C’est l’histoire d’un parfum audacieux, déstabilisant, car surpuissant, presque extrême. Un jus inédit, rare et précieux qui attisera le nez des curieux. On vous dévoile quelques secrets de fabrication du Sauvage Elixir signé Dior.
Élixir : n.m. Boisson aux vertus magiques (Les Dictionnaires Le Robert). Si la nouvelle création imaginée par François Demachy, parfumeur-créateur Dior, ne se boit pas, elle recèle pourtant bien quelques pouvoirs, dont celui d’activer notre mémoire olfactive et de nous emmener, dès les premières notes, sur les hauteurs du Luberon, les yeux rivés sur l’horizon où s’étendent des champs de lavande à perte de vue. La lavande, fleur star et point de départ du nouveau Sauvage Elixir, nous étonne, nous déstabilise et nous intrigue puisqu’elle dévoile ici une autre facette, plus élégante, qu’on ne lui soupçonnait pas.
Sauvage Elixir : Une potion signature
Cette nouvelle variation de l’emblématique famille Sauvage n’en est pas vraiment une. Il s’agit plutôt d’une innovation, dotée d’une concentration inédite, encore jamais atteinte chez Dior Parfums. Véritable potion, François Demachy utilise pour la décrire le terme de « réduction », comme en cuisine, lorsqu’on laisse une sauce réduire au maximum pour y concentrer les saveurs. Pour créer Elixir, les notes essentielles de Sauvage ont été mises en exergue. Un challenge relevé avec brio par le maestro des odeurs. « L’exercice est totalement différent. Quand on crée une variation d’une fragrance comme une eau de toilette ou une eau de parfum, on ajoute des éléments. Pour Elixir, il ne fallait pas ajouter, mais bien retirer le superflu pour ne garder que l’essentiel. Je me suis amusé, petit à petit, à décortiquer la formule et à enlever tous les ingrédients que je n’estimais pas indispensables et je dois avouer que j’ai été surpris, car j’ai dû me méfier de mes propres a priori. Parfois, des produits qui ne me semblaient pas importants se révélaient essentiels, car c’étaient précisément eux qui donnaient le twist au jus final. Dans n’importe quelle odeur, il y a un côté esthétique et un autre plus physique, plus technique qui est la vitesse d’évaporation du produit. Il faut jouer sur les deux facettes pour réussir un parfum. Pour qu’une fois terminé, l’ensemble donne une évaporation continue. Pour y parvenir, j’ai donc ajouté de l’essence de lavande, j’ai simplifié des notes épicées, j’ai concentré des notes boisées. À chaque étape, des essais étaient faits pour s’assurer que ça fonctionnait toujours, que l’identité de Sauvage était toujours là. Au total, c’est près d’un an de travail pour mettre au point cette recette. Une formule, c’est un véritable équilibre, donc si on change quelque chose, c’est tout l’ensemble qui doit être ajusté. Finalement, enlever des ingrédients est plus difficile que d’en ajouter, mais j’ai trouvé l’exercice très intéressant. » Et le résultat l’est tout autant. Cette nouveauté ne ressemble à aucune autre sur le marché et si un fil rouge la lie aux autres parfums Sauvage, elle crée véritablement la surprise.
Le classicisme revisité
Le public visé est masculin et connaisseur de la franchise, mais ça c’est la théorie du marketing. « Je n’aime pas parler de règles d’application », annonce François Demachy. « En parfumerie, il n’y en a pas, chacun peut s’approprier un parfum comme il l’entend, mais c’est vrai que l’idée d’origine était de créer un booster, contenu dans un flacon plus petit et plus luxe, capable de venir relancer ou renforcer le parfum, l’eau de parfum ou l’eau de toilette Sauvage appliquée en journée. Elixir va venir pousser la déclinaison. C’est vraiment un produit intéressant, un produit différent. Maintenant, en pratique, il peut aussi tout à fait s’appliquer seul, et le côté féminin ou masculin d’un parfum, c’est finalement une question de marketing. »
Il est vrai que la lavande est depuis toujours un ingrédient classique de la parfumerie masculine. « Il y a une cinquantaine d’années, les seuls liquides parfumés admis pour les hommes étaient l’eau de Cologne et l’eau de lavande. Cette plante marque réellement le territoire masculin, mais elle a souvent aussi été associée au coté propre, au côté coiffeur et c’était d’ailleurs un peu galvaudé, car la plupart des notes de lavande proposées sur le marché sont en fait du lavandin, ce qui n’est pas la même chose. Je trouvais donc intéressant de remettre en avant la lavande vraie et surtout celle d’ici, qui a une note inimitable. »
Un ingrédient star
Au total, Elixir comptabilise un peu plus de 25 ingrédients. Parmi lesquels la lavande fait office de catalyseur. Pour donner un ordre d’idée, il faut environ 100 kilos de lavande pour obtenir 1 kilo d’essence de lavande et dans un flacon de Sauvage Elixir, il y a un peu plus d’un kilo de lavande.
La lavande utilisée est une lavande sur-mesure, fine et puissante, mais aussi vertueuse par ses qualités bio. Au coeur de la formule, on retrouve une essence de Lavande de Nyons AOP, un ingrédient unique, créée sur-mesure pour les Parfums Dior, puisqu’elle est le fruit d’un assemblage de plusieurs récoltes sélectionnées avec précision par François Demachy lui-même.
En effet, c’est avec Philippe Soguel, distillateur de la Drôme fidèle à la maison de luxe depuis plus de 15 ans, que le maître parfumeur sélectionne différentes récoltes en altitude de Lavandes Angustifolia (dites lavande vraie), toutes issues du terroir d’exception des Baronnies, massif des Préalpes provençales. « Toutes ces lavandes sentent la lavande, mais elles ont chacune des petites particularités, certaines sont plus puissantes, d’autre plus fines, c’est l’assemblage qui donne cette qualité. » Chaque année, ils composent donc ensemble « la » Lavande Dior favorisant de plus en plus majoritairement des récoltes issues de cultures bio. Fraîche, dotée d’une note « foin » un peu vanillée, elle est plus riche, plus florale et moins aromatique que ses cousines des plaines. Une lavande incroyable qui est un parfum à elle seule, qui laisse une trace et participe pleinement au sillage.
François x Johnny : Midnight in Paris
Pour la toute première fois, François Demachy et Johnny Depp se font face lors d’une rencontre très confidentielle, quelque part dans Paris et au beau milieu de la nuit… D’apparence, beaucoup de choses opposent les deux hommes : leur style vestimentaire tout d’abord, l’un plus classique en costume l’autre plus rock tout de cuir vêtu ; leur personnalité, l’un plutôt discret l’autre à l’aise face aux caméras ; leur travail puisque l’un est un artisan oeuvrant plutôt dans l’ombre tandis que l’autre s’illumine sur le devant de la scène. Pourtant, au fil des questions posées, des points communs émergent entre le parfumeur et la rock star et donnent lieu à une vidéo à la fois touchante et drôle.
« Initialement, la rencontre était prévue en début d’après-midi, mais Johnny Depp n’a pas pu se libérer à temps, il est arrivé vers 23 heures. Il s’est tout de suite excusé, il était quasiment gêné », explique le parfumeur. « J’ai trouvé que c’était quelqu’un de vraiment normal finalement, de très sympathique et facile d’accès, on s’est tout de suite mis à discuter et il a fallu nous arrêter pour débuter le tournage. Il a une certaine sensibilité, c’est un acteur, donc il est sensible à tous les stimuli. On a parlé parfum et musique bien sûr puisqu’il joue également dans un groupe de rock (les Hollywood Vampires). Il existe un véritable territoire créatif en commun entre ces deux univers. On emprunte beaucoup au vocabulaire musical en parfumerie ; on parle de notes, d’accords et donc on se comprend facilement. La parfumerie peut paraître un peu magique pour certaines personnes alors que fondamentalement, c’est du travail et de la rigueur, comme la musique au début. Il faut les bases et une fois qu’on les maîtrise, on s’amuse. Cette rencontre était un peu étrange, car il était presque admiratif de mon travail, mais pour moi, c’était un peu le monde à l’envers puisque c’est lui la star internationale ! C’était un beau moment. Et puis aussi, grâce à lui, j’ai découvert le Moscow Mule. Je ne connaissais pas, il m’a fait goûter et franchement c’est topissime (rires) ! »
Briser les codes
Qu’il s’agisse d’un parfum masculin ou féminin, le point départ est toujours le même : la présentation d’un projet par une marque, pour lequel le ou les parfumeurs proposent différentes directions. « On a beaucoup de libertés, mais il est vrai que pour un parfum féminin, on part très souvent sur quelque chose de floral alors que les masculins sont plutôt boisés et ce sont des tendances difficiles à renverser. On est un peu plus limité dans la création d’un masculin, pourtant il existe autant de possibilités d’accords dans chaque famille d’ingrédients, mais dès qu’on sort trop des sentiers battus, ça fonctionne moins bien et c’est un peu malheureux. Il y a eu des tentatives, des produits très intéressants qui ont vu le jour, mais qui n’ont pas pris auprès des consommateurs. Il faut aussi rappeler que les hommes sont moins familiers avec la parfumerie que les femmes puisque les parfums destinés aux messieurs n’existent que depuis 50 ou 60 ans. C’est encore relativement récent. » Et c’est vrai que beaucoup de clichés subsistent malgré une évolution des moeurs. Quand on pense parfum féminin, on pense packagings délicats, transparents ou rosés, ingrédients floraux, doux, poudrés alors qu’on imagine sans mal ce parfum de caractère adopté par des femmes fortes, modernes, un brin sauvages justement, défiant les codes et n’obéissant qu’à leurs envies. Des femmes parmi d’autres, tout simplement.
Pas une, mais des lavandes
Il existe trois grands types de lavande :
– La lavande fine, ou lavande vraie, qui pousse naturellement entre 800 et 1.400 mètres d’altitude. C’est un arbrisseau de 50 cm de hauteur environ, avec un seul épi floral par tige. Elle fournit une huile essentielle de grande qualité, avec un parfum plus floral et subtil que le lavandin, mais est plus chère.
– La lavande aspic est présente en basse altitude et est plus grande avec des feuilles plus larges, elle possède aussi plusieurs épis par tige.
– Enfin, le lavandin est en réalité un croisement entre les deux espèces précédentes. Il pousse entre 200 et 800 mètres d’altitude et ses épis sont très fournis. C’est l’espèce la plus courante, environ 80 % des surfaces cultivées. Il est plus productif et moins cher. Il dégage un parfum plus fort, mais plus camphré. Il est couramment utilisé dans l’industrie pour les produits d’entretien, d’hygiène et de beauté.
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