Biocapteurs, tissus techniques, trackers, montres connectées, GPS… les dernières avancées technologiques ont révolutionné le monde du sport. Mais que restera-t-il d’humain dans l’athlète de demain? Entretien avec Marc Francaux, professeur de physiologie de l’exercice à l’UCLouvain.

Collecter systématiquement des données sur un sportif ne le réduirait pas à une simple base de données ?

Collecter des données sur les athlètes n’est pas nouveau. De tout temps, des gens ont systématiquement noté des informations sur les sportifs : combien de temps ils dorment, ce qu’ils mangent ou boivent avant ou après une compétition… On sait qu’avoir un bon historique d’entraînement permet au sportif d’évoluer. Mais depuis deux ou trois ans, une série d’outils connectés sont arrivés sur le marché et permettent de calculer et d’enregistrer automatiquement ces données. Par exemple, aujourd’hui, les cyclistes sont bourrés de capteurs. On peut dire exactement où ils se trouvent, quelle est leur fréquence cardiaque, avec quelle puissance ils appuient sur leur pédale à l’instant T et on peut donc optimaliser leur entraînement. Et ça, pour le moment, c’est l’intelligence humaine qui le fait, mais à l’avenir, c’est sans doute l’intelligence artificielle qui s’en chargera.

Certains parlent de déshumanisation du sportif. Qu’en pensez-vous ?

Selon moi, la collecte de données ne peut qu’aider les sportifs dans leurs démarches d’entraînement et leurs ambitions de performance. Ils vont pouvoir s’entraîner moins, mais mieux. Et puis, les athlètes ne deviendront jamais des machines au sens propre car il faudra toujours s’occuper du mental. Le volet psychologique est majeur pour assurer la réussite des sportifs. Vous pouvez avoir le meilleur joueur de foot de la terre dans votre équipe, s’il n’est pas bien dans sa tête, il ne marquera pas.

L’idée de dopage technologique est-elle possible ?

Tout dépend de ce qu’on entend par dopage. Le dopage, c’est un code, une liste d’interdits qui évolue en fonction de l’époque et de la société. Il y a trois critères pour savoir si on met une méthode ou un produit sur la liste des interdictions : est-ce que ça améliore la performance ? Est-ce que ça nuit à la santé ? Est-ce que ça nuit à l’éthique du sport ? Si on peut répondre oui à deux de ces trois critères, alors on le met sur la liste des interdits. Il est donc difficile de parler de dopage technologique. En revanche, les fédérations sportives peuvent proscrire des outils par souci de santé ou d’équité. On a, par exemple, interdit les combinaisons dites « peau de requin » pour les nageurs car elles amélioraient de façon significative leur flottaison et leur vitesse.

Des sportifs qui se font opérer pour améliorer leur vision, d’autres qui ont des lames en carbone en guise de jambes… l’homme devient aussi machine. Peut-on parler de transhumanisme ?

Pour le moment, ce n’est pas encore le cas, mais techniquement, on sait que c’est possible. Il y a par exemple énormément de laboratoires qui travaillent sur le génome de l’être humain. Ce sont des recherches importantes et qui pourraient révolutionner les traitements de certaines maladies. Mais elles peuvent également s’avérer dangereuses.

Aujourd’hui, on sait quels gènes donnent un avantage pour l’endurance par exemple. On pourrait donc tomber dans l’eugénisme avec des programmes de détection des futurs sportifs sur base de leur ADN. On pourrait même toucher au génome du sportif pour le rendre plus performant ! Techniquement, c’est possible, mais éthiquement, c’est inconcevable.

Quelles questions vont se poser à l’avenir dans le monde du sport ?

Au-delà de la technologie, je pense que les plus grands enjeux du sport de demain seront écologiques et économiques. Quand on passera de l’intention à l’action au niveau des plans environnementaux, on va devoir repenser le sport. Fini les déplacements de milliers de gens pour une compétition à l’autre bout du monde. D’un autre côté, le sport est devenu un pilier économique fort dans la société et d’un point de vue financier, on peut se demander s’il n’existe pas une bulle dans le milieu très restreint de certains athlètes où les montants mis en jeux sont inimaginables. Il va peut-être falloir traiter cette bulle, surtout si elle explose.

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