Il est plus que temps de prendre en compte la diversité des visages, des couleurs de peau et à les mettre en valeur. Et ça passe aussi par la mise à jour des filtres de beauté sur les réseaux sociaux.
Quand Jennimai Nguyen, journaliste chez Mashable, a voulu tester le filtre TikTok Glow Look, elle s’attendait à être soufflée par sa propre beauté. À la place, quand elle a cliqué sur le filtre, elle a éclaté de rire devant le ridicule de son visage. C’est comme si elle avait laissé le champ libre à un mauvais chirurgien plastique : les yeux élargis et bleuis, les joues rosies et un nez très clairement aminci semblent totalement incongrus sur son visage portrait des traits d’origine vietnamienne.
Interloquée, elle a fait quelques recherches et a rapidement remarqué 2 tendances chez les personnes qui utilisaient le filtre Glow Look. Le premier groupe était composé de femmes à la peau blanche qui étaient, en effet, soufflées par leur propre beauté. Dans le deuxième groupe, des femmes racisées exprimaient leur déception face à un filtre aux résultats aléatoires. Certaines s’insurgeaient même de cette application qui semble ne prendre en considération que les traits des visages caucasiens.
Dans les commentaires des publications qui utilisent le filtre Glow Look, c’est toujours le même refrain : les personnes blanches sont charmées, et les autres se demandent pourquoi ils sont toujours laissés de côté par une société dont les critères de beautés sont exclusivement calqués sur ceux des peaux caucasiennes.
Himani Jadeja, une créatrice TikTok qui concentre son contenu sur la culture et le mode de vie des desis (terme désignant les personnes originaires d’Inde, du Bangladesh et du Pakistan) a exprimé son mécontentement face au manque d’inclusivité des filtres sur les réseaux sociaux. “C’est dangereux pour les personnes qui ne se conforment pas à ces standards de beauté,” explique-t-elle dans une vidéo postée sur son compte, “il y a d’autres ethnies et cultures qui ont leurs propres critères de beauté et nous ne correspondons apparemment pas à ces normes.”
Le filtre Glow Look a été utilisé sur plus de 3 millions de vidéos, mais le phénomène n’est pas propre à TikTok. Des filtres de beauté similaires existent aussi sur Snapchat et Instagram. Ils créent des produits basés sur des caractéristiques esthétiques principalement européennes, avec des yeux de couleur plus claire, des peaux plus blanches et des nez plus fins. Le problème, c’est que lorsqu’ils explosent en popularité, ce sont des populations entières qui ne peuvent pas participer à la tendance et qui se trouvent complexées par ce qu’elles sont et c’est inacceptable.
Un réel problème sociétal couplé à des lacunes dans le “deep learning”
Ce problème récurrent s’explique en partie par la technologie utilisée pour créer les filtres. L’apprentissage profond ou deep learning utilise une méthode d’entrainement intensif se basant sur une série de photographies qui vont servir à affiner les compétences des algorithme créant les filtres. Elle est très efficace… du moment que la base de donnée est assez variée. Si une intelligence artificielle n’est nourrie qu’avec des visages de femmes blanches, elle ne pourra pas apprendre à traiter des visages d’ethnicités différentes. Bien que contacté sur la façon dont l’entreprise développe ses filtres, TikTok ne s’est pas encore exprimé sur le sujet.
Si les filtres sont tapes-à-l’oeil et parfois impressionnants, leur présence constante peut être mentalement éprouvante, autant pour leurs utilisateurs que les audiences qui les suivent. L’impact sera différent selon les personnes et leur perception des standards de beauté mais il est clair que de tels filtres continuent de véhiculer l’idée qu’un idéal de beauté existe et qu’il faut tout faire pour s’en approcher. Hors, ces critères de beauté véhiculés par les filtres sont inaccessibles puisque de l’ordre de la réalité virtuelle. Certains filtres amincissent tellement le nez qu’il serait humainement impossible de respirer correctement avec un nez si fin et petit.
Si utiliser un filtre censé nous rendre “plus beaux” peut être dangereux pour l’image personnelle de son utilisateur, l’enjeu est plus grand encore pour les personnes racisées. Quand quelque chose créé pour nous embellir ne fonctionne pas sur nos visages, cela suggère qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans nos traits. Cela perpétue l’idée qu’il y a un idéal, et que celui là n’est acquis que lorsqu’on est une femme blanche.
En réalité, il ne s’agit pas ici d’un problème de caractéristiques du visage. Il s’agit d’un problème de standards sociaux et de conception des technologies de réalité augmentée. L’équipe derrière TikTok (ou Instagram ou Snapchat) a une responsabilité de les créer pour chacune de leurs audiences.
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