Daughters ou Tom Mylan. Ils sont new-yorkais, virils, parfois tatoués, souvent moustachus. La presse américaine les appelle les celebrity butchers… Des bouchers jeunes et branchés qui militent pour le retour des vaches en prairie et réinventent les habitudes de consommation : consciente, écologique, équilibrée mais jamais chiante! Leurs boucheries sont des repaires à trentenaires en chemises à carreaux. C’est à eux que l’on doit le trend de la chair éthique partout dans le monde.
Pat La Frieda, www.lafrieda.com/ Marlow & Daughters, www.marlowanddaughters.com / The Meat Hook, www.the-meathook.com)
Londres, la Mecque des carnivores
La capitale britannique est raide dingue de Tim Wilson et de sa boucherie The Ginger Pig qui assure l’élevage de ses bovins dans le Yorkshire. Installés dans les plus cool quartier de Londres, il officie également à Borough Market et est la caution carnivore des meilleurs restaurants de la capitale britannique (www.thegingerpig.co.uk). Parmi ses clients, une brochette de cuistots rock et décomplexés avec comme chef de file l’ex-tatoueur Magnus Reid.
Son resto Legs dans le quartier hype de Hackney ne désemplissait pas avant de fermer brutalement ses portes il y a un an. Avec sa dégaine de malfrat, reconverti en chef libéré, il tatouait sa viande avant de la mettre sur le grill…
Aujourd’hui, il est consultant pour des évènements food à travers le monde et est à la tête d’un café dans le quartier de Shoreditch baptisé C.R.E.A.M. (31 New Inn Yard, London)
Paris, capitale de la découpe haute couture
L’engouement pour les bouchers stars a aussi envahit Paris. Chefs de file de cette starification, Hugo Desnoyer et Yves-Marie Le Bourdonnec incarnaient il y a quelques années une nouvelle génération de bouchers, plus rock que leurs aînés, plus élitiste aussi. Avec eux, la viande se fait chic et couture, les tarifs flirtant plus avec le sur-mesure que le prêt-à-porter. Leurs boucheries servent les restaurants qui comptent (L’Astrance, L’Arpège, Le Chateaubriand, Pierre Gagnaire …), Alain Ducasse, L’Elysée, ainsi que le commun des mortels au portefeuille bien garni. “Mal-viande contre viande éthique, il est là, le vrai combat !”, martèle le Don Quichotte de la bidoche, Yves-Marie Le Bourdonnec. Avec son mouvement “I love bidoche'”, il incite les éleveurs à revenir à l’élevage à l’herbe et les bouchers à acheter les vaches issues de ces élevages même si elles sont moins rentables. Grâce à lui, des dizaines de disciples pratiquent aujourd’hui la vente de viande éthique dans la capitale française. Une capitale de plus en plus veggie friendly.
Bruxelles n’est plus en reste!
La boucherie éthique sans concession: Carné
Chez Carné à Uccle, les viandes et préparations sont issues de l’agriculture biologique à partir de produits fournis et produits par des petits producteurs locaux. Ici, on est non seulement soucieux de l’impact que l’élevage occasionne sur l’environnement mais aussi du bien-être animal ou encore du gaspillage. En plus de privilégier les circuits courts, les producteurs sont ici choisis pour leurs méthodes d’élevage…. En résumé, OUT ceux qui ne protègent pas les nappes phréatiques, recyclent et réduisent les émissions de CO2 mais aussi ceux qui ne nourrissent pas leurs bêtes avec des aliments naturels, sans soja ni OGM.
Back to barbaque, mais de la bonne!
Dans son étal, Carné ne propose donc que les meilleures races de viande (dont certaines sont parfois peu connues) et des saveurs authentiques et non dénaturées. A la tête du concept, deux passionnées: Robert-Guy Rolin et Christian Guignies. Leur mission? Faire “l’éloge des viandes et de ceux qui les font belles, des champs jusqu’à l’étal” et ainsi redorer le blason de la viande rouge, saignée depuis plusieurs années par la malbouffe, la boucherie industrielle et les scandales sanitaires. Quitte à faire le choix de l’élitisme. « Quand quelque chose est devenu trop corrompu, il faut lui redonner de la hauteur pour rendre le boucher et sa viande de nouveau désirable », estime Robert-Gui Rollin concepteur de l’enseigne.
Pour ce faire, Carné mise sur la qualité de ses produits, les certificats de traçabilité et l’éducation de ses clients. “Chaque bête qui entre ici a été soigneusement choisie chez l’éleveur. On sait tout sur elle. Quand on vend un morceau de veau d’Aveyron Ségala, on aime transmettre son histoire, d’où il vient, pourquoi son goût est si spécial. On prend aussi le temps d’expliquer au client comment le préparer à la perfection. Nous avons des petits bijoux ici! Comme la Parthenaise, une ancienne race de boeuf originaire des Deux-Sèvres ou encore le véritable poulet fermier du Hainaut élevé sur l’herbe selon les méthodes traditionnelles”, explique Christian Guignies.
Moins mais mieux
L’étal de Carné n’est pas gigantesque et c’est voulu! Ici, on fait la chasse au gaspillage en exposant le minimum de viande en vitrine, en travaillant sur commande et avec des initiatives comme “Too Good To Go” pour que les invendus ne finissent pas à la poubelle. Pour ses clients les plus fidèles, les vrais amateurs de viandes premium, Carné propose même des “Crowd Buying”, soit des achats groupés de viandes d’exception comme le boeuf de Kobe (à 600 euros le kilo).
Bref, à l’heure où être vegan ou consommer de la viande (mais de la bonne et moins souvent) est devenu tendance, la boucherie, à l’image de la pâtisserie avant elle, gagne du galon.
(Carné, chaussée de Waterloo 1483, 1180 Uccle. Ouvert du mercredi au vendredi de 10h à 18h30 et de 9h à 18h le samedi et de 9h à 14h le dimanche)
Le boucher star: Dierendonck
“Tant le père, Raymond, que le fils, Hendrick, les Dierendonck ont une mentalité de paysans, ils ont les pieds sur terre et ne sont pas du genre à vendre n’importe quoi à n’importe quel prix.” René Sépul, co-auteurs du livre “Boucher Dierendonck” et éditeur de la version francophone.
Défendant une consommation raisonnée de viande, la boucherie Dierendonck à Saint-Idesbald est devenue le porte-drapeau du club -de moins en moins- fermé des fans d’artisanat, de terroir, de bonne chair…et tout ce qui va avec: un certain art de vivre à l’ancienne, intemporel, convivial. A cette première adresse et son restaurant Carcasse s’ajoute une seconde enseigne, à Bruxelles cette fois.
En mettant en valeur sa profession à travers les médias, Hendrik Dierendonck a su attirer dans ses filets les carnivores fins gourmets, sans exception. (Boucherie Dierendonck, Rue Sainte-Catherine 24, 1000 Bruxelles. www.dierendonck.be)
Top 7 des restaurants carnivores à Bruxelles
Etoilé. La Paix
Pour ses mets tradi de haute volée et sa viande de qualité. (www.lapaix1892.com)
Vintage. Friture René
Pour ses nappes en vichy et son délicieux steak à cheval. (Place de la résistance 17, 1070 Bruxelles)
Racé. Meet Meat
Pour sa viande argentine qui fond dans la bouche. (www.meetmeat.be)
Copieux. Chumadia
Pour sa côte à l’os gargantuesque à prix d’ami. (Rue d’Ecosse 32, 1060 Saint-Gilles)
Tradi. La Braise
Pour ses grillades en salle juteuses et 100% locales. (www.restolabraise.net)
Trendy. Colonel
Pour ses viandes maturées, ses frites divines et ses sauces à se damner. (Rue Jean Stas 24, 1060 Saint-Gilles. www.colonelbrussels.com)
Texan. Holy Smoke
Pour son BBQ dans la plus pure tradition texane. (www.holysmokebrussels.com)