Chez Refoodgees, restaurant éphémère installé au cœur de Bruxelles, ce n’est pas qu’une histoire de nourriture. Les traditions et cultures des cuisiniers s’entremêlent pour composer un savoureux mélange, tant dans l’assiette que dans les conversations. Alors on prend place à table, et on déguste. Rencontre.
L’idée d’un restaurant humain et solidaire employant des réfugiés germait dans la tête d’Arthur Fogel depuis plusieurs années déjà. Après 13 ans d’expérience dans le secteur de l’horeca, les différents confinements lui auront permis de mieux penser son nouveau projet et de se lancer. En réaction à toutes les discriminations à l’emploi que peuvent subir les personnes réfugiées, l’objectif premier du restaurant était de permettre à des personnes formées d’être engagées pour leur juste valeur. Arthur évoque un chef réfugié qui, une fois engagé, était à la plonge du restaurant: “Ce n’est pas normal“. Le 16 décembre 2021, Refoodgees voit finalement le jour grâce à l’incubateur horeca Kokotte mis en place par hub.brussels, qui permet de tester son concept pour une période de 4 mois en mettant sa salle et tout le matériel de cuisine à disposition.
Abdulrahman Aljassem et Margot Evrard, les cuisiniers derrière Refoodgees
Pour son restaurant, Arthur a engagé 2 cuisiniers. Abdulrahman, arrivé en Belgique il y a 5 ans, est un cuisinier syrien et passionné de cuisine du monde. Après avoir exercé ses talents dans un restaurant en Egypte, il a travaillé dans plusieurs établissements bruxellois, et a aussi participé 2 fois au Refugee food festival. Arthur raconte: “Ce n’est pas parce que ce sont des réfugiés que les choses se passent différemment, donc je lui ai fait passer un entretien d’embauche. Lors de cet entretien, il a voulu me parler d’une certaine recette, et je l’ai vu commencer à défiler des dizaines d’images de plats sur son téléphone pour trouver celui dont il voulait me parler. À ce moment-là je me suis dit qu’on tenait quelque chose“. Margot est, quant à elle, cheffe de cuisine française, et a aussi en partie grandi au Maroc. Cela fait maintenant 10 ans qu’elle travaille en Belgique. “C’est mon bras droit“, confie Arthur. “Elle est très curieuse et cherche toujours plein de nouvelles idées de recettes“.
Des partages de traditions et une cuisine innovante
Le trio semble plutôt bien fonctionner. Les menus, au nombre de 2, changent chaque mois et sont toujours pensés en équipe. Arthur voulait que chacun ait une identité propre. Le menu traditionnel est fait pour que les chefs puissent y partager leurs traditions. “Le but de celui-là, c’est de mélanger des bouts de vie, comme des recettes de notre enfance, par exemple“. Quant au menu contemporain, ils le pensent entièrement à 3, en y mêlant inspirations personnelles et cuisine du monde. Au-delà de la nourriture, ce sont surtout les échanges entre eux qui forgent l’identité du restaurant. En partant de recettes traditionnelles, Arthur, Abdulrahman et Margot arrivent à imaginer des plats tout à fait inédits, notamment en les cuisinant avec des produits de chez nous et de saison. Arthur veille en effet à ce que leur cuisine soit la plus locale possible. Les recettes traditionnelles qui nécessitent des ingrédients plus spécifiques sont donc souvent réinventées, et les mélanges de saveurs n’en sont que meilleurs. Pour insister sur l’importance de ces échanges entre les chefs, les noms des menus vont d’ailleurs bientôt changer. Ils deviendront “nos histoires (à chacun)” pour le menu traditionnel et “notre futur (ensemble)” pour le menu contemporain. Refoodgees propose aussi 2 plats permanents sur sa carte, qui sont aussi disponibles à emporter.
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Un projet plein de sens
Au-delà du fait d’engager des cuisiniers réfugiés, Refoodgees se veut être un tremplin pour toutes ces personnes compétentes et pourtant mises à rude épreuve dans la recherche d’un emploi. Arthur insiste beaucoup sur cette volonté: “Si en travaillant ici les cuisiniers réfugiés peuvent être repérés pour travailler ailleurs, je ne demande pas mieux tant que Refoodgees n’en pâtit pas !“. L’idéal selon lui serait de développer davantage Refoodgees pour pouvoir valoriser les compétences d’autres cuisiniers réfugiés: “Si c’est possible un jour, pourquoi pas engager plus de personnes“. Le restaurant n’en étant qu’à ses débuts, il se limite pour l’instant à 2 cuisiniers, mais ne perd pas de vue l’objectif de mettre en lumière autant de talents culinaires que possible. Arthur compte d’ailleurs organiser des évènements dans son restaurant pour faire connaitre de manière plus ponctuelle d’autres chefs. Le soir du 11 février 2022 aura lieu le premier de ces évènements, avec comme invitée la cheffe brésilienne Clara Freitas. Plus d’informations suivront très bientôt sur les réseaux de Refoodgees.
Bien plus qu’un restaurant, Arthur Fogel veut aussi faire de son établissement un réel lieu d’échange entre les personnes et leurs cultures. Quand on lui demande si ces échanges sont aussi nombreux avec les clients qu’entre les chefs, il répond en rigolant: “Quand on a le temps d’échanger avec eux, oui!“. Le restaurant est en effet rarement vide, et a même déjà quelques clients habitués. “Ce que je craignais le plus, c’était de voir trop grand et de devoir jeter de la nourriture. Mais ça n’est jamais arrivé“. Avec la cuisine du monde proposée, Arthur veut contribuer à perpétuer toutes ces recettes familiales et traditionnelles en dehors de leurs frontières, mais aussi rendre à cette cuisine sa juste valeur, alors qu’elle est encore souvent vue comme peu présentable et raffinée.
Quel avenir pour Refoodgees ?
Arthur Fogel et son équipe ont l’ambition de faire de Refoodgees un restaurant permanent. Toujours dans la volonté d’en faire un lieu d’échange humain et solidaire, Arthur aimerait que l’établissement serve de relais d’information. Informer sur le vécu des réfugiés ou demandeurs d’asile, mais aussi et surtout sur les associations qui existent pour leur venir en aide et sur les moyens d’action possibles en tant que particulier. Dans la même optique, Refoodgees propose déjà la bière 100PAP, dont les bénéfices permettent de soutenir le droit au logement des personnes sans-papiers. L’aventure Refoodgees semble donc bien partie pour durer. Ses projets, allant bien au-delà d’un simple partage culinaire, font en tout cas plus que jamais sens. Affaire à suivre.
Refoodgees restera ouvert dans le pop-up Kokotte jusqu’au 9 avril 2022.
Où ? Rue des Bouchers, 30 – 1000 Bruxelles
Quand ? Du mardi au samedi, de 18h à 23h
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