Et si on enregistrait un podcast en vidant tout ce qu’on a sur le coeur, tout l’amour que l’on ressent pour nos parents, nos amis, notre partenaire de vie, nos enfants, ou même certaines personnes avec lesquelles on aimerait se reconnecter ? “À coeur ouvert”, c’est le projet de Déborah, maman blogueuse de 36 ans, qui nous permet d’offrir notre voix pour toujours à ceux qu’on aime. Rencontre.
Déborah est mariée avec Dan, un mec super (ce sont bien ses mots), sans qui ce projet de podcast n’existerait pas. En effet, il s’occupe de tout le côté technique, à savoir la prise de son et le montage. Ensemble, ils ont donné naissance à un petit garçon de bientôt 6 ans, nommé Ezra. Journaliste depuis 18 ans, elle a toujours eu ça dans le sang : le goût de l’interview, la curiosité des autres. Mais elle a également de nombreux projets à son actif : un blog sur la maternité et ses voyages en famille “Sea You Son” (avec un compte Instagram et Facebook liés), le podcast “My Name is Mom” sur lequel elle interviewe des mamans qui parlent de leur parcours, de l’éducation, de leurs difficultés, et un livre paru l’été dernier et titré “Journal de bord d’une maternité décomplexée” (aux éditions La Boîte à Pandore). Rien que ça ! Mais pour cet article, nous sommes parties à la rencontre de cette femme passionnée pour en apprendre plus sur le podcast “À coeur ouvert”. Interview.
Le podcast “À coeur ouvert”, c’est quoi ?
C’est un podcast privé, à offrir ou à s’offrir. C’est donc un enregistrement personnel. Ce n’est pas un podcast destiné à se retrouver sur les plateformes d’écoute habituelles. J’invite les gens qui ont quelque chose à dire à quelqu’un à venir me voir. Je les interviewe sur la personne à laquelle ils destinent le podcast, sur leur relation… C’est un moment de pause dans cette vie toujours hyper chargée. C’est une conversation intime. Et un cadeau franchement inestimable pour celui qui le reçoit. La voix a un pouvoir dingue. Ça peut être une maman qui vient enregistrer un podcast à l’occasion de l’anniversaire de sa fille, par exemple. Elle lui dira combien elle l’aime, tout ce qu’elle lui souhaite, quelle maman elle imagine qu’elle sera un jour… Ça peut être une grand-mère qui raconte son histoire pour ses petits-enfants. Un homme qui veut célébrer son anniversaire de mariage en faisant une déclaration d’amour à sa moitié. Quelqu’un qui a un secret à révéler. Une personne malade qui veut que tout soit dit au cas où elle ne s’en sort pas. Des parents qui le font pour leur jeune enfant, dans l’idée qu’un jour il sache quels parents ils étaient quand il est né. Ou l’inverse : des enfants qui disent à leurs parents à quel point ils les aiment ! Moi, je suis là pour aider les gens à dire ce qu’ils ont toujours eu envie de dire sans savoir par où commencer. Tout le monde ne sait pas écrire mais tout le monde sait parler.
Finalement, “À cœur ouvert”, c’est un peu le message qu’on a reçu sur répondeur et qu’on garde précieusement pour avoir, pour toujours, la voix de celui ou celle qu’on aime dans les oreilles. C’est ça, mais en mieux !
Quel a été le déclic pour lancer un si joli projet ?
Je ne parle plus à ma mère. On a toujours eu des rapports compliqués et je n’ai jamais très bien su pourquoi on n’arrivait pas à s’entendre. Quand je suis devenue mère à mon tour, je me suis demandée comment on pouvait en arriver là : comment une mère peut en arriver à ne plus avoir envie de parler à l’enfant qu’elle a mis au monde ? Le lien avec mon fils me semble indestructible, du coup forcément, ça m’interroge. Je me suis dit que quand même, elle avait dû être heureuse de m’avoir, on a dû avoir des moments joyeux et complices quand j’étais petite. Je me suis dit que j’aurais bien aimé entendre ma mère se raconter à cette époque-là, lors de ma naissance. Quelle femme était-elle ? De quoi rêvait-elle ? Qu’est-ce qu’elle s’est dit quand elle m’a tenue dans ses bras pour la première fois ? Ca m’aurait sûrement appris des choses, j’aurais mieux compris.
En même temps, j’ai reçu plusieurs messages de jeunes mamans qui me disaient qu’elles adoreraient avoir leur propre épisode de My Name is Mom. Elles me disaient qu’elles trouveraient ça génial de raconter leur grossesse, leur accouchement, le tsunami d’émotions que la maternité a provoqué chez elles… et qu’un jour, leur enfant puisse écouter ça. Certaines me disaient qu’elles avaient envie de le faire parfois juste pour elles : pour ne rien oublier.
Je repensais aussi à ce carnet de la première année de mon fils que j’avais acheté dans l’idée de compiler les souvenirs de ma grossesse, de sa naissance… J’ai tout bien rempli au début, mais j’avoue que j’ai lâché l’affaire en cours de route. Après ses 6 mois, j’ai juste des photos sans texte. Je me suis dit que je complèterais ça plus tard. Finalement dans ces carnets, on nous demande le poids, la taille du bébé, des détails pratiques, des dates… Mais les sentiments transpercent assez peu à l’écrit. On est dans le pratique, pas vraiment dans l’émotion.
Et enfin, il y a eu la pandémie et un gros besoin de redonner du sens à mes activités. Je travaille dans la presse web, tout est urgent, on ne distingue plus vraiment la vraie info de l’anecdotique. On a été assaillis de mauvaises nouvelles et on était en prime séparés des gens. On a dû rentrer de notre expatriation en Californie. Ça faisait presque 3 ans qu’on y vivait. La pandémie a mis fin à notre vie là-bas. Le retour a été brutal. Bref, j’avais besoin de sens, de contact humain, de revenir à la base de mon métier que j’adore : les gens, l’interview. Depuis des années, j’interviewe des gens qui ont des choses à vendre, un produit à promouvoir. Avec “À cœur ouvert”, les gens me parlent d’eux.
Finalement, je me suis éloignée du côté « maman ». C’est parti de là mais en fait, tout le monde a quelque chose à dire. Je tends le micro à ceux qui ont envie, besoin de parler. Peu importe qu’ils soient parents ou non. Ce podcast, finalement, ce sont les gens qui l’inventent à chaque fois.
J’ai enregistré un podcast avec une femme qui souffrait d’un cancer. C’est un podcast qu’elle a adressé à sa fille unique. En partant, elle m’avait dit que c’était un concept incroyable, que je n’avais pas idée du cadeau que je venais de lui faire. Ça m’a confortée dans mon idée. Je voulais du sens.
Comment se passe une séance d’enregistrement ?
Les gens viennent soit chez moi, soit je me déplace chez eux. L’enregistrement en tant que tel prend une heure. Les gens préfèrent généralement que ça se fasse chez moi. Ils sont plus tranquilles, ils ne sont pas parasités par leur quotidien. J’ai une pièce dédiée exclusivement à l’enregistrement. On se prend un petit thé et on papote. L’idée est de rester le plus naturel possible, donc c’est vraiment une discussion. Moi je suis là pour donner le cadre, ne pas perdre le fil…
Que ressentez-vous à chaque enregistrement ? L’émotion n’est-elle pas trop envahissante ?
Je dis souvent aux gens qui me contactent que “À cœur ouvert”, c’est un beau moment pour celui qui enregistre, parce qu’on prend rarement le temps de parler de soi comme ça, sans être interrompu par quelqu’un qui va ramener la discussion à lui, qui va conseiller ou juger. C’est évidemment un beau moment pour celui ou celle qui va l’écouter. C’est original et touchant. Et c’est aussi un beau moment pour moi, qui sert de trait d’union entre les deux.
Je ne te cache pas que j’ai souvent des frissons ou les larmes aux yeux. C’est beau tout cet amour. Les gens osent dire je t’aime, c’est parfois compliqué pour eux. C’est toujours très chargé en émotion. J’ai enregistré un podcast avec une femme qui souffrait d’un cancer. C’est un podcast qu’elle a adressé à sa fille unique. Impossible de ne pas être touchée. Mes yeux étaient plein de larmes. Mais je pleure en silence. Je m’efface pendant le podcast. Cette femme incroyable est décédée très peu de temps après l’enregistrement. En partant, elle m’avait dit que c’était un concept incroyable, que je n’avais pas idée du cadeau que je venais de lui faire. Ça m’a confortée dans mon idée. Je voulais du sens. Ce jour-là, “À cœur ouvert” a pris tout son sens.
Qu’aimeriez-vous dire aux personnes réticentes à parler, qui gardent tout pour eux ?
Que je suis là pour les aider à parler. C’est mon travail : aller chercher l’info, creuser là où je sens qu’il y a quelque chose à dire de plus. Elles n’ont qu’à se laisser guider. Elles peuvent me faire confiance. Rien ne sort de cette pièce. Et elles peuvent offrir ce podcast “À coeur ouvert” quand elles se sentent prêtes, au moment où elles le désirent. Personne ne leur met la pression. C’est elles qui décident. Et honnêtement, la plupart des gens finissent l’enregistrement en me disant qu’ils sont soulagés. Dire les choses, ça fait du bien, ça soulage d’un poids.
Comment la parole peut-elle devenir libératrice pour soi, mais aussi pour les autres ?
Un homme est venu me voir parce qu’il voulait dire à sa compagne que malgré leurs difficultés, il voulait qu’elle sache à quel point leur histoire était importante pour lui. Il m’a dit, après, que ça lui faisait du bien de savoir que c’était dit et enregistré pour toujours. Une maman est venue me voir parce qu’elle a une histoire de maternité pas banale. Elle m’a dit qu’elle ne savait pas quand son enfant allait lui poser des questions mais qu’elle savait qu’elle serait hyper émotive et qu’elle n’aurait pas les bons mots. Et elle avait peur, à cause du temps qui passe, d’oublier des détails qui seraient peut-être importants pour lui. Elle a donc raconté son histoire, sans rien omettre. Elle sait que son enfant ne l’écoutera pas avant plusieurs années. Mais elle m’a dit en partant que s’il lui arrivait quelque chose, il aurait au moins ça : son histoire, racontée par sa mère. Elle se disait soulagée d’un grand poids. Parler, ça sert à ça : à être plus léger et plus libre. Et écouter l’autre, ça aide aussi : ça répond à certaines questions. Plus on a accès aux informations qui nous concernent, plus on se sent forts, solides dans la vie.
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