Alors que les prix – et la valeur – des sacs à main iconiques de certaines marques de luxe augmentent régulièrement chaque année, ces accessoires statutaires représentent de plus en plus des placements dignes de la bourse. En cuir et siglée, évidemment. 

On connaissait le marché de la cotation des montres de collection, mais jusqu’à peu, on n’imaginait pas qu’une forme de spéculation pouvait s’appliquer également aux sacs griffés. L’une des raisons de cette flambée du désir (et des prix) ? Le ralentissement de la production et la rareté des matières premières pendant les confinements. Le reste, c’est aussi vieux – mais pas vintage – que la loi de l’offre et de la demande. « Après la Covid, les marques de luxe ont continué à augmenter leurs prix (à l’instar du grand modèle du 2.55 de Chanel, qui serait passé d’environ 5.000 à 10.000 euros entre 2016 et 2022, tandis que le Speedy 30 de Louis Vuitton grimpait de 950 euros à 1.500 euros pendant la même période, selon une étude de Business Of Fashion) et parallèlement, la demande a grimpé.

Les sacs sont devenus des objets de placement tandis qu’avec le crash de plusieurs cryptomonnaies, les gens ont commencé à se méfier du Bitcoin, pour investir dans ce qui leur semblait être des valeurs plus sûres », constate Alexandra Stueck, cofondatrice de Saclàb, un site de vente de sacs de luxe de seconde main. Mais toutes les marques de luxe ne signent pas des best (re)sellers : les plus recherchés sont issus des maisons Hermès et Chanel. Globalement, selon le site Vestiaire Collective, au cours des six derniers mois, les reventes de sacs en bon et moyen état ont augmenté de 13 % au niveau mondial, et leur prix a monté de 12 % en moyenne. Prêt·e·s à trouver un trésor au pied de l’étagère ? Avis d’expert·e·s pour trier le vrai du faux au fond de nos sacs à main.

Peut-on parler de spéculation ?

À découvrir les chiffres de la plateforme américaine de coupons en ligne WeThrift, on pourrait porter la question en bandoulière. Selon une étude publiée par le site à propos de la revente de sacs de luxe, la valeur du 2.55 de Chanel peut être doublée de la boutique au marché de seconde main s’il est très bien entretenu, mais le plus rentable à avoir dans son armoire serait le 1991 Mini Kelly d’Hermès qui se revendrait plus de 5 fois son prix d’achat.

De son côté, Alexandra Stueck raconte qu’en 2019, « Hermès a introduit le modèle Birkin Faubourg, qui reproduit l’architecture de la façade de la boutique. Un sac absolument exquis, très particulier, qui se vendait alors entre 22.000 et 33.000 euros en boutique selon la couleur et la version. L’un d’eux, un snow Faubourg est arrivé 3 ans plus tard sur notre site, en parfait état, sans doute jamais déballé, et s’est vendu à 265.000 euros. Je ne vois rien en termes d’investissement qui prenne autant de valeur en si peu de temps ». En 5 ans d’existence de Saclàb, la jeune entrepreneuse a vu évoluer la cotation des modèles classiques d’Hermès avec des prix de revente qui pouvaient croître de 30 % en une année : « En interne, on se demandait pourquoi on ne s’en était pas acheté des dizaines (rires) ! » Nous voilà averti·e·s.

Un second marché de luxe en explosion

Après avoir développé le département Fashion Arts chez Artcurial, maison internationale de ventes aux enchères précurseur dans ce type de transactions, Pénélope Blankaert est devenue curatrice et consultante indépendante en second marché mode et accessoires. Elle nous éclaire sur le phénomène d’un « marché gris », celui de client·e·s qui achètent des sacs neufs dans l’objectif de les revendre. « Puisque certaines grandes maisons de luxe ont établi des quotas qui limitent le nombre de pièces que l’on peut acheter, un système a émergé où des acheteurs·euses sont mandatés pour le compte de client·e·s à l’étranger. Ils touchent une commission au passage, puis c’est le véritable destinataire qui se charge de les revendre. » Logiquement, les prix de la  seconde main augmentent parallèlement à ceux des boutiques, parfois plus si le modèle est rare.

« Un sac Chanel bien entretenu se revendra bien, surtout si c’est un modèle ultra-médiatisé, comme le Timeless. Par exemple, chez Louis Vuitton, les designs de Virgil Abloh, produits en séries limitées, tout comme les collaborations avec des artistes sont rentables aussi. Mais le plus souvent, si on ne perd pas d’argent, on n’en gagne pas beaucoup non plus. Dans la plupart des cas, les sacs, même de marques de luxe, perdent en quelques mois au moins 60 % de leur valeur. » Les modèles qu’on lui confie le plus souvent pour des ventes aux enchères sont signés Bottega Veneta, Prada ou Céline.

Les codes à respecter ? D’abord, la reconnaissabilité. « Chez Chanel, pour espérer faire un certain profit, il faut que les fermoirs soient composés du double C, et que le cuir soit matelassé. Le 2.55, le 19 et les modèles de défilés, les pièces exclusives comme le porte-bouteille en chaînes emblématiques, produits en petites quantités, ont beaucoup de succès. Plus c’est iconique, plus la cote est haute. » Même constat du côté d’Alexandra Stueck de Saclàb : « Le plus grand succès sur notre site est le Classic Flap avec le fermoir “Chanel” et sa célèbre chaîne. En 2019, on le vendait en moyenne 5.500 euros, aujourd’hui, il est passé à 8.300 euros. »

Et chez les Belges ? 

Très cotée en Asie et chère au cœur – et au bras – des Belges, la Maison Delvaux rencontrerait en France moins de succès au niveau du marché de seconde main. En Belgique en revanche, elle constitue l’une des références fortes de la société Labellov, fondée en 2012. D’abord boutique en ligne uniquement, l’enseigne a développé trois boutiques physiques à Bruxelles, Anvers et Knokke, « parce que les client·e·s, surtout en Belgique, ont envie de voir les produits en vrai, de pouvoir les essayer et les toucher ». Elien Migalski, directrice générale, explique que si les marques les plus revendues avec succès sont Hermès – sans surprise – Louis Vuitton, Chanel et Delvaux, avec cette dernière, Labellov a instauré un partenariat : « Les client·e·s peuvent rapporter leurs sacs en boutique, où nous proposons de les leur reprendre, tandis qu’ils achètent un modèle neuf. » Ici, les modèles les plus demandés sont le Brillant et le Tempête : « En Belgique, les client·e·s les demandent surtout dans des couleurs sobres. Un Brillant noir, selon le cuir, la taille et l’état du sac, se revend entre 2.000 et 4.000 euros. »

Elien détermine la sociologie des habitués du site : « Des client·e·s qui achètent puis remettent plus tard leurs modèles en vente, dans une réelle démarche circulaire. Mais chaque sac à son histoire, et beaucoup de gens ignorent ce qu’ils ont dans leurs armoires. » En cas de doute, les expert·e·s de l’équipe d’Elien se déplacent à domicile pour une évaluation, se chargent de l’authentification, puis des détails de la vente. 

 

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Les modèles à garder à l’œil

Sur le site Vestiaire Collective, le top 5 des marques de sacs les plus recherchées en 2022 étaient Louis Vuitton, Gucci, Dior, Prada et Hermès. Selon ses expert·e·s, quand il s’agit d’investir dans un sac de seconde main, « mieux vaut choisir un modèle intemporel ». Pénélope Blanckaert conseille de son côté d’opter pour une matière qui vieillit bien : « Le cuir box s’abîme plus vite que le grainé, comme le togo ou le taurillon. Les cuirs exotiques sont souvent plus fragiles et, bien sûr, les couleurs claires sont susceptibles de marquer plus vite. »

Selon les statistiques du site WeThrift, le sac qui promet de décoller cette année serait The Everyday Shoulder Bag signé The Row, « qui a enregistré une très forte augmentation du volume de recherche de 9.900 % au cours des douze derniers mois ».

Et le plaisir, est-il devenu accessoire ? Alexandra Stueck tempère : « Si nous sommes parfois consultés pour des conseils de placement durable, nos client·e·s veulent surtout s’offrir des sacs parce qu’ils les aiment. » Notre attachement à ces objets symboliques qui recèlent les essentiels de notre quotidien n’a pas de prix.

Du moins, jusqu’à la prochaine cote.

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