Se faire tatouer pour se reconstruire, physiquement et psychologiquement. Se réapproprier son corps de femme, l’aimer à nouveau, retrouver son intimité, tourner la page et vivre pleinement. Le tatouage en 3D du mamelon est une solution pour celles qui, touchées par le cancer du sein, ont subi une mastectomie. Les résultats sont bluffants, les témoignages bouleversants et l’espoir immense.

Plus de 10.600*. C’est le nombre de femmes touchées par le cancer du sein en Belgique en 2017. C’est le cancer le plus fréquent. Environ une femme sur neuf sera atteinte avant l’âge de 75 ans*. Une fois la maladie détectée, les traitements mis en place, les opérations réalisées, le chemin de la guérison est encore long. Restent un corps et un mental meurtris car perdre un ou deux seins est une terrible épreuve. La poitrine est un attribut de la féminité, mais elle ne se résume pas à ça, c’est avant tout une partie du corps de la femme à qui il manque désormais un bout d’elle-même. 

L’artiste aux doigts de fée

C’est en ces termes flatteurs que ses clientes parlent d’elle. Florence Gillain, 29 ans, est la fondatrice de Dermo Repair. Elle est devenue une experte de la peau à la suite d’une reconversion professionnelle pour cause de burn-out. À cette époque, elle cherche des solutions à ses propres problèmes esthétiques et s’intéresse aux techniques pour faire disparaître les vergetures, les cicatrices et les rides profondes (services qu’elle propose toujours dans ses centres d’Uccle et de Namur). Tatouer des mamelons et des tétons en 3D ne faisait pas partie de ses talents, jusqu’à ce que … « Un jour, une femme ayant subi une mastectomie m’a approchée. Elle m’a dit qu’elle savait que j’étais une artiste et qu’elle avait confiance en moi, qu’elle voulait que je lui tatoue le sein en recréant son mamelon. »

Florence se lance alors dans un apprentissage auprès d’amis tatoueurs. Elle se spécialise dans la connaissance des tissus cutanés, apprend à tatouer sur une cicatrice, s’entraîne, s’entraîne encore sur des peaux synthétiques ou de cochon (la plus proche de la peau humaine) des mois durant et un jour, elle se sent prête, rappelle cette femme et se lance. « Tatouer sur une cicatrice demande une réelle expertise. La prise d’encre est plus difficile sur des tissus non sains. Ils n’ont pas la même capacité à se gorger d’encre, il faudra donc parfois plus de retouches pour un résultat final optimal. » Si Florence utilise le même matériel (machine, aiguilles) et le même protocole d’hygiène et de soin que les tatoueurs traditionnels, c’est sa connaissance pointue de la peau qui fait toute la différence. « Il faut tenir compte de l’épaisseur de la cicatrice qui parfois varie en l’espace de quelques centimètres carrés. Avant de tatouer un sein, j’ai besoin d’analyser la peau et, pendant la séance, je m’adapte aux spécificités qu’elle présente. Parfois, sur une même zone à tatouer, il peut y avoir de la peau saine, de la peau cicatrisée et de la peau issue d’une greffe. Il faut donc adapter l’aiguille au fur et à mesure du tatouage. C’est un travail extrêmement minutieux. Il faut être précise et absolument éviter de scarifier la zone », explique-t-elle. Une attention toute particulière est également apportée à l’encre utilisée. « Je n’utilise que des encres ultra-qualitatives, vegan, “cruelty free” et surtout qui ne risquent pas de flouter les images lors des futures IRM pour garantir un suivi de santé serein des clientes. » 

Des mamelons sur mesure

C’est l’avantage du tatouage : tout est réalisable ou presque. Cette technique fonctionne sur tous les types de peau et toutes les colorations sont possibles. « Avant la séance de tatouage, je réalise des tests de couleur pour obtenir la teinte exacte du téton restant. C’est important de prendre le temps de faire ces tests car une couleur peut légèrement virer en fonction des pigments utilisés et du mélange avec les protéines de la peau. » Et si les deux tétons sont à refaire, la cliente peut choisir la couleur, la grandeur et même la forme car oui, il est possible de choisir si le tatouage représentera des tétons au repos ou qui pointent. 

L’étape finale

Après la prise de contact, Florence organise un entretien qui peut, Covid oblige, se faire à distance et qui a pour but d’apprendre à connaître la cliente, son vécu, à comprendre à 100 % ce qu’elle recherche. « Je prends tout le temps nécessaire, c’est une démarche qui n’est pas évidente pour ces femmes, je les écoute, je réponds à toutes leurs questions, je fais les photos de l’avant, j’analyse les tissus et je leur explique l’étape suivante. »

Avant de procéder au tatouage, il faut attendre entre six mois et un an après la dernière opération et il faut l’accord du chirurgien esthétique. Le tatouage en 3D post-mastectomie, c’est la dernière étape du processus de reconstruction. Lors du deuxième rendez-vous, elles cherchent ensemble la couleur la plus adéquate et, enfin, vient l’étape du tatouage. Un acte indolore pour la plupart des clientes puisque les nerfs ont été endommagés. « Pour les plus stressées, je réalise préalablement un croquis qui leur permet d’avoir une idée de ce qu’elles vont avoir au final. » L’acte de tatouage dure entre 30 et 45 minutes par sein, pas plus, afin d’éviter de blesser la zone.« Émotionnellement parlant, ces séances sont intenses. On pleure quasi à chaque fois. Souvent, en arrivant, ces femmes ressentent un immense soulagement. Elles sont parfois stressées mais tellement heureuses d’être arrivées à cette étape. Enfin, c’est comme franchir la ligne d’arrivée d’une course de fond. Et au moment de la découverte du tatouage, il y a ce que j’appelle un “cri du silence”, rien ne se dit, juste les yeux qui se remplissent de larmes, certaines n’ont pas de mots. Avant la Covid, on se faisait souvent un câlin, c’était très fort. » Un troisième et dernier rendez-vous est consacré aux éventuelles retouches. L’un dans l’autre, le processus prend environ six mois. 

Le prix d’un nouveau départ

Le tatouage 3D d’un sein coûte 400 €, porte sur une aréole mammaire partielle ou totale et comprend les trois rendez-vous. Florence se bat pour une meilleure prise en charge de ses honoraires par les  mutuelles. Actuellement, seule la DKV rembourse ses services à hauteur de 50 %. D’autres mutuelles ou assurances complémentaires prennent en charge une partie de la prestation, mais c’est au cas par cas selon la région. Une situation incompréhensible quand on sait que la dermopigmentation dont les résultats sont moins satisfaisants est remboursée à hauteur de 70 % minimum en Belgique. Florence tatoue entre cinq et vingt femmes par mois et elles sont de plus en plus nombreuses à faire appel à ses services. Son talent est reconnu par un nombre croissant de médecins et de chirurgiens. Et Florence de conclure face à son succès : « J’aime veiller au confort de ces femmes, les aider, participer à leur bien-être, j’y pense tout le temps, je n’arrêterai jamais de leur venir en aide. » 

Témoignages

Valentine, 27 ans

Le cancer a été décelé en mars 2015, j’avais 22 ans. C’est en enlevant mon T-shirt pour aller dormir que j’ai senti pour la première fois une boule dans mon sein. Je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit : j’ai pleuré car je savais déjà. Le 17 août 2015, il a été décidé d’une ablation totale du sein suivie d’une reconstruction. Au réveil, j’essaie de cacher la déception d’avoir perdu un sein par le soulagement d’avoir quelque chose qui y ressemble. C’est mieux que rien, mais on est encore très loin du compte. Au bout de deux ans, je suis en rémission même si les étapes de la reconstruction se poursuivent avec plusieurs opérations de lipofilling (technique consistant en l’injection de sa propre graisse). Dès les premiers rendez-vous, le chirurgien esthétique me parle de la possibilité de faire une dermopigmentation mais, au bout de trois mois, la coloration s’est fortement atténuée, voire a complètement disparu. J’ai été très déçue du résultat car qu’on se le dise, le mamelon est comme la cerise sur le gâteau et sans ça, il est difficile de s’approprier le sein reconstruit. Suite à un reportage télé, mes parents me parlent de Florence et de sa technique. Je prends immédiatement rendez-vous. Je ne considère pas que ce tatouage sert à guérir mon corps, mais, pour mon esprit, c’est une certitude. Je l’ai d’abord fait pour moi, mais il est vrai que mon mari était très fier de ma démarche. Le résultat nous a bluffés. Le tatouage 3D change totalement la vision du sein reconstruit. Aujourd’hui, je vais bientôt pouvoir annoncer fièrement ma victoire face au cancer.

Vanessa, 37 ans

Il n’y a pas d’antécédents familiaux concernant le cancer du sein ou tout autre cancer. Je n’y ai jamais pensé jusqu’au jour où j’ai senti une petite boule sous mon aisselle. J’allais avoir 35 ans. Après les résultats de la mammographie et de l’échographie, j’ai été prise en charge par une équipe au CHU de Liège. Les visites chez la chirurgienne et l’oncologue se sont enchaînées. Mes résultats sont tombés début novembre et le 15 décembre, ils ont pratiqué la mastectomie. Dès le début, le chirurgien qui a mis en place la prothèse m’a parlé des possibilités qui faisaient partie de la reconstruction. Pour moi, il était évident qu’une fois toutes ces opérations terminées, le tatouage allait être fait, c’était l’étape ultime, celle qui mettrait un point final à cette maladie et qui allait me rendre cette part de féminité qui avait disparu. J’allais me retrouver, redevenir entière physiquement. Aujourd’hui, je me sens super bien, je peux me regarder dans le miroir, j’arrive même à oublier par quoi je suis passée. Ce tatouage m’a guérie à tous les niveaux.

Nadine, 59 ans

Tout débute en 2014. Je sens quelque chose de dur dans mon sein. Suite à beaucoup d’insistance de ma part, on me fait une mammographie, une écho et une biopsie. L’opération est programmée en mai. Une seconde suivra rapidement. Mon sein est un peu cabossé, mais il est là, presque indemne. En juin 2019, je constate un petit point rouge, comme une piqûre de moustique, juste au-dessus de l’aréole. Après examen, le verdict tombe, le cancer est revenu. En décembre, la mastectomie avec reconstruction immédiate par prothèse est programmée. Je suis effondrée. Les semaines de convalescence s’écoulent douloureusement, physiquement et moralement. À la maison, mon mari avait scotché des feuilles blanches sur le bas du miroir de la salle de bains car voir mon sein me faisait pleurer. Deuil de la symétrie, de la féminité, sensation d’un corps étranger, perte de sensibilité… Un jour, en voyant l’énorme croûte qui remplace mon aréole, je fais un malaise dans la salle de bains. Une femme ne se résume pas à ses seins mais se voir nue, s’accepter, vivre l’intimité, ces différentes étapes ne sont pas un cheminement lent et tranquille. Je ne voulais pas me plaindre car j’ai la chance d’être vivante et ces aspects esthétiques peuvent sembler dérisoires et pour autant, ils me hantaient. J’ai donc fait des recherches et découvert la possibilité du tatouage et j’ai eu un vrai coup de cœur pour Florence. La date approche et j’ai hâte. Je sais que le relief ne sera pas là et la sensibilité non plus, mais les techniques 3D semblent tellement prometteuses que j’espère pouvoir affronter mon miroir avec sérénité et fierté. Cette ultime étape doit me permettre non pas de redevenir comme avant, mais de me regarder en félicitant mon corps et mon âme d’avoir traversé cette épreuve. Mon tatouage sera mon petit symbole d’une expérience que je n’ai pas choisie mais que j’ai vécue avec toute la force du féminin sacré.

www.dermorepair.be – 0491.46.30.86

*statistiques disponibles sur kankerregister.org  *chiffres sur cancer.be

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