2020 est une année de rupture pour la mode. Aujourd’hui, le secteur remet tout en question : le rythme des collections, les fashion weeks, nos comportements d’achat… Le moment de vérité est arrivé. Aperçu des personnes, des marques, des concepts et des hashtags qui œuvrent au grand changement à travers notre ABC de la mode. Le b. a.-ba du futur ?
L’ABC de la mode en 2021
Art
Il existe peu d’artistes de renom qui n’aient pas collaboré avec une marque de mode. Peintres, sculpteurs, cinéastes, architectes, musiciens sont les nouveaux employés du secteur. « L’industrie du luxe est celle qui emploie aujourd’hui le plus grand nombre de créatifs. Plus personne ne veut payer pour les productions de l’esprit : les films, la musique, les articles, tout doit être gratuit… Heureusement que les marques de luxe sont là pour payer les talents », explique Astrid Wendlandt, auteure du livre « Le Luxe à la conquête du monde » dans une interview accordée à Antidote. Les marques construisent leurs fondations et mettent l’intérêt culturel au cœur de leurs enjeux marketing. Vendre des vêtements ne suffit plus, il faut désormais être mécènes. Pour une culture plus accessible ?
Bout de ficelle
Les boutons et fermetures éclair rendent le travail de recyclage du vêtement difficile. Pour enlever ces petits détails, il faut un travail manuel qui rend le processus coûteux. L’entreprise belge Resortecs a mis au point un fil qui se dissout sous haute température (170°C et 195°C), permettant de désassembler les vêtements rapidement pour réutiliser le tissu à l’infini.
Common Objective
C’est le LinkedIn des marques de mode éthiques. On s’y inscrit pour croiser tous les professionnels de la chaîne de production réunis autour d’une même cause : faire de la mode durable la norme. Commonobjective.co
Data
Depuis 2013, des entreprises comme Heuritech, Launchmetrics, Linkfluence et Tagwalk aident les marques de mode à prédire les tendances futures grâce à l’analyse des données. Quels looks fonctionnent sur les réseaux sociaux ? Quelles pièces sont populaires dans les boutiques en ligne ? Chez Zara, ils ajustent leur production en fonction de ces algorithmes. Une robe qui fait à peine quelques clics disparaît de l’offre. Les partisans voient l’intelligence artificielle comme un outil pour une meilleure gestion des stocks, moins de surproduction et donc moins de pollution. Les opposants la considèrent comme un tueur d’idées. Comment faire preuve de créativité si l’offre de magasins ne fait que confirmer ce que le consommateur souhaite déjà ?
Engagement
Plus de 138 millions de dollars de commandes annulées au Bangladesh, 15 usines fermées au Myanmar avec plus de 10.000 employés au chômage, des milliers de fabricants sans emploi au Cambodge, les conséquences du Covid-19 sur les fabricants textiles sont sans précédent. En cause, les commandes annulées et reportées. Un mouvement de solidarité s’est donc formé autour du hashtag #payup destiné à des marques comme Primark, Forever21 ou Anthropologie : il serait temps de payer !
Femvertising
Selon une étude Havas (2019), 55% des consommateurs estiment que les entreprises ont un rôle plus important à jouer que les États dans la construction d’un monde meilleur. L’engagement féministe fait désormais partie des causes mises au centre du catwalk. Un féminisme modéré qui permet d’engager sa communauté et de donner un écho aux combats pour l’égalité. Ce type de marketing a un nom, le « Femvertising ». S’il a été jugé opportuniste les années passées, l’engagement concret des marques (bourses, prix, fondations) en fait désormais le nouvel allié assumé de la 4e vague féministe.
Garde-robe capsule
Changez de mode, commencez par votre dressing. Telle est la devise de la « garde-robe capsule », qui a un maximum de 33 articles à porter par saison (ou trois mois). Y compris les chaussures ! On choisit donc des pièces de base de haute qualité qui peuvent être combinées facilement ainsi que quelques must-have. Une armoire capsule minimaliste, pratique et réfléchie. On se force, pour ainsi dire, à arrêter les achats impulsifs. Susie Faux et Donna Karan faisaient déjà la promotion de la « garde-robe capsule » dans les années 1970. La blogueuse Courtney Carver en a fait un défi populaire sur les réseaux sociaux avec #project333.
Haptique
La révolution numérique repose sur quatre piliers, les 4D (développés par Georges Nahon, président d’Orange Institute Sillicon Valley) : la digitalisation. La démonétisation. La désintermédiation. La disruption digitale, c’est-à-dire les inventions technologiques qui perturbent totalement l’économie et créent de nouvelles opportunités. Parmi elles, il y en a une qui fait parler d’elle : l’haptique. Chaînon manquant de « l’hyperréalité », cette technologie qui invente l’internet du toucher permet la manipulation d’objets virtuels en créant une interaction sensorielle avec l’écran. Comment ? Via des interfaces sensorielles connectées qui transmettent l’impression de textures, notamment. La société Fulu a d’ailleurs développé un embout à mettre sur le doigt qui transmet des sensations de textures comme le sable, le poil d’animal ou la mer. Cette technologie a déjà séduit la mode : Google Jacquard, Levi’s, Saint Laurent sont les précurseurs.
ISO20121
Les semaines de la mode attirent chaque année environ 230.000 visiteurs à New York. Rien que pour Gucci, 900 employés s’activent – y compris les mannequins. Alors que plus de 70 créateurs défilent à New York, il y a aussi des fashion weeks à Milan, Londres et Paris. Calculez l’empreinte écologique de tous ces billets d’avion, paysages et restauration. La norme ISO20121 pour les événements durables semble encore un avenir lointain pour les fashion weeks. « Mais nous compensons l’impact CO2 de notre défilé en investissant dans des projets environnementaux », a déclaré le PDG de Gucci, Marco Bizzarri. Depuis 2019, Burberry organise également des shows climatiquement neutres. La Fashion Week de Copenhague vise le zéro déchet d’ici à 2022.
Jeunes talents qui construisent l’avenir
Marine Serre. Reine de l’upcycling, la conscience écologique est au centre de ses collections. Sander Lak. Le designer de la marque Sies Marjan et protégé de Dries Van Noten fait un carton aux States. Telfar Clemens est le chancre de la mode unisexe. Richard Quinn révolutionne l’imprimé.
Kool and Konscious
Plus besoin de chercher des marques de mode stylées et durables, la plateforme Kool And Konscious regroupe les meilleures griffes éthiques. koolandkonscious.com
Lucy Siegle
On se souvient du documentaire « True Costs » diffusé sur Netlfix sur les coûts de l’industrie de la mode. À l’origine, il y a un livre « To Die For : is fashion wearing out the world ? », écrit par la journaliste Lucie Siegle. Mais il ne s’agit pas de son premier essai : « Green Living in the Urban Jungle » et « Turning the Tide on Plastic » en font véritablement une auteure à suivre.
Minimalisme
La mode va-t-elle enfin entrer dans sa phase du « less is more » ? Le minimalisme n’est pas synonyme d’ennui : « Nous n’avons pas besoin de trouver une solution unique et absolue pour cette “nouvelle normalité”. Less is more ne devrait pas devenir un symbole de dépression ou venir dans un seul sens esthétique », explique Virgil Abloh à « Vogue ». Moins de logistique, moins de voyages, moins de déchets, mais plus de créativité !
#nonewclothes
Remake est un collectif qui se bat pour mettre un terme à la fast fashion. En juin 2020, ils ont lancé le mouvement #nonewclothes pour nous défier à ne pas acheter de nouveau vêtement pendant 90 jours ! Un sacré défi qui vaut la peine d’être tenté.
Out of stock
L’approche « Zero Inventory » fait de plus en plus d’adeptes ! C’est sans doute un des plus grands challenges d’une ligne de production. Le principe ? C’est une stratégie business pour les marques qui aspirent à détenir peu ou pas de stock. Le but est donc de commander la quantité exacte de vêtements qui doivent être vendus en se basant sur les nouvelles technologies.
Phygital
De la contraction de « physique » et « digital » : les shows sont retransmis online en live depuis des années, mais le format s’intensifie. Drastiquement. Les fashion weeks de septembre ne sont pas annulées, mais les marques font face à une année 2020 avec un tiers de perte de chiffre d’affaires. Résultat : des défilés ultra-confidentiels avec des invités triés sur le volet comme lors de la présentation de la collection été 2021 de Jacquemus en juillet. Moins de monde, mais une couverture numérique sans précédent. Les showrooms virtuels se multiplient grâce à des start-up comme Obsess, spécialisée dans la création d’univers immersifs pour les online shops. La créatrice Anifa Mvuemba, de la marque Hanifa, s’est fait connaître en faisant défiler ses vêtements sans mannequin pour un live Instagram. Quel buzz ! Parce que le problème de cette « phygitalisation », c’est qu’elle pourrait bien mettre sur la touche les petites marques qui n’ont pas les moyens financiers de cette visibilité. En espérant qu’elles trouvent des solutions créatives pour passer à travers la toile tissée par les groupes de luxe.
Quora.com
La plateforme de partage de connaissances. À cheval entre Wikipédia et Facebook, elle fonctionne comme un réseau social de contenu scientifique et critique sur des sujets aussi vastes que la littérature, la musique, la biologie, l’astronomie, mais également sur la mode !
Re-FREAM
C’est le programme européen de soutien aux innovations dans la mode. Sous forme de projet de recherche collaboratif, il unit des designers et des scientifiques pour repenser le processus de fabrication avec trois axes : l’impression 3D, les textiles technologiques et les finitions durables. À la clé de ce programme, une bourse de 55.000 € pour le créateur le plus innovant. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 30/09 sur re-fream.eu.
Samira Nasr
La première femme à la peau foncée rédactrice en chef du « Harper’s Bazaar » américain. Alors que les contestations #blacklivesmatters ont pris de l’ampleur, beaucoup d’employés dans la presse se sont insurgés contre le manque de diversité au sein des équipes, notamment chez Condé Nast et Hearst (citons quand même Edward Enninful à la tête du « Vogue UK » et Elaine Welteroth au « Teen Vogue USA »). « Je travaillerai pour donner à toutes les voix une plateforme pour raconter des histoires qui n’auraient jamais été racontées. » Un message que l’on espère voir se multiplier au sein d’autres magazines de renom.
TikTok
Le réseau musical des 15-25 ans ne cesse de prendre de l’influence. Désormais, la mode s’empare du concept des « Collab Houses » pour diffuser son contenu. Qu’est-ce que c’est ? Rassembler dans une luxueuse propriété des stars des réseaux sociaux (citons, par exemple, Charli D’Amelio, Chase Hudson ou Addison Rae) afin de créer du contenu créatif et renforcer leurs communautés respectives. Mais la tendance n’échappe pas à la mode et les marques de prêt-à-porter n’hésitent pas à les sponsoriser pour surfer sur cette visibilité, à l’image de la marque Boohoo. Difficile d’avoir le recul pour savoir si cette nouvelle stratégie marketing est payante, elle se développe et offre de nouvelles opportunités de sponsoring aux influenceurs.
Upcycling
Comme l’affirmait le créateur anversois Rushemy Botter, « l’upcycling est un état d’esprit, pas un concept ». À bon entendeur…
Vegan Fashion Week
Selon les organisateurs de la Vegan Fashion Week, le mètre et demi n’est pas la solution ultime à la crise. La distance sociale est un remède temporaire. Ce dont nous avons vraiment besoin, c’est du respect de la planète et du bien-être animal. Après l’annulation de l’énorme événement mode, make-up et gastronomie vegan à Los Angeles, le mouvement de la mode éthique devient virtuel. Inscrivez-vous à leurs tables rondes sur ethicfashiontalks.com.
Webinaires
Le MAD Brussels, la plateforme d’expertise bruxelloise pour la mode et le design, a diffusé pas moins de neuf webinaires dans le monde pendant le lockdown. Pour tous les acteurs de la mode qui souhaitent savoir comment transformer une crise en opportunité. Les sujets varient de la communication de crise sur les boutiques en ligne à la bonne tarification. Des intervenants tels qu’ Édouard Vermeulen, Siré Kaba et Émilie Duchêne partagent leurs réflexions.
X/M/V
La neutralité de genre – non pas h / f, mais x – gagne du terrain. Des pionniers comme Pierre Cardin et Paco Rabanne ont déjà expérimenté le look unisexe dans les années 60 et 70. Plus tard, les talents belges Ann Demeulemeester et Martin Margiela ont couronné notre pays comme l’épicentre de l’androgynie. Depuis les collections printemps et été 2019, la fluidité des genres est partout : de Céline et Givenchy à Louis Vuitton.
Yoga
Le marché du vêtement « d’athleisure » est en pleine explosion. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle parce que nous imposons des exigences élevées aux vêtements de sport et de détente – ils doivent être respirants, mais protecteurs et imperméables, confortables, mais élégants… Ce créneau de la mode innove avec des techniques et des matières révolutionnaires. Les textiles d’avenir s’imaginent sur un tapis de yoga !
Zéro tolérance
En juillet 2020, l’Autrichienne Nadine Leopold a conclu un accord à l’amiable avec le magazine « Madame ». Elle avait explicitement déclaré après une séance photo qu’elle n’était pas à l’aise avec les photos topless prises et qu’elles ne devaient pas être utilisées. Le magazine les a publiées avec désinvolture. Avant #MeToo, cela n’aurait peut-être pas été un gros problème, mais aujourd’hui, la HOFF (Humans of Fashion Foundation) s’est engagée à une tolérance zéro contre le harcèlement sexuel dans l’industrie de la mode. Ils arment les jeunes mannequins comme Nadine Leopold contre les abus, notamment en leur fournissant une aide juridique gratuite. humansoffashion.org
À LIRE AUSSI
10 questions sur le futur de la mode