Notre numéro de juin est consacré à l’empowerment. À cette occasion, le ELLE.be a rencontré des femmes fortes, qui ont lancé leur projet et qui nous inspirent. Gesine Holschuh a fondé la marque Wehve et donne ses conseils aux femmes qui désirent se jeter à l’eau.
Gesine a démarré Wehve, il y a un peu plus d’un an. “Wehve”, vient du terme agnlais “to weave” et fait référence au tissage artisanal réalisé par les femmes d’une coopérative uruguayenne. Tous les accessoires de la collection se composent à 70 % de mérinos, une laine d’excellente qualité et à 30 % de soie. De merveilleuses pièces qui respectent les valeurs du commerce équitable: la coopérative est certifiée par la World Fair Trade Organization et ce n’est pas un hasard…
Un CV qui fait rêver
D’origine allemande, Gesine a un curriculum vitae à faire pâlir les dirigeants du CAC 40 ! Et pourtant, ce n’est pas forcément ce qu’elle met en avant. À 49 ans, cette blonde rayonnante préfère nous parler du futur plutôt que du passé. Ce qui démange notre curiosité…
Ingénieure commerciale, elle a un diplôme de la Solvay Brussels School qu’elle a complété avec un MBA de l’Insead (une sorte de doctorat en business – pour faire court). Ensuite, elle bosse à New York dans l’”investment banking”. Elle passe sept ans chez McKinsey en Allemagne et en Belgique avant de rejoindre InBev. En 2005, elle co-fonde RestoPresto (oui, môssieur), puis revend ses parts. Depuis, elle travaille comme consultante indépendante en “business development” pour de grands groupes alimentaires, en Belgique et à l’étranger. Elle est également membre du conseil d’administration de Max Havelaar depuis mai 2012. Et c’est là que son projet prend tout son sens…
Comment tout a commencé ?
“J’ai eu l’occasion de travailler pour l’ONG Hand in Hand qui m’a envoyée en Afrique. Lorsque j’y ai rencontré des femmes qui m’ont témoigné à quel point fonder leur micro-entreprise avait changé leur vie, ça m’a bouleversée.” Gesine, à l’emploi du temps très chargé, multiplie les voyages à l’étranger. C’est ce qui l’amène en Uruguay. “Là-bas, j’ai vu de très belles ruanas, ces grands châles traditionnels. Sous le charme, J’ai parcouru le pays pour découvrir qui les réalisait. J’ai rencontré plusieurs coopératives de femmes et je me suis rendue compte qu’elles avaient une belle technique de tissage, ce qu’on ne voit pas beaucoup en Europe. C’est un tissage épais avec de la laine 100% naturelle. Ce travail leur permet de rester chez elles, d’arranger leurs horaires.”
Comme toute fan de fringues qui se respecte, elle commence par acheter des pièces qu’elle ramène en Belgique. “C’est toujours pareil. En voyage, ce sont des pièces qui nous émerveillent et puis, une fois rentrée, on les ressort et on s’interroge sur les franges un peut trop longues, sur une fente mal placée… Et puis un jour, je me suis dit que je voulais faire quelque chose et construire un projet atour ce tissage afin de le rendre accessible au marché européen.” Et c’est comme ça qu’est né le projet.
Gesine décide de s’entourer de Marine Halna du Fretay (20 ans d’expérience chez Hermès! ), pour dessiner la collection. “J’ai réussi à l’enthousiasmer avec mon projet. On a essayé de penser à des formes faciles que les Uruguayennes peuvent réaliser sur des métiers à tisser manuels. Mais ce n’est pas toujours simple ! Une forme évidente pour nous ne l’est pas forcément pour elle et à l’inverse aussi ! On a travaillé les couleurs, les matières, les formes, on s’est inspirées de motifs classiques sud-américains mixés à d’autres avec des mélanges de couleurs. On dû vraiment apprendre à travailler ensemble.” C’est ce qui donne ce mélange étonnant entre artisanat (l’Uruguay est un pays mondialement reconnu pour sa laine mérinos) et la modernité (la collection été 2015 joue sur le tie and dye de couleurs).
La multiplication des points de vente
Une fois le projet pensé (il a fallu deux ans pour mettre en place le processus de production, unir les différents villages, sélectionner les ateliers), la businesswomen s’est jetée à l’eau. “Pour lancer la machine et pour montrer à la coopérative que j’étais sérieuse et que j’en voulais, j’ai démarré la fabrication de 500 pièces. Pour voir. Les délais allaient-ils être gérés, la qualité serait-elle au rendez-vous ? Les instrucitons respectées ? Finalement, tout s’est très bien passé. Cela m’a permis de démarcher certaines boutiques en Belgique. Icon et Louise 54 m’ont fait une première commande. Et ça a très bien marché.” Aujourd’hui, Wehve est présente dans les boutiques Graanmarkt 13 à Anvers, Twiggy à Gand mais également chez Simone à Paris, elle a des showrooms à Milan, une bonne quinzaine de magasins en Allemagne, Autriche, Suisse et même à Miami ! “À l’avenir, je vais vraiment me consacrer sur l’expansion de la marque à travers l’Europe. C’est un gros challenge, parce que ça veut dire qu’il faut également améliorer le processus de fabrication avec de nouveaux métiers à tisser, de nouveaux ateliers. C’est une approche globale.”
Quatre conseils pour démarrer
Lancer un projet, changer de vie, ouvrir un peu plus les perspectives de son univers, Gesine n’est pas la seule à y avoir pensé, mais tout le monde n’ose pas toujours franchir le pas. Elle nous délivre trois précieux conseils:
– Dès le début, il faut s’entourer. “Je n’aime pas être seule, j’aime bien échanger, travailler en groupe. Je commence à construire mon équipe petit à petit. J’ai un chouette réseau de graphistes, photographes, magasins avec qui je m’entends très bien et c’est vraiment important.”
– Se (re)former. “La mode, ce n’est pas mon métier. Je n’avais pas de connexions là-dedans. Il a fallu que j’apprenne le fonctionnement, les différentes étapes de la création. Dans mon cas: la filature, la teinture, le tissage, le tricot… Et puis j’ai appris l’espagnol. C’est essentiel pour communiquer avec les filateurs, les ateliers, les tisseuses. On se Skype !”
– Utiliser son parcours comme support pour asseoir son projet. “L’expérience, la formation et les contacts. C’est plus facile de se lancer quand on a des atouts, même s’ils ne viennent pas du même secteur. Ça donne une confiance. Il faut en faire une force.”
– Ne pas avoir peur, même s’il faut cumuler le temps de travail. “Parfois je bosse la nuit. C’est prenant. J’ai trois enfants, ils sont d’ailleurs tous impliqués à leur façon. Mon fils de 10 ans vient même m’aider à faire des livraisons en Belgique !“