Elle court, elle court, la maladie d’amour…. Et si on parlait plutôt de limérence. Ce terme inconnu au bataillon décrirait nos sentiments amoureux lorsqu’ils virent à l’obsession. On ne parle évidemment pas du scrolling ininterrompu sur l’Instagram de votre crush, ni du flot de pensées incessant qui vous assaille lorsque vous pensez avoir trouvé le bon ou la bonne. La limérence, c’est un peu plus extrême, et surtout beaucoup plus compliqué que ça.

La limérence, c’est quoi ?

“C’est une souffrance”, affirme d’emblée Sıra Carrillo, psychologue et psychothérapeute au CentrEmergences Etterbeek. Il s’agit d’un état de désir tellement intense qu’il provoque des pensées obsessionnelles, intrusives et compulsives. Des comportements inadéquats sont le plus souvent impliqués, ainsi qu’un puissant désir de réciprocité. C’est la psychologue américaine, Dorothy Teniv, qui invente le terme la première en 1979. Aujourd’hui, la limérence n’est inscrite dans aucun manuel de diagnostic, le terme n’est d’ailleurs pas très utilisé au niveau scientifique, ce qui ne veut pas dire qu’il ne témoigne pas d’un état existant.

Une idylle fantasmée

Difficile dès lors de savoir quel pan de la population est touché par ce trouble, d’ailleurs fortement influencé par les composantes culturelles et sociales. Mais il resterait globalement minoritaire. Ce que l’on sait en revanche, c’est que la personne limérente va transformer des personnes existantes ou imaginaires en véritables objets de fantasmes. Il peut s’agir de quelqu’un qu’elle n’a jamais connu, comme un.e collègue croisé.e dans un couloir ou d’une star vue à la télé. Le ou la limérent.e est non seulement convaincu.e d’entretenir une relation émotionnelle forte avec cette personne, mais voit dans le moindre signe – un regard, un geste, un silence -, un élément encourageant son idylle fantasmée. Bien que tout cela se passe uniquement dans sa tête.

Peut-on dès lors éprouver de la limérence vis-à-vis de son partenaire de tous les jours ? “Je pense que cet état s’adapte davantage à un stade primaire de la relation”, affirme Sıra Carrillo. “On voit surtout cet état apparaît au début, rarement après”. La plupart du temps, cette obsession expédie rapidement toute potentielle relation aux oubliettes. “Néanmoins, si la personne en face se montre sécurisante et impose un cadre dans lequel le ou la limérent.e se sent bien, les comportements inadéquats ou obsessionnels peuvent s’apaiser”, ajoute la psychologue et psychothérapeute.

D’où ça vient ?

“La personne souffre en général d’une grande insécurité relationnelle et affective. Il y a une réelle fragilité au niveau de l’attachement”, explique celle-ci. “Souvent, nos problèmes relationnels sont le reflet de nos premiers moments d’attachement avec les adultes, que ce soient nos parents ou leurs substituts. Ce sont des moments primordiaux où vont naître les bases de nos liens amoureux, affectifs et amicaux. Si des fragilités naissent dès le départ dans ce domaine, telles qu’un trauma ou une négligence, il est possible que cela crée ensuite une vulnérabilité relationnelle à l’adolescence et à l’âge adulte.”

Quelle différence avec l’amour ?

Dans l’amour, on parle de sentiments et de construction d’une relation qui va en principe provoquer du bonheur, et non une souffrance obsessionnelle. Bien que cette réalité est difficile à croire aujourd’hui. Après tout, la grande majorité de la littérature et du cinéma nous ont inculqué l’idée que l’amour s’apparentait davantage à un état mélancolique et obsessionnel, plutôt qu’à un long fleuve tranquille. “On peut évidemment se montrer ponctuellement obsessionnel ou intrusif en amour, surtout au début, mais il s’agit d’un comportement ponctuel, cela n’impacte pas durablement le quotidien”.

Comment en sortir ?

“La seule solution est de faire un travail sur soi pour arriver à travailler son lien à l’autre, son lien à soi-même, son estime de soi, et se sentir in fine mieux dans sa peau”, explique Sıra Carrillo. “Si l’on est en revanche face à un trouble obsessionnel compulsif (TOC) ou une personnalité borderline, il faudra un travail plus approfondi, car le problème est plus ancré. Mais si cette limérence est ponctuelle et se répète dans certains types de relations, le mieux reste de travailler l’estime de soi”.

Passer directement par la case “psy” n’est pas nécessaire pour autant. D’autres espaces sécurisants existent au sein desquels il est possible de discuter librement et sans jugement, comme un cercle de paroles ou des ateliers thérapeutiques, chaque personne doit trouver le langage qui lui correspond.

Comment aimer sainement ?

D’ailleurs, au-delà des limérents obsessionnels et autres Delulugirl de TikTok, comment approcher l’amour de façon saine sans entrer forcément dans tous ses états ? “Il s’agit d’abord de questionner toutes ces croyances qu’on nous a apprises”. Cette romantisation de l’amour impossible et de l’amour qui fait souffrir ne date pas d’hier. Elle date de la Renaissance où, déjà, on l’approchait dans les poèmes d’amour grecs. La pop culture n’en est que l’héritage lointain, il n’a rien inventé ou presque. “On pourrait imaginer des films un peu plus ennuyeux à Hollywood, mais qui nous foutent enfin la paix”, s’amuse Sira.

 

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L’autre n’est ni votre prince charmant, ni votre princesse. Aucune raison de l’idéaliser ni de projeter vos propres fantasmes et attentes en lui ou en elle. À la place, on travaille sur soi – tâche longue et ardue certes -, on apprend à s’aimer soi-même et surtout à aimer l’autre dans la bienveillance, en allant au-delà de l’image que l’on s’en est fait. “Les relations sociales sont des choses que l’on apprend et désapprend sans cesse, nous sommes en progression continue. Ce n’est pas parce que la souffrance nous tenaille aujourd’hui que cette sensation va perdurer, on évolue et on change perpétuellement”. Rassurant, non ?

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