Après 17 ans de bons et loyaux services, la boutique Cartier à Bruxelles se métamorphose. Son ambition ? Nous offrir une expérience multisensorielle à la hauteur de l’héritage de la Maison tout en rendant hommage aux savoir-faire locaux. Pari réussi grâce au talent des deux architectes d’intérieur les plus en vue du moment, Virginie Friedmann et Delphine Versace.
Il aura fallu deux ans de réflexion et neuf mois de travaux pour redonner vie à ce lieu iconique… Ici, Virginie Friedmann et Delphine Versace, les architectes d’intérieur star en charge de la rénovation, ont souhaité créer un « écrin féminin, solaire et poétique » dans lequel chaque détail raconte une histoire. « On voulait créer un espace où chaque pièce se révèle progressivement, comme une promenade dans un jardin secret », explique Virginie. Ce matin-là, notre visite de la boutique s’apparente donc à une flânerie au pays des métiers d’art et du fait main, où chaque espace révèle une atmosphère différente… « Nous avons pensé cet endroit comme une succession de petites scènes, presque théâtrales, toutes connectées autour d’un thème central, celui de la nature », explique Delphine. Ce qui frappe dès les portes d’entrée franchies, c’est ce jardin intérieur autour duquel s’articulent les différentes pièces. Il donne le ton avec son mur végétal et sa zone de repos. On est alors tout de suite plongé dans un écrin au féminin, une œuvre d’art où il est plaisant de déambuler. « Cartier a une volonté de différencier chaque boutique et pour se faire, ils s’entourent à chaque fois d’architectes d’intérieur différents. Pourquoi nous avoir choisies pour celle de Bruxelles ? Sans doute parce qu’on aime travailler main dans la main avec les meilleurs artisans dans tous nos projets. »
Un zeste de belgitude
Bien que chaque boutique Cartier dans le monde soit unique, celle de Bruxelles se distingue par son lien étroit avec sa ville et ses artisans. « Il y a des codes Cartier que nous avons dû respecter, bien sûr. Mais pour l’aspect purement décoratif, nous avons eu carte blanche. Notre mission principale était de retranscrire l’héritage de Cartier dans sa ville d’adoption », explique Virginie. Pour Cartier, il ne s’agissait donc pas simplement de rénover la boutique, mais de lui offrir une nouvelle identité qui résonne avec Bruxelles, sa culture, son histoire et ses savoir-faire. « Pour réussir la mission, il a fallu partir à la recherche des connexions entre la Maison et Bruxelles », raconte Virginie. C’est ainsi que le duo d’architectes a entrepris une exploration approfondie des symboles architecturaux de la capitale belge. Parmi les lieux qui ont nourri leur inspiration, les Serres royales de Laeken occupent une place centrale. « Ces serres majestueuses, avec leurs dômes en verre et en métal, nous ont beaucoup inspirées. Nous avons voulu recréer cette atmosphère, à la fois légère et monumentale », explique Delphine. Dans la salle principale, cette influence est palpable : une réplique en bas relief et en papier mâché du célèbre dôme des serres – qui ressemble à s’y méprendre à celui du Grand Palais, clin d’œil aux origines parisiennes de la marque – entoure une majestueuse panthère, le tout réalisé à la main par l’atelier de Célina Blundell et Christophe Therrien. « Cette œuvre représente à elle seule l’union entre Bruxelles et Cartier », confie Delphine avant d’ajouter : « La panthère, emblème de la Maison, est une figure forte et mystérieuse, tandis que le dôme évoque les structures de verre emblématiques de la ville. C’est un véritable dialogue entre ces deux univers. » Quelques mètres plus loin, coup de cœur aussi pour une autre belgitude, cette fois dans la salle principale… Sous un plafond orné d’une frise « Tutti Frutti », inspirée des célèbres créations colorées de Cartier, un bar invite à la convivialité.
« C’est l’une des rares boutiques Cartier à intégrer un bar. On voulait vraiment rendre hommage à la culture belge de la rencontre et du partage. » Les architectes sourient en évoquant ce détail, qui, selon elles, « n’est pas un hasard dans une ville comme Bruxelles (sous-entendu : où on aime encore bien boire un petit coup une fois !, NDLR).» Mais les Serres royales et le bar ne sont pas le seul clin d’œil à l’architecture et la culture bruxelloises. La Grand-Place, le jardin d’hiver des Ursulines ou encore des bâtiments plus secrets comme des maisons Horta, ont également inspiré l’esthétique du lieu. « Nous avons visité des endroits parfois inaccessibles au public, des résidences privées où l’artisanat belge est magnifié dans les moindres détails. »
« Ce qu’on propose ici ? Une rêverie, une reconnexion avec la nature et au fait main »
L’artisanat d’art au cœur du concept
L’un des éléments les plus marquants de cette rénovation est aussi et sans conteste l’importance donnée à l’artisanat d’art. « Nous avons fait appel à une quinzaine d’artisans, dont la plupart sont belges ou français, pour réaliser les œuvres et les éléments décoratifs de la boutique. Ce projet est une ode à leur savoir-faire », souligne Virginie. Parmi eux, Léontine Périlhou, une artiste textile installée dans les Pyrénées, a réalisé une œuvre en macramé qui orne les murs d’une des salles. « J’ai réinterprété les symboles végétaux chers à Cartier en brodant chaque motif fil à fil », raconte Léontine. Son travail minutieux et tactile évoque une parure qui, au lieu de sublimer un décolleté, sublime un mur, tout en apportant une dimension organique à l’espace. « C’est un jeu de textures, de reliefs, qui attire l’œil et donne envie de s’approcher. Un peu comme on le ferait avec une pièce de haute joaillerie », conclut l’artisane. Une autre artiste, renommée pour son travail sur le verre, a été sollicitée pour créer une porte en vitrail inspirée des capucines du jardin d’hiver des Ursulines. Cette œuvre, réalisée par Raphaëlle Colette, intègre des motifs Art déco revisités, qui apportent une touche à la fois historique et contemporaine au lieu. « Le savoir-faire de Raphaëlle est unique. Elle parvient à faire dialoguer l’ancien et le moderne, tout en respectant les codes chers à Cartier », commente Virginie.
« J’ai réinterprété les symboles végétaux chers à Cartier en brodant chaque motif fil à fil »
Léontine Périlhou
Le mot d’ordre : durabilité !
« L’idée était ici de créer une boutique qui rend hommage aux métiers d’art mais aussi un lieu au diapason avec les défis environnementaux ! Du coup, l’un des plus grands défis de ce projet a été de combiner l’esthétique luxueuse de Cartier avec une approche durable », explique le duo d’architectes. « On a sourcé avec soins les meilleurs artisans qui travaillent encore à la main ou avec des procédés peu énergivores et des matériaux durables. Un exemple ? Le sol du jardin d’hiver est composé de briques recyclées », précise Delphine. Passionné par la recherche d’objets uniques, le studio d’architecture d’intérieur Friedmann & Versace a aussi su insuffler un caractère authentique à la boutique en chinant plusieurs éléments décoratifs. « Nous avons parcouru le marché aux puces de SaintOuen à Paris et le quartier des antiquaires et du Sablon à Bruxelles, à la recherche de trésors qui ajouteraient une dimension intime au lieu », raconte Delphine. C’est ainsi qu’elles ont trouvé des appliques mais aussi deux grenades en cuivre, désormais posées sur une petite table basse dans le salon VIP, ajoutant une touche personnelle à cet espace réservé aux clients privilégiés. D’ailleurs en parlant du salon VIP, véritable cocon de luxe caché derrière une porte en vitrail, il offre une expérience unique et intimiste, à l’abri des regards indiscrets. « Nous voulions que cet espace soit un peu à part, comme un refuge pour les clients qui souhaitent prendre le temps », explique Virginie. Résultat : « C’est une boutique qui respire Bruxelles, tout en étant profondément Cartier », conclut Virginie. Le plus difficile dans la mission? Rendre les bijoux que Cartier nous a prêtés pour pavaner le jour de l’ouverture (rires).