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Moins de sucre, plus de goût. Eclairs et merveilleux ont perdu deux tailles et font un come-back dans nos assiettes.

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Le merveilleux, icône de la pâtisserie. Sa version 2015, imaginée par Pierre Marcolini, ne ressemble vraiment pas à son illustre « ancêtre » typiquement belge.

De retour de Paris où il enregistre la troisième saison de « Qui sera le prochain grand pâtissier ? » et avec sa voix chaude d’homme aguerri aux médias, Pierre Marcolini (qui vient quand même d’entrer dans Le Petit Larousse illustré, édition 2016 !) explique : « La tendance du marché de la pâtisserie, c’est le monoproduit. » Comme le chocolatier le précise, c’est son pote, Christophe Adam, qui a eu cet « éclair de génie », une expression que l’ancien chef pâtissier de Fauchon s’est accaparée avec malice quand il a fondé sa première boutique (il en possède désormais quelques-unes). Avec beaucoup de finesse et d’élégance, l’homme (aussi esthétiquement consommable que ses créations) décline l’éclair, cette icône de la pâtisserie française, au gré de mille saveurs. Son N°39 Vanille pomme verte (comme dans les restos chinois, ses créations portent un numéro) anime efficacement la pâte à choux avec une crème vanille et un glaçage vanille-pomme verte pour un résultat tonique et parfumé.

Son N°134 Orange est simplement fourré de crème pâtissière à l’orange et garni d’éclats de kumquat confit. Ultrafrais, l’intitulé tient fidèlement sa promesse. Quant à son N°133 Fraise des bois, il fait appel à la crème mascarpone et à un glaçage carmin orné de fraises des bois fraîches. Toute la subtilité aromatique du petit fruit rouge éclate en bouche. Le succès de cet « éclair de génie » se résume comme suit : peu d’ingrédients mais de bons produits, une taille medium et des goûts francs pour un coup de tonnerre gustatif.

Installé à Uccle, à Stockel et à deux pas de la Grand-Place de Bruxelles, Éclairs et Gourmandises a repris le concept, s’offrant les services de Julien Alvarez et Quentin Bailly, sacrés respectivement champions du monde de pâtisserie en 2011 et 2013, pour mettre au point ses recettes. Révolutionnaire pour certains gourmands bruxellois, la formule ne séduit pas tout à fait les puristes : beaucoup d’éclairs sont jugés trop sucrés, trop chers (jusqu’à 4,90 euros pièce), et surtout partent dans une surenchère de goûts et de textures, comme ce Marrons cassis  composé de crème de marron parfumée au cognac, crème de mascarpone et pointe de confit de cassis, le tout surmonté d’un glaçage cassis et de meringuettes.

Les éclairs aux mille saveurs et numérotés de Christophe Adam. Du grand art en douceur.

  • En matière de douceurs, la tendance est au « less is more »

Pascal Devalkeneer, le chef deux étoiles du Chalet de la Forêt, confirme : « Terminer un beau repas par une note de douceur, ça reste l’un des gestes essentiels d’un repas gastronomique, mais là, on va de moins en moins sur le sucré et on verse de plus en plus vers l’acidité, voire même l’amertume ; et c’est ce à quoi mon équipe en pâtisserie travaille. » En atteste son fameux dessert au pamplemousse rose et Campari.

Et, de fait, les nutritionnistes, pourtant jamais vraiment d’accord entre eux, le sont pour le coup : ce qui tue et fait grossir, ce ne sont pas tant les matières grasses que le sucre. Et Marcolini de surenchérir : « On a diminué les portions, les petits gâteaux sont passés de 120 à 60-80 grammes. Et puis, rien à faire, en cuisine comme en pâtisserie, trop de goûts tue le goût. Chez nous, on retravaille le merveilleux (4,70 euros) en lui donnant une présentation plus contemporaine et en se concentrant autour d’une seule saveur : vanille, chocolat, praliné, framboise…

Isabelle Wanson, historienne du spéculoos, spécialiste de la Saint-Nicolas et réputée pour ses posts Facebook dédiés aux douceurs les plus régressives, partage le même avis : « Qu’est-ce qui fait la grandeur et la noblesse d’un merveilleux ? C’est sa simplicité sublime : une meringue, de la crème fraîche (vraiment fraîche) très légèrement sucrée et montée en chantilly, et juste des copeaux de chocolat. Une trilogie imparable où le craquant sucré de la meringue est adouci par la fraîcheur douce de la crème fraîche et épicée par le fondant du chocolat. »

Or, là encore, Aux Merveilleux de Fred, une enseigne française spécialisée dans ce grand classique et récemment implantée en Belgique, péche un brin par excès. à la manière des Américains qui adorent les triple decks et autres déclinaisons redondantes autour d’un même thème, sa gamme de merveilleux (au chocolat, au café, à la cerise, au caramel…) est un peu surjouée côté sucre et arômes. Surtout, il n’y pas de « bête » merveilleux, car dans celui-là Frédéric Vaucamps incorpore du cacao à la chantilly. Dans son « Incroyable », le pâtissier lillois la fouette avec du spéculoos avant de l’enrober de copeaux de chocolat blanc. Dans son « Magnifique », elle est aromatisée au praliné et nappée d’éclats d’amandes et de noisettes caramélisées. évidemment, c’est gourmand et généreux, mais à nouveau, pour les puristes, juste un peu too much. Or, en Belgique, le « trop is te veel » ne passe pas comme une couque (ou alors de Dinant). Pourtant, conjuguées en différentes tailles, les portions de Fred (trois bouchées pour un mini merveilleux) sont juste géniales et donnent envie d’acheter toute la collection (1,30 euro pour le mini, 2,65 euros l’individuel).

  • Egoïstes et régressifs

Après les mug cakes, voici les mug cookies, ou l’art des biscuits individuels à cuire dans une tasse. Le principe est simple, il demande du beurre, du sucre, un œuf et de la farine, une tasse, une cuillère et un micro-onde ! C’est prêt en 5 minutes, ça se déguste encore tiède, à même le mug et cela se décline en un paquet de recettes sucrées et même salées.

« Mug cookies » de Christelle Huet-Gomez et Akiko Ida (Marabout, Les Petits Plats).

  • Les petits derniers qui font le buzz

Le duo de pâtissiers bretons Giovanni Malecot et Baptiste Mandon décline le chou en mini-portions et au gré de jolies nuances : caramel au beurre salé, crème fraîche aux zestes de citron, chocolat au lait jivara, pistache orange… La quadrature  de leur foudroyant succès chez les foodies de la capitale, c’est la fraîcheur et la qualité des ingrédients, les goûts fantastiques et les mini prix (1,50 euro pièce). Alors que dans la plupart des pâtisseries, on trouve des Koma (ces frigos professionnels qui permettent de stocker les préparations et de les assembler au fur et à mesure au fil de la semaine), chez Chouconut, tout est frais du jour et, purée (de fruits), ça se goûte ! À vrai dire, les deux jeunes pâtissiers ont été habitués à de hauts standards de qualité, eux qui ont fait leurs armes dans les plus grands restaurants : au Bristol à Paris, chez Ducasse à Las Vegas ou Thomas Keller à New York, avant de se retrouver durant un an au Chalet de la Forêt qu’ils ont quitté pour fonder à Saint-Gilles leur boutique-salon de dégustation. Par ailleurs, de leurs pérégrinations au pays des Oreo et des Dunkins, ils ont ramené le goût des cookies et des donuts. Ces derniers, ils les ont upgradés en les rapetissant en une version ultrafine et légère. « Comme pour nos choux, nous voulions quelque chose de facile à manger mais de très gourmand. Que, lorsqu’on croque dans nos gâteaux, on ait en bouche une vraie explosion de crème et un goût plein et authentique. » Même combat côté donuts. Parmi leurs hits, le Crème brûlée est une véritable tuerie : un petit beignet arrondi laqué de caramel croquant, brûlé au chalumeau et fourré d’une légère crème vanillée (en somme, une boule de Berlin sacrément revisitée !). Et on ne vous parle pas de celui glacé à la framboise et rempli à cœur d’une purée de framboises et éclats de gingembre : à déguster en compagnie d’un thé blanc patiemment chiné par monsieur Liping Weng.

  • Une tendance venue des Etats-Unis

Isabelle Wanson pointe cette tendance, née aux States, à l’hybridation des classiques, comme le fameux cronut de Dominique Ansel, le croissant qui se prend pour un donut, pour lequel les New-Yorkais sont capables de faire deux heures de file alors qu’ils sont limités à deux pièces par personne. Au rayon des mutants, il y a aussi les brookies, qui allient le moelleux du brownie au croustillant des cookies, ou encore les croffins, mariage mixte entre le croissant et le muffin. Par ailleurs, on nous annonce l’arrivée imminente en Europe des angel cakes, ces gâteaux aériens et moussus qui, superposant couches et couleurs, peuvent se napper du pire comme du meilleur. À voir… Car chez nous, tout ne prend pas ! En attestent les whoopies (un sandwich de biscuits mous farci), qui n’ont pas fait le poids face à la douce folie des macarons. D’ailleurs, les bons ingrédients, sains et naturels, c’est sans doute, hormis évidemment la créativité et la qualité technique des recettes, le secret de la réussite de Lilicup, fabrique artisanale bruxelloise de cupcakes dont le succès ne dément pas, a contrario d’autres tentatives parfois trop flashy et bling-bling qui ont davantage investi dans les colorants que les œufs et le beurre frais, et surtout la recherche du goût ultime.

Reste la question des dangers du sucre… Rappelons que toutes ces créations ne sont pas surnommées pour rien « gâteaux du dimanche ». à celles et ceux qui craignent les kilos, la messe est dite !

  • Les adresses 

Pierre Marcolini

www.marcolini.be

Aux Merveilleux de Fred

www.auxmerveilleux.com

Eclairs et Gourmandises

www.eclairsetgourmandises.com

Chouconut

www.facebook.com/Chouconut

Lilicup

www.lilicup.com

Boule de New York

www.bouledenewyork.be

Sandrine Mossiat