Fondatrice du compte Insta Gang Du Clito et du Petit Guide de la Foufoune Sexuelle (entre autres), Julia Pietri a entamé un véritable travail de fond de vulgarisation de la sexualité et, surtout, une réappropriation féministe et engagée de son discours. On l’a rencontrée pour en savoir plus sur la genèse de ce compte Instagram et de tout ce qui en a découlé.
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Julia, peux-tu nous raconter ton parcours ?
Je possède une expérience pratique solide, sans être titulaire d’un diplôme spécifique. J’ai toujours été une entrepreneure, gravitant autour de projets liés à l’art, aux femmes, et au féminisme, de manière progressive. Mon engagement a évolué au fil de mon militantisme. Initialement, j’étais active dans le secteur associatif, mais après avoir consacré beaucoup de temps en tant que bénévole, je me suis rendu compte qu’il était nécessaire que les choses changent, car il est essentiel de gagner sa vie.
J’ai donc décidé de continuer à œuvrer dans le domaine du féminisme, car pour moi, il s’agit de questions cruciales telles que l’émancipation des femmes et l’égalité des sexes, entre autres. Mon ambition était de créer une maison d’édition et, de manière plus générale, une communauté féministe inclusive, que j’aime appeler la “pop féminine”. L’idée était de rendre les grandes théories universitaires plus accessibles et d’ouvrir des portes pour permettre aux femmes et aux hommes de s’impliquer dans cette communauté du féminisme, en comprenant que cela les concerne également.
C’est ainsi qu’est né “Le Gang du Clito”, une marque engagée, vivante et colorée. J’organise divers événements, publie des livres et développe d’autres produits éducatifs afin d’atteindre les gens dans leur vie quotidienne et de leur expliquer que l’adoption des principes féministes peut métamorphoser leur vie, que ce soit au sein de la famille, du couple, au travail, dans leur routine quotidienne, dans la rue, et bien plus encore.
Le Gang du Clito a un angle aussi sexuel. Comment en es-tu venue à l’idée de parler de cette problématique-là en particulier? Pourquoi est-ce important, dans le féminisme, d’aborder la sexualité?
Pour moi, il était évident qu’il fallait aborder la question de la sexualité, tout simplement parce que nous discutions de l’égalité des sexes. Lorsque nous évoquons l’égalité des sexes de cette manière, nous plongeons inévitablement dans des questions politiques, car il est indéniable que la sexualité est devenue un enjeu politique aujourd’hui. Lorsque nous analysons de plus près ces théories, nous constatons que l’inégalité, présente dans les médias et au sein de la société entre hommes et femmes, découle en grande partie de cette différence biologique fondamentale : le simple fait que nous ne partageons pas le même sexe.
Il était essentiel de partir de cette base pour aborder un aspect crucial de cette discussion : la sexualité, en mettant davantage l’accent sur la santé sexuelle. Pour moi, la sexualité et le corps sont deux concepts distincts, car le corps revêt de multiples fonctions, bien au-delà de la sexualité. Il sert à penser, chanter, sauter, courir, manger, respirer, et bien plus encore. Le réduire uniquement à sa dimension sexuelle, c’est céder à la vision patriarcale qui sexualise excessivement notre corps dans la société actuelle. Cette vision considère que le corps des femmes est là pour servir le patriarcat et satisfaire le désir des hommes.
Le choix du titre “Le Gang du Clito” était également une provocation, car beaucoup de gens pouvaient initialement penser que nous abordions principalement des sujets liés à la sexualité. Cependant, notre intention était bien plus large. Nous souhaitions partir de cette perspective pour explorer des questions plus universelles liées à l’égalité des sexes, telles que l’éducation sexuelle et la santé sexuelle. Nous voulions discuter du consentement, de la conscience de notre propre corps, et rappeler que notre corps nous appartient.
Il s’agissait donc de créer une porte d’entrée accessible, en commençant par ce sujet provocateur, car il est à la fois séduisant et populaire. Cela permettait de briser la barrière de la peur initiale que beaucoup avaient vis-à-vis de ces discussions complexes, en montrant d’emblée que notre intention était d’explorer à quel point la société limite la vie des femmes. L’idée était de rendre ce discours plus attirant pour s’adresser à toutes les personnes qui, au départ, appréhendaient ces thématiques.
Quelle est la genèse du Gang du Clito ?
En 2018, j’ai lancé le le compte Instagram dans le cadre de l’écriture de mon premier livre, Le petit Guide de la Masturbation Féminine. À l’époque, j’ai estimé que ce serait une excellente idée, car il y avait peu de ressources disponibles pour libérer la parole et recueillir des témoignages sur ce sujet essentiel pour mon livre. C’est ainsi que j’ai reçu plus de 6000 témoignages, que j’ai intégrés dans mon ouvrage. L’objectif était de redonner la parole aux femmes, car mon livre mettait en lumière à quel point nous avons été trahies et trompées, ainsi que la manière dont le corps des femmes a été maltraité, en particulier leur corps sexuel.
Et comment ce compte a-t-il évolué depuis ?
Ce compte évolue en même temps que moi, en parallèle avec l’évolution de la société et la révolution actuelle. En 2018, il était difficile de trouver des informations sur la masturbation féminine, et j’avais du mal à aborder ce sujet. De nombreuses maisons d’édition ont rejeté mon livre en raison de son titre, mais aujourd’hui, les choses ont changé. Le compte évolue avec sa communauté vers cette révolution féminine, qui prend une dimension de plus en plus globale.
Nous créons un contenu qui se concentre toujours sur la déconstruction au quotidien, en explorant des questions populaires telles que “Qu’est-ce que le féminisme ?“. Nous élargissons notre champ d’action pour aborder des domaines tels que les relations de couple, le travail, les médias, et nous cherchons constamment à analyser notre société avec un nouveau regard, que de plus en plus de personnes partagent aujourd’hui. Cette approche critique vise à déconstruire continuellement les normes établies, même si elle peut être fatigante, car elle représente en fin de compte une charge portée principalement par les femmes. Cependant, c’est cette charge qui nous permet de continuer à alimenter ce mouvement qui a une portée mondiale.
Il est remarquable de constater que cette révolution est l’une des plus grandes qu’ait connues l’humanité, car elle concerne 52 % de la population mondiale. Les réseaux sociaux ont montré que la mondialisation se manifeste de manière synchronisée. Lorsqu’il se passe quelque chose en France, il se passe quelque chose en Argentine, puis en Pologne, puis aux États-Unis, et ainsi de suite. Participer, à petite échelle, à cette grande révolution est une expérience extraordinaire et gratifiante.
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Comme tu ne trouvais pas d’éditeur, tu as fondé ta maison d’édition: Better Call Julia qui comprend notamment dans son catalogue Le petit Guide de la Masturbation Féminine. T.1 (le tome 2 arrive !), Le Petit Guide de la Foufoune Sexuelle (T.1 et 2) à destination des enfants et des adolescents. Est-ce que tu peux un peu m’expliquer la démarche derrière ces livres et quelle était ton intention?
L’intention derrière cette démarche est simple et bienveillante : elle vise à aider les nouvelles générations à se construire de manière égalitaire et éclairée. Je constate que nos générations précédentes ont dû déconstruire beaucoup de notions avant de pouvoir les reconstruire. Avant de reconstruire, il faut déconstruire, et ce processus a parfois engendré des complexes, des blessures, voire des violences sexuelles, en raison d’un manque de connaissances. Mon objectif est d’empêcher que cela se reproduise pour les générations futures, en leur fournissant les bases nécessaires pour mieux comprendre ce qui les attend.
Le corps doit être vu comme notre meilleur ami, dès notre naissance. Il faut apprendre à l’aimer et à le considérer en priorité pour sa santé. Souvent, avant d’avoir des complexes sur son apparence, on se focalise sur des aspects mineurs qui sont souvent liés à l’esthétique ou à la sexualisation du corps, ce qui crée des problèmes. Le rôle principal du corps est de nous accompagner chaque jour, de nous permettre de marcher, de respirer, de chanter, de sauter, de jouer, de rire, et bien plus encore. Nous ne disons pas assez à quel point le corps est extraordinaire, et nous lui envoyons souvent des énergies négatives. Il est important d’apprendre à l’apprécier dès le plus jeune âge.
Où en es-tu maintenant dans tes projets? Quelles sont tes prochaines étapes ?
Actuellement, je suis sur l’écriture du second tome du Petit Guide de la Masturbation Féminine qui va être la suite de cette révolution clitoridienne. Dans le premier, c’était un petit peu la grande gifle mentale: « Regardez, on va déconstruire, regardez notre corps ressemble à ça ! On a le droit d’avoir du plaisir, on a le droit de se masturber, on peut en parler entre nous et mettre les choses à plat ! » Et dans le deuxième, on se pose la question rétrospective: « qu’est-ce qu’on a fait en cinq ans? » Nous connaissons une métamorphose féministe qui amène aussi d’autres complexes qu’il est important de partager. On s’est rendue compte qu’on pouvait jouir et mais nous n’avons pas encore créé les codes qui remplaceraient le schéma pénétro-centré. Pour cela, je travaille sur beaucoup de témoignages, de recherches médicales pour créer ces nouveaux schémas.
Comptez sur nous pour être à l’affût de ce nouveau tome, une formation continue dans l’exploration d’une sexualité déconstruite et, surtout, la recherche constante de finalement « ce que l’on veut vraiment » en s’affranchissant (enfin) des constructions que, parfois, nous reproduisons inconsciemment ! GO GIRLS !
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