Elle est le reflet des évolutions de la société, et la cantonner à des tendances saisonnières serait passer à côté de la grande histoire des effets de miroir. Pour comprendre les mouvements du monde, jetons un œil aux dessous d’été de la mode. 

Le formel réinventé

On l’a dit, répété et constaté, les tailleurs et les costumes-cravates d’avant la Covid ont pris un vent pendant le confinement. Mais le formalisme n’a pas disparu : il s’est adapté aux nouveaux modes d’interactions – et on ne parle même pas là des vidéoconférences la chemise boutonnée jusqu’au menton en haut, pyjama et Charentaises en bas. Les codes du « sérieux » ont évolué, on ne voit plus comme inapproprié d’arriver en rendez-vous en veste souple et pantalon confortable. En revanche pour les « occasions spéciales », on sort le grand jeu. Les locations de pièces spectaculaires sont en augmentation – ce qui évite de se ruiner pour une pièce qu’on ne portera qu’une ou deux fois, et dix ans plus tard si on rentre encore dedans – et le marché des vêtements de cérémonie serait en augmentation de 40 %. C’est la danse de la couture avec la nonchalance, autre forme de mixité des expressions de l’époque. 

Les matières à réfléchir

Dentelle, tulle et crochet, cet été on harmonise mouvements du corps et textiles. Plus qu’un phénomène de tendance, on soulève ici le voile sur la philosophie qui s’exprime sous toutes ces transparences. L’époque invite déjà à se montrer, à se mettre en scène. Parallèlement, tandis que pas mal d’interactions ont continué à se faire par écrans interposés même une fois les confinements levés, la peau cultive ses contacts – même si uniquement visuels – de plus en plus recherchés. On sent l’air à travers la matière, chaque geste s’en retrouve sensualisé. Avec un côté hippie pour le crochet, luxueux pour la guipure, théâtrale pour le tulle, les p’tits trous donnent à voir toutes les subtilités du toucher. Dans un contexte où l’on filtre tout ce que l’on montre, la dentelle, c’est rebelle. 

Photo d'un défilé Fendi.

Fendi ©Imaxtree

La fluidité

On en parle beaucoup depuis quelques saisons, même si la perméabilité des armoires, dandies en kimonos de soie et séductrices libérées en smokings, ça ne date pas vraiment du dernier printemps. Mais aujourd’hui, plus qu’une tendance ou un moyen d’exprimer sa différence, la transversalité des collections est devenue une réalité. Selon l’étude sur l’état de la mode publiée par Business Of Fashion, en 2022, au moins un·e consommateur·trice issu de la génération Z sur deux a acheté des vêtements « hors de son identité de genre ». Ne vous posez plus la question : si ça vous plaît, si ça vous parle, portez-le. Les lignes bougent et dans les tiroirs de la sociologie, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’habits. 

Photo d'un défilé Botter.

Botter ©Imaxtree

L’éco-quasi-obligation

Entre les bonnes intentions et se donner bonne conscience, il n’y a parfois qu’une question de nuances. Les greenwashers qui lavent plus gris que vert doivent se tenir sur leurs gardes : les consommateurs sont à la fois de plus en plus renseignés, et plus vigilants. Ce qui semble respectueux de l’environnement au premier abord cache parfois des travers cachés dans ses revers tâchés : des mélanges de matières pas toujours recyclables, des boutons, tirettes et rivets qui survivront (très) longtemps aux tissus auxquels on les avait attachés, des collections qui jouent sur l’up-cycling, mais parfois à un prix énergétique qui craque aux coutures. Le meilleur moyen de limiter son impact ? Shopper moins, mais mieux.  Craquer pour des tonnes d’inutilités et se dédouaner moralement en revendant sur une appli n’ouvre pas les portes magiques de l’écoresponsabilité. Autant on est ce qu’on mange, on est aussi ce qu’on achète (pas). 

La rationalisation vestimentaire 

Évitons de sauter aux conclusions à l’emporte-pièce (de cachemire) : ne plus rien s’offrir, ce serait quand même dommage, comme se taire pour économiser les phrases. Mais on sait que les mots les plus touchants sont aussi les mieux choisis. La génération Z qui revendique à juste titre la préservation de cette planète dont elle va bientôt hériter du bail à long terme est par ailleurs la plus grosse acheteuse pendant les Black Fridays. Clearpay, l’un des leaders mondiaux du paiement en ligne, a révélé via une étude menée par l’institut OpinionWay que plus de 90 % des 15-25 ans profitent de ces ultra-soldes, pour un montant moyen de 95€ alloués aux vêtements.  Même si on est un vieux millénial quasi croulant, on peut donner l’exemple (puisqu’on ne donne déjà plus le change) et inspirer : si on a envie d’un nouveau manteau comme si notre vie en dépendait, on laisse reposer quelques jours. Si on en a encore envie et qu’il est toujours là, c’est qu’on était destinés.

Photo d'un défilé Rabbih Kayrouz.

Rabbih Kayrouz ©Imaxtree

 

« Re-métavers à l’endroit »

Il existe des valeurs impalpables qui n’en sont pas moins réelles, à défaut d’être sensuelles. Les paiements dématérialisés, les rencontres en ligne, ce genre de choses qui se font du bout du doigt mais qu’on ne tient plus à pleines mains. Il serait donc temps d’en finir avec les « je n’y comprends rien » et de demander « à quoi ça sert ». Parce que c’est déjà là. La mode virtuelle, ça n’est pas que des NFT’s pour habiller des avatars (arrêtons-nous un instant pour imaginer nos (arrières)- grands-mères qui reprisaient leurs bas collants prenant la conversation au vol). Ce sont des millions d’e-shops, des options d’achats via les réseaux sociaux, souvent du marketing intuitif qu’il ne faudrait pas confondre avec de l’information, et parfois, c’est même la grâce de la création digitalisée. Pas pressé.e d’investir dans un pull numérique à payer en cryptomonnaie ? C’est compréhensible, surtout quand on préfère l’écologique lyocell aux pixels. Physique ou virtuel, il n’y a pas de monde idéal ? De mode parfaite non plus. Le futur est bien de rester connecté, à soi. 

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