Depuis #MeToo, Twitter se révèle un puissant moyen pour les femmes de faire entendre leur voix. Preuve en est, une fois de plus, avec #MonPostPartum, où elles racontent la douleur physique et psychologique de la vie post-partum.

Ce sont les pleurs du bébé qui la réveillent. Difficilement, lourdement, elle se lève dans la nuit. La douleur irradie dans tout son corps, et plus particulièrement sous ce ventre encore gonflé de la grossesse. Lentement, elle se dirige vers la salle de bain, abaisse sa culotte en gaze, change la couche absorbante. Une chose autrefois aussi simple qu’aller aux toilettes lui fait étouffer un cri. Et le bébé, toujours, qui pleure. La vidéo se termine par un message de Frida Mom, une gamme de produits hygiéniques américaine destinée à l’après-grossesse. Mais cette publicité, criante de vérité, a été censurée par la chaine ABC de la plage publicitaire des Oscars, où elle était sensée apparaitre. « Elle n’est pas ‘violente, politique’ ou de nature sexuelle. Notre publicité n’est pas ‘religieuse ou obscène’ et ne montre pas ‘d’armes ou de munitions’ », s’indigne la marque. « Il s’agit juste d’une nouvelle mère, à la maison avec son bébé et son nouveau corps pour la première fois. (…) Et on se demande pourquoi les nouvelles mères ne se sentent pas assez préparées ».

Et pourtant, l’objectif est atteint : depuis la censure de Frida Mom, de nombreuses voix ses sont élevées, au États-Unis comme ailleurs, pour lever le tabou sur les conséquences psychologiques et physiques de l’accouchement. Le hashtag #MonPostPartum contribue à relayer les centaines de témoignages qui ne cessent d’affluer depuis une semaine : des récits de mères mal préparées ou mal accompagnées dans cette épreuve souvent douloureuse. « #MonPostPartum ? Des règles abondantes durant neuf mois, impossible de faire pipi sans avoir les larmes au yeux, impossible de marcher normalement, des contractions même après l’accouchement », raconte ainsi la maman d’Ambre sur Twitter. « #MonPostPartum, c’est être chouchoutée pendant neuf mois et ne plus exister à la naissance de l’enfant », écrit quant à elle Laurene. « #MonPostPartum, c’est la solitude. L’immense solitude. Le manque de compassion, de compréhension, de considération, d’aide. C’est la blague du ‘congé maternité’ et l’inexistence du ‘congé paternité’ », partage encore une autre. Le témoignage publié par Delphine parle lui aussi des angoisses de cette nouvelle vie : « J’ai très bien vécu l’accouchement, plus suites de couches cool. Mais ce sentiment terrible d’être piégée sans échappatoire, quand tu sors d’une douche de cinq minutes prise à la hâte et que bébé hurle déjà, et que ses pleurs te prennent à la gorge à chaque fois ».

Engagé et pédagogique

Et pour Gwen, le post-partum, « ça été de devoir chercher des infos sur ces terribles douleurs comme si j’avais encore des contactions. Personne ne m’avait parlé des ‘tranchées’, j’ai découvert sur le tas. J’aurais aimer savoir avant ce qui m’attendait… » Et voilà que comme d’autres nullipares, on se retrouver à taper « tranchées post-partum » — ou « involution utérine » — dans son moteur de recherche, pour découvrir qu’il s’agit de contractions ressenties durant les suites de couches et liées au retour à la normale de l’utérus après l’accouchement. Car si ces fils Twitter qui sortent enfin le post-partum de l’ombre sont parfois glaçants, ils sont aussi extrêmement pédagogiques pour celles qui n’ont pas d’enfants, comme celles qui comprennent enfin ce qui leur est arrivé. Comme Cassiopée, qui a consigné sur Twitter tout ce qu’elle avait appris avec le hashtag : l’existence des lochies, ces pertes de sang et caillots sanguins après l’accouchement, les œdèmes vaginaux ou anaux, la descente d’hormones, la chute de cheveux, etc.

https://twitter.com/Cassi0p33/status/1228969157716332544

Mais ce que révèle surtout le phénomène #MonPostPartum, initié par quatre militantes — Illana Weizman, Ayla Linares, Morgane Koresh et Masha Sacré —, c’est la quasi-absence d’éducation, de prévention lié à l’après-grossesse, mais aussi le manque de soutien des jeunes mères dans leur nouveau quotidien. Morgane Koresh explique qu’il existe pourtant des moyens de mieux le vivre. « Ça s’appelle un système de soutien, et ça pourrait déjà commencer par un congé paternité rallongé, parce que se remettre de l’accouchement seule avec bébé, ça n’aide pas. (…) Plutôt que d’offrir des vêtements ou jouets, on peut offrir de son temps pour cuisiner, apporter à manger, faire le ménage, garder bébé pendant que la mère se repose (ou offrir des sous pour aider les parents à payer cette aide). Ne pas hésiter ni avoir honte de demander de l’aide (conseillère en lactation, aide psychologique, rejoindre un groupe de jeunes mamans avec qui sortir plutôt que de rester enfermée seule à la maison… ). Dès que possible, faire de la rééducation périnéale (même après une césarienne, le poids que le périnée a porté pendant neuf mois laisse des traces) », écrit-elle, en ajoutant : « Refuser les injonctions à ‘retrouver son corps’ le plus vite possible. On se laisse le temps de se remettre, pas de pression à faire des abdos après deux semaines ni de régimes quand on ne dort déjà pas. Ne pas se mettre de pression. Le corps, le mental et la vie tout court sont tellement chamboulés. Savoir que ne pas prendre de douche tous les jours, oublier de manger, pleurer de fatigue, avoir des pensées pas sympathiques pour un bébé qu’on aime aussi, c’est normal ». C’est normal, mais compliqué. Et avec un meilleur soutien de son entourage, mais aussi de la société, la vie post-partum pourrait infiniment mieux se passer.

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