Mardi soir à Londres, AEG – marque de laves-linges devenue productrice de documentaire – présentait THE NEXT BLACK, un docu sur l’avenir des textiles. Edifiant comme un film d’auteur, excitant comme un blockbuster.
Entre 2000 et 2010, la consommation de textile dans le monde a augmenté de 47% (j’en suis en partie responsable, vous aussi, avouez).
En Angleterre, une femme porte en moyenne un vêtement 4 fois, avant de l’oublier au fond d’un placard ou de s’en débarrasser.
50% de l’impact écologique d’un vêtements intervient au cours de son entretien (lavage, pressing…) Donc, l’autre moitié, c’est la production.
La consommation actuelle de textiles, dont la plus grande partie est vestimentaire, n’est plus viable pour l’avenir. AEG, dont les piliers de développement sont depuis longtemps l’innovation et le développement durable (ils appellent ça “l’innovation durable”), a lancé via la réalisation d’un documentaire de 45 minutes une grande réflexion sur le futur des matières premières nécessaires à la fabrication des vêtements, et sur l’impact écologique de leur entretien. Basiquement, rien ne sert de passer des années à faire de la recherche sur le meilleur usage des machines à laver, si on met n’importe quoi dedans. On est d’accord qu’on ne vous parle pas du stylisme.
Une consommation de mode durable, c’est arrêter d’acheter n’importe quoi n’importe quand dans n’importe quelles quantités (30% des vêtements sur lesquelles on craque comme sur un hamburger dans le mass market restent dans le sac en plastique ou gardent leur étiquette dans nos placards). Mais c’est aussi les faire durer plus longtemps. Le rapport entre le double cheese et votre chemise ? Les nouvelles technologies de production des textiles sont un enjeu aussi fondamental que la réflexion sur l’alimentation mondiale. On est ce qu’on mange, on est ce qu’on porte, et le monde continue de tourner comme le tambour d’une machine à laver.
Dans THE NEXT BLACK, diverses entreprises, comme Adidas ou Patagonia font part de leurs recherches en développement de textiles durables et intelligents. Les tissus antibactériens, ce genre de choses. Patagonia a lancé une campagne du pub pour leurs collections : “Vous n’avez pas besoin de cette veste ? Ne l’achetez pas”. Votre pull est troué ? Reprisez-le”. (On imagine le bazar dans les enseignes de fast fashion que vous connaissez bien). Des chercheurs interviennent, dévoilant des textiles de science-fiction. De fioles de labo, on fait sortir des matières vivantes. Qui sont déjà sur le dos de Lady Gaga, pas d’allumés écolos.
A la projection du film à Berlin, des profs d’écoles de mode ont décidé d’introduire des cours portant sur les conditions de productions pour leurs étudiants, jusqu’ici uniquement instruits sur le stylisme (ce qui est déjà bien, quand on voit parfois ce qui se balade dans la rue, mais ce n’est pas le point.) De nombreuses marques collent encore trop vite des étiquettes “lavage à sec” sur certaines pièces par méconnaissance des procédés de lavage et pour se couvrir juridiquement. AEG explique au passage qu’ils sortiront en septembre des séchoirs inoffensifs pour la soie, la laine, les matières ultra techniques qu’on n’ose sécher qu’à plat, avec des systèmes de balanciers de tambour que même à la Nasa, ils n’ont pas.
Après la projection, passionnante, je ne sais pas si j’ai été claire là-dessus, Stefan Siegel, fondateur de Not Just A Label, une association internationale de jeunes créateurs (15.000, ce n’est pas exactement un club confidentiel), dont la définition est “incubateur”, et les objectifs “découvrir et soutenir les pionniers de la mode contemporaine”, animait la séance de questions/réponses à laquelle assistaient tous les intervenants du film. On apprenait qu’on lave encore trop nos vêtements, trop chaud, avec trop de lessive. Qu’il reste à fournir une part d’éducation énorme. Que les jeunes créateurs n’ont pas la queue d’une idée d’où trouver ces nouvelles matières, ni si elles sont financièrement accessibles. Que des chercheurs planchent sur un cuir écologique, sans matière animale, quasi au point.
Prenez 45 minutes, c’est la moitié du temps qu’il vous faut pour faire du shopping sur l’heure de table. Regardez le film. Vous découvrirez comment des machines de labo sont en train de transformer la façon dont vous vous habillerez dans le futur. Vous entendrez des chiffres qui font froid dans le dos alors que les vêtements sont supposés réchauffer. Et vous verrez des matières que vous voudrez porter, là, tout de suite, parce que les fringues de l’avenir, elles seront intelligentes. On n’a plus qu’à l’être aussi.
Pour que le “Future of Clothing” ne soit pas le “Future of Closing”.
http://youtu.be/2Bxlz3hWa58