Architecte d’intérieur de formation, Charlotte Beaude a lancé sa marque de sacs à main et accessoires en cuir haut de gamme en ligne fin 2020. Un an plus tard, sa première boutique ouvrait sur rendez-vous à Ixelles. On lui a rendu visite.
En franchissant la porte de la boutique ixelloise au 34, Rue de la Réforme, ce ne sont pas que les créations de Charlotte Beaude que nous découvrons, c’est son univers tout entier. Rien dans ce design épuré n’est laissé au hasard. Car avant de décider en 2018 de se lancer dans la mode, Charlotte Beaude travaillait déjà dans un studio d’architecture qu’elle n’a d’ailleurs pas abandonné pour autant, ses deux activités sont complémentaires. Les influences architecturales de la jeune créatrice se ressentent immédiatement. Du parquet au plafond, tout ici est blanc crème. Une imposante table dessinée par ses soins se dresse au milieu de la pièce. Les créations y sont délicatement posées et forment un tout harmonieux. Avec la marque qui porte son nom, Charlotte Beaude veut faire revivre le luxe et le glamour d’antan en proposant des pièces assumées, à une époque où, dit-elle, on ne prend plus souvent le temps de réellement s’apprêter.
Comment est venu votre intérêt pour la mode ?
Des sacs, j’en fais depuis que je suis toute petite avec ma maman. Au début c’était un jeu. Puis durant mes études en architecture et design de produit, j’ai appris énormément sur la 3D, les détails. J’ai été dans un bureau d’architecture haut de gamme pendant deux ans. J’ai eu l’occasion d’y travailler des matières incroyables et j’ai beaucoup appris. Après deux ans j’ai senti que j’aspirais à autre chose, ce projet bouillonnait en moi. J’avais envie de mettre en application tout ce que j’avais appris dans mes propres productions.
Toutes ces connaissances en architecture et design de produit vous ont aidée pour imaginer votre marque et vos créations ?
J’avais certaines compétences en 3D, mais je partais quand même de zéro. Il a fallu dessiner les modèles, trouver l’identité de la marque, ensuite trouver mes fournisseurs de cuir et les usines… C’était beaucoup de travail. Il faut se débrouiller, frapper aux portes, se faire recaler puis recaler encore, jusqu’à l’aboutissement. Ca m’a pris deux ans de développer ma marque. Mais c’est certain que j’utilise encore tout ce que j’ai appris durant mes études. Même pour les plans. Quand je réfléchis à un sac, je le pense de la même manière qu’une cuisine: il faut que ça soit pratique, ergonomique. Le côté esthétique arrive seulement après: quelle couleur, quelles finitions, … Tout dans mon univers se complète assez bien finalement.
J’ai toujours aimé décortiquer, voir comment un sac était monté et s’il était pratique
Quelles ont été vos principales inspirations pour votre marque ?
Ma plus claire inspiration est la mode de l’époque de mes grands-mères ou même de ma maman. Il y avait un côté plus chic et insouciant. C’était aussi plus recherché et davantage dans la finesse. Mes sacs sont pour la plupart rigides sans l’être. Il y a des courbes, de la rondeur. Je ne voulais pas quelque chose de trop dur mais plutôt quelque chose d’assumé. Mes autres inspirations varient. Je me nourris beaucoup de la nature pour les couleurs de mes créations notamment. Si j’aime les couleurs d’un endroit, je prends mes nuanciers Pantone pour trouver les teintes qui correspondent. C’est intéressant à faire et ça peut être surprenant.
Je pense qu’il faut juste savoir regarder autour de soi, et se nourrir un petit peu de son époque. J’ai envie de proposer des créations qui soient intemporelles, avec une jolie base qui pourra être portée longtemps, mais avec tout de même un petit coup de punch propre à nos années actuelles. Des pièces qui ne sont pas trop rigides et coincées, mais qui durent quand même dans le temps.
Les femmes de votre famille vous donnent-elles leur avis sur vos créations ?
Ma maman a toujours été là. Elle a été un bon soutien et un bon regard d’une autre génération. Nous n’avions pas du tout la même vision des choses. Je porte un sac d’une manière, elle le porte d’une autre. C’était intéressant de confronter nos idées et de les faire évoluer. C’est clairement mon moteur. Depuis que je suis toute petite, on prend n’importe quoi, un jean, un tissu, un ruban, … On a toujours fait plein de choses et beaucoup chipoté. Ma grand-mère faisait de la couture et s’intéressait à la mode. Ma maman peint et j’ai une grand-mère qui était artiste peintre aussi. À l’époque, les codes étaient différents, mais le côté créatif est là depuis toujours. Je suis dans une famille qui met en avant la féminité.
Faire revivre la mode d’antan, c’est aussi une façon d’aller à l’encontre de la mode telle qu’elle est aujourd’hui. Que lui reprochez-vous ?
J’ai l’impression que notre génération ne s’habille plus. Je me souviens qu’au temps de mes premières sorties, on se faisait recaler à l’entrée des boites si on portait des baskets. Alors qu’aujourd’hui, on ne fait plus trop d’efforts. Si tu veux mettre du rouge à lèvres, on va te faire une réflexion : “Oh tu portes ça en pleine journée !“. Tout le monde a toujours peur d’en faire trop et je trouve ça dommage. Quand j’étais en stage à New York pendant mes études, j’ai vu que là-bas on pouvait être n’importe qui, mettre des lunettes de soleil en prenant le métro le matin ou porter du rouge à lèvres, tout le monde s’en fiche. Tout ce qui importe, c’est ce dont toi tu as envie.
Aujourd’hui, on a trop vite peur d’être stigmatisé, de rentrer dans le schéma de la femme trop sexy, trop ceci, trop cela. Mais si tu as envie de t’apprêter et de te sentir jolie avec une robe et des talons, fais-le.
J’avais envie d’amener une marque qui revendique que l’on peut être chic et moderne sans avoir peur du regard des autres. Pour moi, tous les styles peuvent se l’approprier. Il y a des sacs avec un côté parfois plus rock et assumé, d’autres plus classiques selon les couleurs. Le but c’est de casser les codes. J’essaie aussi d’aller vers des choses qu’on va pouvoir garder, en pensant par exemple des couleurs qui ne sont pas à la mode juste le temps d’une saison. C’est la même chose pour les foulards. Ca habille une tenue, on sait faire tellement de choses avec un joli foulard en soie. C’est quelque chose qu’on garde toute une vie.
Cette volonté d’apporter des pièces intemporelles, c’est aussi en réaction à la fast fashion ?
J’avais envie de rester cohérente par rapport aux mentalités dans lesquelles le monde évolue. On revient doucement à une volonté de consommer moins mais mieux. Offrir un sac à 400€ alors qu’il a été fait hors Europe, ce n’était pas moi. J’avais la volonté de revenir à une production plus locale. Mes cuirs viennent de France et mes foulards d’Italie. Je voulais mettre en avant ces savoir-faire qui connaissent eux aussi une rude concurrence. C’est un parti-pris, c’est sûr que la qualité n’est pas la même pour un sac à 500€, mais on sera quand même toujours tenté d’aller dans les grandes enseignes de fast fashion. C’est une manière de consommer qui n’est pas encore encrée chez tout le monde.
Vos sacs portent des noms faits de chiffres. Il y a le 12.14, le 18.22, … À quoi cela correspond-il ?
Ce sont les heures de la journée. Mon point de départ était de me dire que je dessinais des sacs qui offraient une réponse au besoin de chaque moment de la journée. Chaque fois que je pense un sac, ce côté pratique est très important. Encore une fois, c’est très lié à tout ce que j’ai appris en architecture et design de produit. Le 18.22 est par exemple pensé pour une soirée d’afterwork. Il possède une chaine amovible pour pouvoir également être porté comme une pochette, sans pour autant avoir l’impression qu’il manque quelque chose au modèle.
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Le 12.14 a quant à lui été le tout premier de la collection. Il a été pensé en mode business lunch. Sa particularité, c’est qu’il a une double poche et peut donc se porter des deux côtés. Il y a le côté avec le logo assez voyant, ou alors on peut le retourner pour un style plus sobre. Le fait d’avoir deux poches permet aussi d’avoir un côté plus caché à l’intérieur du sac, pour y ranger des choses plus discrètement.
Votre showroom, ouvert depuis début décembre 2021, est accessible uniquement sur rendez-vous. Vous avez l’ambition d’en faire une boutique permanente ?
Dans le futur, oui. Pour l’instant, c’est un entre-deux à mi-chemin entre le magasin et l’e-shop qui me permet de travailler une nouvelle collection en parallèle, mais de quand même être en contact avec les clients. J’ai clairement vu une différence dans l’affluence de clientèle depuis que j’ai le showroom, encore plus durant la période des fêtes de fin d’année. Je suis dans un endroit de passage, et les clients aiment toucher et pouvoir essayer, c’est ça qui fait la différence. C’est un espace un peu cocon de rencontre avec eux. C’est agréable de pouvoir offrir un vrai moment d’échange privilégié avec une cliente.
Pour conclure, si vous deviez décrire votre marque en quelques mots, que diriez-vous ?
Féminité, finesse, intemporalité. Le tout assumé.
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Les premières pièces de prêt-à-porter devraient faire leur entrée cet été chez Charlotte Beaude. Dans le futur, la jeune créatrice a l’ambition d’ouvrir une boutique dans le centre de Bruxelles, à Anvers et à Paris. Pour l’instant, son showroom installé à Ixelles est accessible uniquement sur rendez-vous.
Où ? Rue de la Réforme 34, 1050 Ixelles
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