Du haut de son 1,05 mètres, elle révolutionne le monde de la mode en militant pour plus d’inclusivité au sein de “l’industrie la plus exclusive du monde”. Qui est l’inspirante Sinéad Burke ?
Elle est l’aînée d’une famille de cinq enfants et la seule de sa fratrie à être atteinte d’achondroplasie (maladie constitutionnelle de l’os). À onze ans, on lui propose de subir une opération qui permettrait d’allonger la taille de ses jambes mais elle refuse. “J’ai réalisé que je voulais le faire uniquement pour les autres, pour mieux me fondre dans la masse et éviter de les mettre mal à l’aise”, confiait-elle à Tim Blanks pour The Business of Fashion (BoF). “Mais au final, faire sept centimètres de plus n’aurait rien changé. J’ai décidé que si les gens ne m’aimaient pas à cause de ma taille, c’était leur problème, pas le mien”.
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Un TED Talk vu plus de 1,4 millions de fois
Adolescente, elle rédige un blog dans lequel elle dénonce l’invisibilisation et l’exclusion des personnes de petite taille – elles sont 1,2 milliards à travers le monde – et atteintes de handicap dans l’industrie de la mode et du design. Sa vision et son audace font rapidement mouche. Mais c’est surtout après son TED Talk intitulé “Pourquoi le design devrait inclure tout le monde”, vu plus de 1,4 millions de fois, qu’elle gagnera en visibilité. En 10 minutes, elle parvient à partager son expérience quotidienne en tant que personne de petite taille dans un monde qui n’a pas été conçu pour elle. Elle raconte comment utiliser des toilettes publiques relève du véritable parcours du combattant, surtout quand on ne sait pas atteindre le loquet. Quant à espérer pouvoir trouver des chaussures powerful et féminines, ce sera plutôt sneakers à scratch trouvées péniblement au rayon enfants.
“Mon argent est le même que le vôtre, alors pourquoi suis-je obligée d’acheter des vêtements qui ne me vont pas ?”
Les créateurs la remarquent. Inspirés par son bagou qui passe par des punchlines du type “Mon argent est le même que le vôtre, alors pourquoi suis-je obligée d’acheter des vêtements qui ne me vont pas ?”, ils imaginent des pièces sur-mesure à cette Irlandaise de 31 ans passionnée de mode depuis toujours. Sinéad Burke porte désormais du Prada et du Dior, et devient – consécration ultime – la première personne de petite taille à faire la couverture de Vogue. Aujourd’hui, on la voit partout, que ce soit au défilé de Victoria Beckham, à la Fashion Week ou aux côtés d’Anna Wintour. Elle est également la première personne de petite taille à être conviée au MET Gala en 2019. Elle parade en robe en velours à noeuds signée Alessandro Michele, directeur artistique de Gucci.
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Habiller des corps différents
“Le trilliard de dollars que les personnes atteintes d’un handicap dépensent est une raison valable de vouloir les habiller. Mais il faut aussi les engager, les assoir autour de la table des sphères dirigeantes, leur poser des questions sur leur expérience”, explique-t-elle lors du cycle de conférences VOICES orchestré par BoF en 2017. Dans son podcast (As me), elle organise des entretiens avec différentes personnalités autour du thème de la différence. Son objectif ? Faire en sorte que les grands noms de la mode comme les nouvelles générations de designers apprennent à travailler avec des corps différents et que davantage de personnes handicapées apparaissent dans les défilés. Elle cite le mannequin Aaron Philip, 18 ans, première mannequin noire, transgenre et handicapée à avoir rejoint la prestigieuse agence de mannequinat, Elite.
“Par peur de dire ou de faire la mauvaise chose – les gens ne disent rien et ne font rien. L’apathie du monde a accru l’inaccessibilité des personnes handi.e.s.”
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“Ce n’est pas une excuse, mais notre compréhension du handicap a été cantonnée à un modèle médical, puis un modèle caritatif et maintenant, finalement, nous passons à un modèle basé sur les droits, comprenant l’importance de créer des espaces où les personnes handi.e.s ont droit à la dignité, l’éducation et une vie autonome. Je pense que ces changements dans notre compréhension du handicap ont laissé beaucoup de gens incertains de la langue ou du vocabulaire à utiliser ainsi que la manière d’interagir avec une personne handi.e.s. Donc, par peur de dire ou de faire la mauvaise chose – les gens ne disent rien et ne font rien. L’apathie du monde a accru l’inaccessibilité des personnes handi.e.s,” explique Sinéad Burke dans une interview pour Marie Claire.
Elle a récemment publié “Break The Mould”, un livre inspirant sur l’acceptation des différences dans lequel elle raconte son histoire et tente de faire comprendre aux enfants “qu’ils sont suffisants tels qu’ils sont” et pointer du doigt “la responsabilité que nous avons tous de faire du monde un endroit plus équitable et plus accessible”. Comme si cela ne suffisait pas, elle a créé Tilting the Lens, une boîte de consultance pour aider les entreprises à imaginer des solutions concrètes pour les personnes en situation de handicap et plus globalement pour un environnement plus équitable. On a rarement multiplié autant de casquettes…
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