Mannequin, égérie, femme engagée… Lena Simonne partage son temps entre Bruxelles (là où elle vit avec son mari, l’artiste Roméo Elvis), Milan, Dubaï et Paris… Cette après-midi-là, elle avait un peu de temps. On en a profité pour la découvrir au-delà des étiquettes et de sa jolie plastique.

C’est à 18 ans que Lena se fait remarquer par son futur agent, et intègre l’agence New Wave Management. Après deux années de haut et de bas, elle rencontre Virgil Abloh et devient le visage de la collection activewear pour femmes d’Off White. Six ans plus tard, elle est partout, enchaînant les campagnes (Louis Vuitton, Etam…) et les couvertures de magazines. C’est perchée sur des sandales en cuir verni rouge qu’on la retrouve à Bruxelles lors de l’ouverture de la première boutique de chaussures Free Lance en Belgique. Douce et discrète, cette jeune fille timide suivie par 320 k followers est aussi une femme engagée contre l’exclusion des sans-abri et pour l’aide aux réfugié·e·s. Ensemble, nous avons parlé de féminisme, de réseaux sociaux et d’engagement. 

« C’est marrant, tout le monde croit que je suis belge (rires) ! Alors que je suis 100 % française. Même si c’est vrai que depuis cinq ans (depuis qu’elle est en couple avec Roméo Elvis, NDLR), je passe beaucoup de temps en Belgique. Petit à petit, je me suis construit mon petit réseau ici. J’essaye d’être à Bruxelles le plus souvent possible. Je reviens surtout le week-end, car la semaine, je bosse à Paris. Quand je suis ici, c’est comme si la pression baissait d’un cran… C’est un refuge pour moi comme quand je passe du temps chez mes parents dans le sud-ouest de la France… »

Le syndrome de l’imposteur

Lena Simonne (un nom de scène, Simonne étant son deuxième prénom) vient d’un milieu modeste, très impliqué dans le social. Quand elle était enfant, sa mère travaillait à l’usine puis comme aide-soignante pour les personnes âgées alors que son père s’occupait de personnes handicapées. « En 2016, je faisais des études de photo quand le mannequinat m’est tombé dessus un peu par hasard… Même si je ne me suis pas sentie à ma place tout de suite – j’ai eu pendant longtemps et encore parfois aujourd’hui le syndrome de l’imposteur –, j’ai vite compris que c’était une chance de vivre une telle expérience. Ce job me donne l’opportunité de gagner confortablement ma vie, de rencontrer plein de gens intéressants et de découvrir le monde. J’ai parfois un peu de mal à raconter à mes parents le montant de certains de mes cachets parce que je sais à quel point ils ont travaillé dur toute leur vie pour gagner parfois un peu plus que le SMIC…

Après, le métier de mannequin est le seul métier où la femme est mieux payée que l’homme. Pour une fois que c’est dans ce sens-là, ça vaut la peine de le faire remarquer ! Beaucoup de gens pensent qu’être mannequin c’est facile. La vérité c’est que, comme dans tous les métiers, il y a de bons aspects comme des mauvais. Par contre, c’est compliqué de se plaindre quand on est dans la lumière et qu’on gagne bien sa vie en faisant des photos pour des marques prestigieuses… En réalité, c’est très intense. Avant le premier confinement, j’ai été plusieurs fois à la limite du burn-out à force d’enchaîner les shootings aux quatre coins du monde. Je prenais parfois sept avions par semaine. Ça n’avait aucun sens à part celui de gagner plus d’argent !

Quand on est une mannequin à la mode, on travaille souvent au finish, parfois plus de 12 heures d’affilée. Sur les shootings ou défilés, il faut être tout le temps au top. Plaire à chaque rendez-vous. Se montrer souriante et plaisante en toutes circonstances. Travailler avec des gens parfois bienveillants, parfois pas. Après, l’idée n’est pas du tout de me plaindre, car je mesure la chance que j’ai, mais il ne faut pas oublier que rien n’est jamais tout rose.

Le challenge pour éviter de se perdre ? C’est de garder les pieds sur terre et la tête sur les épaules. Mon entourage m’aide beaucoup dans ce sens. Mes amis me connaissent depuis toujours et on ne parle que très rarement de ce que je fais. Mes parents ne m’ont pas élevée dans le culte de l’apparence. Ils ne m’ont jamais dit : “Tu es trop belle ou tu es la plus belle.” Pour eux, le physique n’avait pas d’importance. Après, j’avoue que se voir sur de grandes affiches à l’aéroport, dans les magazines ou sur le bord de la route, ça fait parfois vraiment bizarre… Heureusement, je n’ai pas une grande confiance en moi donc je trouve souvent que les photos de moi ne sont pas ouf. C’est peut-être une force finalement de douter… Ça permet de se remettre en question, de ne pas croire tout ce qu’on vous dit. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir refuser les contrats que je ne veux pas ou plus faire. Ce qui n’a pas toujours été le cas. J’ai maintenant un agent derrière lequel je me cache et qui dit non à ma place. Du coup, je passe moins pour une connasse (rires). C’est très important de pouvoir choisir ses contrats, mais pour beaucoup de filles qui commencent dans le métier, ce n’est pas toujours possible… Elles ont peur que si elles n’acceptent pas telle ou telle proposition, elles soient définitivement rayées du circuit. »

Notoriété engagée

« Pour sortir de cet ego trip et des pensées superficielles qui les accompagnent, j’ai eu très vite besoin de mettre à profit ma notoriété pour servir de bonnes causes. J’ai la chance d’avoir une grosse communauté qui me suit et je me sers de cette visibilité pour prendre des initiatives qui me tiennent à cœur. J’ai commencé par donner la parole (via les réseaux sociaux) à l’association Réseau Entourage qui s’occupe de la réinsertion des SDF. Grâce à une application, tu peux localiser les gens dans le besoin près de chez toi et les aider en leur donnant des vivres ou en leur consacrant un peu de ton temps… Quand tu es un peu connu, s’engager n’est pas quelque chose de facile. On ne peut pas faire ça n’importe comment. Cette première action m’a donné envie d’aller plus loin dans mon engagement. Du coup, on a créé avec une amie le collectif nommé Elka et à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes il y a trois ans, on a organisé notre première collecte de produits d’hygiène pour les femmes sans-abri. Ça a été un carton. C’était fou ! Non seulement on a collecté des tonnes de produits, mais on a pu voir à quel point l’initiative a donné du bonheur à ces femmes dans le besoin. Certain·e·s peuvent y voir une tentative de récupération – comme beaucoup de marques le font avec le greenwashing par exemple –, mais il ne s’agit pas ici de me donner bonne conscience, mais plutôt de donner un vrai sens à l’étiquette d’influenceuse qu’on me colle souvent et que j’ai mise longtemps à assumer. En me servant de ma notoriété autrement que pour servir mes intérêts, je mets en avant des associations qui le méritent vraiment. Après, il y a de plus en plus de gens dans le milieu de la mode qui font la même chose. Certains de manière hypocrite – pour redorer leur image –, mais pour beaucoup, c’est un véritable besoin et un juste retour des choses. » 

Hors norme

« Je remarque qu’il y a pas mal de changements dans le milieu de la mode ces derniers temps. Sur le choix des mannequins par exemple… Même si l’inclusivité et la diversité cachent encore trop souvent de l’opportunisme et que les marques suivent des modes plus que des convictions. Il ne faut pas être naïf, ça reste du business, mais les choses évoluent petit à petit et dans le bon sens. Il est temps de voir sur les catwalks plus de corps qui représentent la “vraie vie”.

Pendant le confinement, j’ai pris un peu de poids et je me préfère comme ça, n’en déplaise au diktat de la maigreur. Ce qui me révolte le plus ? Le sexisme. Même si quand j’entends les histoires de ma mère ou de ma grande sœur, j’ai l’impression que les choses évoluent, on est encore loin du compte… Quand j’ai rencontré mon mari, je suis devenue instantanément la femme de… Roméo Elvis. Les articles me concernant ne parlaient quasiment que de lui et on me qualifiait toujours d’influenceuse alors que j’avais une carrière de mannequin pour laquelle je me battais depuis plus de deux ans. Mon nom était automatiquement associé au sien. Je n’existais qu’à travers lui. Aujourd’hui, j’ai l’impression que je me suis un peu libérée de ça. D’être enfin considérée pour ce que je suis. Ça a été un vrai parcours du combattant pour y arriver.

Après il n’y a pas que le patriarcat qui met des bâtons dans les roues de la carrière d’une femme… Dans le mannequinat, la sororité n’est pas non plus quelque chose d’évident, que du contraire ! J’ai eu des expériences avec des filles qui m’ont mise plus bas que terre. Les femmes – surtout dans un milieu où elles sont mises en compétition – peuvent être très cruelles entre elles. Alors qu’on serait bien plus fortes si on se serrait les coudes. » Et quand on lui parle d’écologie, Lena Simonne coupe court : « Je ne me sens pas légitime pour parler de ça. En tant que mannequin, je fais la promotion d’une des industries les plus polluantes. Ce serait vraiment hypocrite de donner des leçons à ce sujet. Après, j’ai des convictions. Mais ça, je les garde pour moi… »

Jardin secret

« Garder certaines choses pour elle, c’est aussi quelque chose qu’elle a dû apprendre… « Avant, sur les réseaux sociaux, je partageais mon quotidien avec tout le monde. Maintenant, je me protège beaucoup plus, car je sais qu’Instagram peut rendre quelqu’un populaire et la minute d’après le détruire. Je ne partage plus ma vie privée ou mes idées sur certains sujets sensibles. Ce que je partage est moins instinctif. Même si j’ai parfois envie de faire des coups de gueule et de donner mon avis, je me dis que ça ne sert à rien. Le débat se tient en famille ou entre amis, dans la sphère privée, et c’est très bien comme ça. Je ne regarde pas forcément ce qui se dit sur moi sur les réseaux non plus. Avec la notoriété, on s’expose d’office aux critiques et aux jugements. C’est parfois très difficile à vivre, mais avec le temps on apprend à gérer.

Ce qui compte, c’est de garder le cap sur ce qui est vraiment important, de ne pas se laisser influencer par les commentaires haineux de personnes qui ne connaissent rien de vous. On se protège comme on peut, on se met une armure et on avance. Plus tard, j’aimerais ouvrir une résidence d’artistes multidisciplinaires. Organiser des ateliers et des workshops dans une jolie maison de campagne, peut-être à la montagne… Le seul hic c’est que Roméo aime trop la Belgique pour envisager de s’installer ailleurs (rires). »

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