Chez Gensi, dans le village italien de Giulianova, l’activité est intense malgré la chaleur. C’est ici que voient le jour les dernières chaussures de la collection automne de Chanel. ELLE Belgique vous fait visiter l’envers du décor.
En temps normal, on met le cap sur l’Italie pour des vacances placées sous le signe de la dolce vita à coups de vino, gelato et pasta à gogo. Aujourd’hui, on y est pour travailler. À huit heures du matin, après une délicieuse soirée d’été à Rome, on se tient fin prête devant l’entrée de notre hôtel pour effectuer un trajet de plus de deux heures qui nous amènera à Giulianova, dans les Abruzzes. C’est là, entre la mer Adriatique et les Apennins, qu’est établi Gensi, le fabricant des chaussures Chanel depuis plus de dix ans.
L’entreprise familiale italienne doit sa collaboration avec la célèbre maison de haute couture à sa longue expérience dans le secteur de la chaussure et à son savoir-faire qui fusionne artisanat et technologie. « Nous utilisons d’excellentes machines de fabrication italienne », déclare le directeur général et fils du fondateur de Gensi, Gennaro Pigliacampo, alors que nous pénétrons dans l’atelier. Malgré la chaleur, l’activité grouille. Une dame passe devant nous avec une paire de chaussures à moitié terminées. On a le souffle coupé. C’est ici que la magie Chanel opère. Et c’est surtout grâce aux mains de vraies gens, car si les machines prennent en charge une grande partie du travail, le savoir-faire de professionnels expérimentés (hommes et femmes, le rapport est de 50-50) reste un must. Avant de retrousser nos manches, nous suivons Gennaro jusqu’au studio de création au rez-de-chaussée où l’équipe graphique examine les dessins numériques des chaussures. Celles-ci entament ensuite leur long périple à travers la fabrique. Un portrait bien connu de Coco Chanel est accroché au mur. On croisera la créatrice iconique à plusieurs reprises au cours de notre visite car on lui voue ici un profond respect.
En coulisses
Une fois le dessin de la chaussure terminé et le choix des matières opéré, le fichier informatique est envoyé à la machine de découpe. Celle-ci projette les patrons sur le cuir, dans lequel les découpes sont réalisées. Un groupe de femmes discutent des détails d’un prototype, tandis que d’autres sont occupées à coudre assidûment le célèbre logo « CC » sur un morceau de tissu. « Nous fabriquons des chaussures élégantes pour homme, femme et enfant, mais nous sommes spécialisés dans les sneakers », explique Gennaro. « Nous avons investi dans les machines et le savoir-faire qui font de nous aujourd’hui le plus grand fabricant de sneakers en Italie. » Sur la ligne de production du jour défilent non pas les escarpins de nos rêves, mais bien différents modèles de baskets sportives ainsi que l’amorce de la chaussure qui, une demi-heure plus tôt, n’était encore qu’un dessin. La bottine noire en mérinos prend vie, doucement.
Nous demandons à Gennaro par où nous pouvons commencer à bosser. Après un regard sur ses propres chaussures blinquantes, il affiche une moue dubitative. Et de nous répondre : « Qu’avez-vous envie de faire ? » Avant que nous puissions répondre « tout », le directeur général précise que seuls des professionnels expérimentés sont à l’œuvre dans ce lieu. « Deux cents personnes travaillent ici, dont des soudeurs, des brodeurs, des découpeurs, des mécaniciens et des techniciens. Tous experts dans leur domaine. » La chaleur monte et le courage faiblit, mais il est trop tard pour se débiner. Un peu plus loin, un homme s’affaire avec de la colle et des semelles. Ça n’a pas l’air très compliqué. Avant qu’il ne s’en rende compte, on lui enlève son pinceau de la main, saisit une semelle sur une étagère et on commence à appliquer de la colle minutieusement. « Tadam ! Et voilà une chaussure », non sans une certaine fierté tout en brandissant le résultat. Il pousse un soupir de soulagement et alors qu’on s’éloigne, on le surprend du coin de l’œil en train d’inspecter minutieusement la bottine fraîchement collée. Avec sa semelle, elle commence à ressembler à une chaussure, mais elle est loin d’être terminée. « L’ensemble du processus de fabrication comprend environ 80 étapes différentes, du prototype au conditionnement », explique Gennaro, tout en prenant place derrière une machine à coudre dans son costume bien taillé. « La fabrication d’un modèle mobilise 100 personnes. » 101 personnes exactement si l’on tient compte de notre opération collage de semelle. Les mains tremblantes et la sueur qui dégouline à l’idée de livrer une botte Chanel avec une semelle cousue de travers. « Le secret réside dans une bonne formation générale et une préparation précise pour chaque modèle », ajoute Gennaro. Il s’agit clairement d’une tâche spécialisée et je suis heureuse de céder ma place à un artisan expérimenté.
Au loin, les boîtes noires s’empilent. Au terme d’une visite qui a duré près de trois heures, la chaussure est terminée et prête à être emballée. L’emballage fait appel aux mêmes exigences en termes d’expertise et de souci du détail. Ensuite, le tout est déballé pour un ultime contrôle de qualité qu’aucune machine ne peut prendre en charge. Chaque paire est soigneusement inspectée sous tous les angles et comparée au millimètre près. Elle ne réintègre sa boîte que lorsque le résultat est parfait. Si l’assemblage d’une chaussure est clairement une tâche réservée à des professionnels expérimentés, porter une paire Chanel est parfaitement dans nos cordes. Tout comme savourer un verre de vin, une bonne glace ou un plat de pâtes.
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