Pour les labos, les algues sont le nouveau Graal, en phase avec la nature. Récoltés, cultivés, répliqués, ces trésors sont aussi bons pour la santé de notre peau que pour notre équilibre alimentaire. Enquête dans un océan de ressources.

Les maisons de cosmétiques les glissent un peu partout sans en faire forcément la promotion. Les algues sont pourtant un ingrédient qui répond à toutes les demandes du moment : il est facile de s’en procurer auprès de producteurs locaux (le littoral breton est devenu le réservoir du monde entier), elles permettent d’augmenter le taux de naturalité d’une formule à moindres frais (un sésame quasi obligatoire aujourd’hui) et, surtout, les espèces sont tellement nombreuses que le potentiel semble infini. Gélifier une texture, adoucir sans apport pétrochimique, mais aussi raffermir les tissus, exfolier, hydrater, protéger, régénérer, reminéraliser… on peut tout faire ou presque avec les algues. D’où l’engouement des industriels, au-delà des marques de cosmétiques, voire une course au trésor vert.

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Selon les espèces, elles peuvent avoir une valeur nutritive intéressante, notamment pour les populations qui souffrent de carences alimentaires. Elles peuvent entrer également dans la composition de colles, gels et autres objets du quotidien. Ou remplacer la matière plastique. Et les biocarburants de la troisième génération y font largement appel. « L’agriculture reste aujourd’hui l’industrie la plus consommatrice, car certaines algues protègent les cultures de maladies, ce sont des phytostimulants. Comme elles sont compatibles avec les labels bio, elles sont plébiscitées », explique Chris Bower, directeur de recherche au CNRS et membre de la Fondation Tara Océan. De quoi s’inquiéter ? « Elles ne sont pas en danger », relativise le scientifique. « Mais, depuis une dizaine d’années, la demande est telle qu’une agriculture de masse est envisagée. Les espèces sauvages ne sont pas assez productives pour y répondre. On réfléchit donc à la façon de monter une filière pour cultiver les macroalgues [celles que l’on voit à l’oeil nu, NDLR], un peu comme on l’avait fait pour l’aquaculture des poissons. En Asie, cela existe depuis des décennies, mais ce n’est pas le cas en Occident. Il faut, par exemple, améliorer les souches et les sélectionner : c’est ce qui a été réalisé depuis des siècles dans l’agriculture terrestre. »

En cosmétique, les stratégies sont différentes selon les besoins. La Mer, l’une des premières marques à avoir fait des algues son ingrédient star, récolte de façon durable la Macrocystis pyrifera, présente dans tous ses produits, au large de la côte pacifique, car c’est là que sont réunies les conditions optimales pour obtenir la meilleure qualité. De son côté, Phytomer en cultive depuis vingt ans. « Nous avons peu recours aux algues sauvages », explique Romuald Vallée, directeur de la communication scientifique. « Et nous avons mis au point une charte très précise pour ne couper qu’une partie des plantes sans les abîmer. Lorsqu’elles sont très petites et mêlées à d’autres, on ne les ramasse pas, on préfère préserver la biodiversité. » L’entreprise en cultive certaines en mer et, comme beaucoup d’autres marques (dont l’innovante Algologie, par exemple), en laboratoire, car le procédé permet d’obtenir des actifs purs et inodores. « Nous utilisons les biotechnologies bleues pour faire grandir des microalgues en aquarium », précise Romuald Vallée. « Il suffit de prélever quelques grammes en mer pour en produire plusieurs tonnes. » Justement, ces microalgues sont le grand terrain de découverte du moment. 

Les algues en beauté

©Unsplash – Jernej Graj

Aujourd’hui, on parle même de microbiome marin, soit l’ensemble des micro-organismes qui composent l’eau de mer (une goutte contient un million d’êtres vivants – des microalgues donc, mais aussi des bactéries, des virus inoffensifs, du plancton…). Tous ces éléments créent des acides aminés, des vitamines, des minéraux et autres molécules indispensables à la vie. « Ce “peuple invisible” assure les mêmes fonctions que les plantes, soit la moitié de la photosynthèse de la planète. Il génère de la matière organique, notamment pour nourrir les poissons », rappelle Chris Bower. L’équilibre de ce microbiome est nécessaire à la santé des océans, un peu comme le microbiote intestinal influe sur le corps tout entier. Les recherches sur le sujet se développent depuis vingt ans à peine, car les méthodes utilisées pour l’étudier, comme le séquençage de l’ADN, sont très récentes. Mais on pense qu’il est la source des produits de demain. « On cherche à identifier des marqueurs lorsqu’il y a des déséquilibres. Cela permet toutes sortes d’applications. Les fameux tests PCR employés pour dépister la Covid-19 ont été créés grâce à une enzyme identifiée dans le microbiome marin », explique Chris Bower. Bref, si les algues sont encore difficiles à glamouriser (à notre grand regret), elles sont indispensables.

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Ce peuple invisible assure les mêmes fonctions que les plantes, soit la moitié de la photosynthèse de la planète

Des algues façon seconde peau

On ne connaît qu’une infime partie des espèces d’algues (leur nombre total varie selon les estimations de 30.000 à plusieurs millions !), mais c’est un domaine de recherche bouillonnant. Les entreprises et les laboratoires spécialisés, souvent bretons ou situés sur la côte basque ou en Scandinavie, en étudient des centaines, en sélectionnent certaines pour leurs propriétés et stockent toutes leurs données dans des « banques ». Les plantes utilisées, souvent soumises à des conditions extrêmes, ont développé des capacités de défense intéressantes. Le point sur quelques-uns de ces actifs :

Une bombe antioxydante. Les Laboratoires de Biarritz récoltent une algue endémique de la côte basque. « On ramasse celles qui sont échouées sur les plages », précise Agnès Castelli, responsable de la communication. « Depuis des millénaires, elles sont exposées à de forts courants marins, au vent et au soleil. Elles ont donc mis en place des stratégies pour neutraliser les radicaux libres. » La marque s’appuie sur deux molécules différentes, l’une antioxydante, l’autre réparatrice.

Un ferment exfoliant et ultra-doux. Exfolier en douceur, c’est possible. « Nous utilisons un ferment d’algue qui contient de l’acide lactique. Il permet de remplacer les acides de fruits et d’effectuer des peelings bien mieux tolérés par la peau », explique Isabelle Contini, directrice de la communication pour Thalgo.

Une alternative au rétinol. La marque Diadermine utilise, elle, une algue mêlée à de la criste-marine, qui pousse sur les rochers et est confrontée au vent. Cette forte résistance aux éléments en fait une alternative naturelle au rétinol en favorisant le renouvellement cellulaire. Résultat : une peau plus lisse.

Du wakamé anti-inflammatoire et cicatrisant. L’Alaria esculenta, une algue brune de la famille du wakamé, survit au froid extrême du Groenland et est capable de stocker des nutriments et de s’autocicatriser pour repousser jusqu’à 10 centimètres par jour. Biotherm l’emploie sur la peau pour réduire les inflammations provoquées par les UVB et réactiver le métabolisme des cellules. Un excellent anti-âge.

Une algue brune anti-odeurs. Constamment balayée par les courants marins, la Laminaria digitata, qui vit sous les rochers et n’émerge que lors des grandes marées, sécrète des oligosaccharides. Biotherm l’associe au zinc pour son pouvoir antibactérien, ce qui permet de cibler les bactéries responsables des odeurs. Idéal dans les déodorants.

Bientôt, des filtres solaires ? Cela n’est pas impensable. « De nombreux laboratoires et marques de cosmétiques s’intéressent de près aux phytoplanctons qui savent très bien se protéger du soleil », s’enthousiasme Chris Bower. Les experts sont unanimes : un jour, on trouvera probablement un végétal marin suffisamment protecteur pour faire office de filtre solaire.

algues en beauté

©Unsplash – Nariman Mesharrafa

À la pêche au collagène marin

Il est présent dans beaucoup de compléments alimentaires pour repulper la peau et lisser les ridules. En Europe, le collagène marin est majoritairement produit par les éleveurs de saumon. La chair est réservée à l’alimentation. La tête, les arêtes et la queue sont traditionnellement destinées à la nourriture pour les animaux. « Or, ce sont les parties les plus riches en nutriments », remarque James Berger, directeur de l’innovation chez Hofseth BioCare, une entreprise de compléments alimentaires basée en Norvège. « Et cela représente plus de 30 % de la masse du poisson. » Des chercheurs ont réussi à isoler le collagène au sein de ces parties, mais aussi du calcium et de l’huile, aux bénéfices nombreux pour la santé (et pas seulement pour la peau). La qualité des différents compléments alimentaires proposés sur le marché est due aux processus de fabrication, notamment à la méthode d’hydrolyse, qui influe sur la façon dont le corps absorbera les molécules utiles. On privilégie donc les suppléments qui bénéficient d’études prouvant leurs bénéfices : c’est le cas de ceux de Hofseth BioCare ou encore de D-Lab. On suit évidemment les doses recommandées et on les consomme avec des boissons froides afin de ne pas altérer les molécules.

Shopping : les meilleurs produits à base d’algues

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