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À New York, les célibataires n’hésitent plus à louer les services de professionnels de la séduction pour les aider à flirter en ligne et rencontrer l’âme sœur.

Vous trouvez qu’être célibataire à Bruxelles est une galère ? À New York, c’est le « Radeau de la Méduse ». Avec 250 000 « single women » de plus que d’hommes, dégoter the man in Manhattan est un casse-tête. Laura, splendide actrice en herbe de 28 ans, se désole : « Chez moi, dans le Midwest, toutes mes copines sont mariées et elles ont des enfants. Elles croient que j’ai un gros problème inavouable. Mais non ! C’est juste qu’ici il y a du monde partout, mais on ne rencontre personne. On est trop occupés, trop stressés, trop pleins de clichés. Pendant longtemps, j’ai eu le sentiment d’évoluer dans un jeu vidéo, avec des amis que je ne vois pas et des hommes qui me draguent virtuellement. Heureusement, tout a changé grâce à mon love coach. »

Aux Etats-Unis, ils sont des centaines à offrir leurs services pour aider leurs clients à trouver l’amour en ligne : « Tips to Attract », « Happy in Love », « Get the Guy »… On ne compte plus les experts qui proposent des ateliers, des séminaires ou des cours par Skype. Leur métier ? Laurie Davis, qui a quitté le marketing pour se consacrer à son site eFlirtexpert, le résume en deux phrases : « À l’heure d’internet, rencontrer un homme demande un talent qui s’apprend. Je l’enseigne. »

Moyennant une centaine de dollars par mois, Laurie vous concocte un profil idéal, vous trouve des candidats, et son équipe de journalistes écrit même les premiers textos à votre place. Mais la plupart des coachs proposent aussi des livres à lire, des exercices à faire. Lindsay Chrisler, 23 ans et coach depuis déjà trois ans, estime que c’est cela le point le plus important : les exercices pour apprendre à se connaître. « Internet est formidable, assure-t-elle, j’ai même une cliente de 70 ans qui peut enfin draguer sans avoir à s’inscrire dans un cours de poterie. Mais le problème, c’est qu’on utilise mal cet outil. Si on multiplie les “dates”, comme on peut facilement le faire, on devient cynique, déprimé, apeuré. Mon travail est d’abord de lutter contre cette peur. » Pendant les trois premiers mois de son programme, Lindsay oblige ses clients (deux tiers de femmes pour un tiers d’hommes environ) à agir en dehors d’internet. « Lindsay m’a aidée à reprendre confiance en moi, à parler, à dire ce que je voulais, explique Samantha, avocate de 34 ans. Elle m’a aidée à changer d’attitude. »

La première erreur du « dating online », que tous les coachs dénoncent, c’est celle-ci : y aller en désespéré. « Le pire, c’est le dimanche soir, assure Laurie Davis. On est triste, on attire des gens comme nous. Enchaîner les rendez-vous en se disant que, statistiquement, ça finira par marcher, est une autre grosse erreur. Internet est top pour augmenter vos chances de rencontre, mais il ne faut y aller que de bonne humeur ! » Pour être « in the mood for love », il faut savoir jouer. « Et le problème, témoigne Thomas Edwards, du site The Professional Wingman, qui aide des hommes à draguer dans des bars et sur internet, c’est qu’on prend tout ça trop au sérieux. On se dit qu’on a coché la case boulot, appart, amis sympas, vacances aux Bermudes. Et que trouver l’âme soeur est un nouveau défi. Un travail. La plupart des candidats aux rencontres y vont sans humour, comme s’ils partaient à la guerre. Notre boulot, c’est donc de réapprendre aux gens à jouer, à flirter ! »

« À New York, on vous explique tout le temps qu’il y a des règles à suivre, témoigne Megan, une autre cliente de Lindsay. Votre texto ne doit pas être plus long que celui du mec, il doit appeler trois fois plus que vous, s’il ne met pas un “X” (bisou, ndlr) à la fin du message, c’est mauvais signe… et le pire, c’est qu’on peut vivre des mois une relation sans qu’elle soit officielle ! » Le travail de ces coachs est donc, aussi, d’apprendre à redevenir soi-même, avec ses faiblesses. Annie Lin a étudié cinq ans le yoga, la méditation et la psychanalyse, avant de devenir love coach en ligne : « Je suis persuadée qu’on obtient ce qu’on est, pas ce qu’on veut. Si on est positif, si on attend quelque chose de bien, on l’aura. Mais il faut être dans de bonnes dispositions. Ensuite, les gens comprennent vite comment suivre leurs instincts, se protèger, garder une zone de confort… » Quelle différence entre ces coachs et un bon psy, une amie qui analyserait elle aussi les textos en championne olympique d’un sport pratiqué depuis l’adolescence ? « Une amie aura toujours tendance à vous conforter dans vos erreurs pour ne pas vous faire de la peine. Je vous confronte à vous-même. Et je ne suis pas psy non plus, je peux parler de votre enfance, mais on ne va pas s’appesantir là-dessus. On va se concentrer sur les schémas qui se répètent dans vos histoires, on va analyser vos peurs, vos erreurs habituelles, vos rêves, on va déterminer si vous savez quel genre de personne vous avez envie de rencontrer. C’est une question que les gens se posent rarement, curieusement. Ensuite, on établit un profil qui vous correspond, et on cherche un homme qui va avec. Quand mes clientes font une rencontre – en général, ça va très vite –, on passe à la deuxième phase : les échanges de messages. Je les conseille au quotidien si elles le souhaitent, je les aide à bien gérer cette histoire qui commence. »

C’est là qu’intervient la technique, la vraie : comment analyser un mail, comment rester soi-même, comment rester positif même si on ne reçoit plus rien ? Mais, surtout, avant tout ça : quel site choisir ? Quelle photo de profil mettre ? Quelles infos communiquer ? Quand se connecter et combien de temps ? À les entendre, on se dit qu’une université américaine pourrait bientôt instaurer l’agrég’ de la drague en ligne. « C’est un savoir, explique Laurie. Mes six journalistes vous interrogent, vous connaissent parfois mieux que vous-même, et s’occupent de tout. Ils choisissent une photo qui exprime votre personnalité, établissent votre profil, suggèrent des rencontres auxquelles vous n’auriez jamais pensé. L’important, c’est que l’autre soit célibataire, veuille des enfants, soit rassurant, intelligent… Pas qu’il ressemble à un fantasme. Le fantasme est très dangereux. Les trois quarts des couples que j’ai mis ensemble ne se plaisaient qu’à 60, 70 %, pas 90. » Son site eFlirtexpert, monté il y a un peu plus de cinq ans, est un immense succès. Qui l’a amenée à rencontrer son mari, Thomas Edwards. Le couple coache désormais des clients du monde entier, du Canada à Dubaï en passant par Londres. Et tous les deux répètent la même chose : « Draguer, être prêt à aimer, c’est comme un muscle. Il faut se laisser aller, être plus souple, car on en devient plus fort. » N’empêche que ce sont leurs équipes qui envoient leurs premiers messages : « Il faut savoir être drôle, ouvert et informatif. Un journaliste sait faire ça ! » Espérons. « Au bout de six messages, reprend Laurie, je propose un rendez-vous. » Le client y va presque comme s’il allait visiter un appartement sélectionné par un chasseur immobilier. Ici, le lieu du premier « date » est capital : « Pas un petit déjeuner ni un café, juge Annie Lin, au diapason avec les autres love coachs. Ca ressemble trop à un entretien d’embauche. Le mieux, c’est de prendre un verre. Mais pas trop longtemps, histoire qu’on puisse garder la tête froide. » Et après ?« Même si ça marche, je conseille toujours d’avoir plusieurs “dates” à la fois, confie Lindsay. Comme ça, on ne se concentre pas de manière excessive sur la personne. Sauf, évidemment, si vous vous impliquez émotionnellement à chaque fois. Il paraît que c’est le cas en Belgique. Alors, aux Belges, je conseillerais juste un “date” à la fois, mais sans trop s’impliquer au début ! » La sage Annie Lin conclut : «De toute façon, ce qu’on essaie d’apprendre à nos clients, c’est d’être plus légers, plus séducteurs, plus ouverts, donc d’être plus Européens, non ? Je ne pense pas que vos lectrices aient besoin de nous… » Ah oui ?

Florence Besson